Filière bois en Occitanie : du potentiel mais peu mieux faire…

L’étude que l’INSEE Occitanie vient de publier, intitulée "Filière forêt-bois : une ressource à mieux valoriser, un atout pour l’emploi en zone rurale" fait état des forces et des faiblesses de ce secteur qui, en Occitanie, emploie quelque 18.700 salariés dans 6.400 établissements. Chiffre d'affaires, emplois, potentiel, investissements : le président de Fibois Occitanie, Sylvain Fourel, commente cette étude pour La Tribune. Décryptage.
Cécile Chaigneau
L'Occitanie est la 2e plus grande région forestière de France métropolitaine après la Nouvelle-Aquitaine, mais elle n'est que 7e pour le chiffre d'affaires des entreprises régionales de la filière, qui souffrent d'un manque d'équipements.
L'Occitanie est la 2e plus grande région forestière de France métropolitaine après la Nouvelle-Aquitaine, mais elle n'est que 7e pour le chiffre d'affaires des entreprises régionales de la filière, qui souffrent d'un manque d'équipements. (Crédits : Fibois)

Le titre de l'étude résume d'un trait une faiblesse et une force : "Filière forêt-bois en Occitanie : une ressource à mieux valoriser, un atout pour l'emploi en zone rurale"...

Elle vient d'être publiée par l'INSEE Occitanie* et suscite d'emblée un commentaire à Sylvain Fourel, le président de l'interprofession Fibois Occitanie : « Cette étude confirme toujours le même paradoxe : la région Occitanie est une région hyper boisée mais mal équipée en termes de capacités de récolte et de transformation. Cette faible spécialisation du territoire persiste, étude après étude ! Malgré des investissements conséquents, on reste à la traîne par rapport aux autres territoires français... »

  • L'Occitanie au 7e rang de chiffre d'affaires

L'Occitanie est la deuxième plus grande région forestière de France métropolitaine (2,6 millions d'hectares) après la Nouvelle-Aquitaine, mais elle n'est que 5e pour le volume de bois récolté. Le chiffre d'affaires des entreprises régionales de la filière s'élève
 à 2,7 milliards d'euros (en 2019), soit trois fois moins qu'en Nouvelle-Aquitaine, situant l'Occitanie au 7e rang des régions de France métropolitaine.

« C'est le fruit de ce manque de capacités, analyse le président de Fibois. Mais il faut quand même noter que les forêts des Landes sont plus faciles à exploiter que les forêts d'Occitanie qui se situent majoritairement dans des montagnes (massif central et massif pyrénéen notamment, NDLR) avec des difficultés d'accès et des parcelles plus petites. Il faut aussi considérer des difficultés liées au morcellement foncier, avec des propriétaires qui parfois ne savent pas qu'ils ont une forêt exploitable et n'ont donc pas de plan de gestion (les forêts privées représentent un peu plus de 2 millions d'hectares qui appartiennent à 430.000 propriétaires, soit une surface moyenne de 4,5 hectares par propriétaire, NDLR). Seulement 25% des surfaces forestières d'Occitanie sont couvertes par un plan de gestion, ce qui signifie que dans les trois-quarts des forêts, il ne se passe rien ! »

  • 18.700 emplois

En Occitanie, la filière forêt-bois emploie 18.700 personnes, dont 15.800 salariés, au sein de 6.400 établissements, plaçant l'Occitanie au 6e rang pour le nombre d'emplois dans la filière. L'INSEE précise que « la part de la filière dans l'emploi régional (0,7 %) est l'une des plus faibles, notamment deux fois plus faible qu'en Nouvelle-Aquitaine ».

Les territoires ruraux accueillent la moitié de ces emplois. L'Ariège,
le Gers, l'Aveyron et la Lozère sont les départements où la filière forêt-bois a le poids le plus important, jusqu'à 2,1% en Aveyron et en Lozère quand il monte entre 3 et 4% en Nouvelle-Aquitaine. C'est en Haute-Garonne que les emplois de la filière
sont les plus nombreux (2.600 emplois) même s'ils pèsent peu dans l'emploi du département (0,4%). La part de la filière dans l'emploi est également faible sur le littoral, même si
 les Pyrénées-Orientales accueillent deux établissements d'envergure nationale dans l'industrie du papier-carton (Republic Technologies à Perpignan, spécialiste du papier à rouler, et Sterimed à Amélie-les-Bains-Palalda, fabricant d'emballages stériles médicaux).

  • Sciage et travail du bois : le défi de la modernisation

Les activités de sciage et de travail du bois (fabrication de charpentes, de menuiseries ou d'emballages en bois) constituent le segment le plus employeur de la filière, à égalité avec le segment construction bois : 5.500 personnes y travaillent, soit 30% de l'emploi de la filière.

Le problème majeur soulevé par l'étude, c'est le sous-équipement des entreprises de la région : « Le segment du sciage et du travail du bois est celui de la filière qui a la plus faible productivité apparente du travail. L'intensité capitalistique, qui reflète la valeur des équipements utilisés, est faible et en deçà du niveau national. Malgré ce besoin de modernisation, le taux d'investissement des entreprises régionales est plus faible (17% en 2019) qu'en France métropolitaine (19%) ».

« On est très largement sous-équipés et il est difficile de s'hasarder à donner des explications, mais on peut souligner que mis à part quelques foyers à Toulouse, Alès ou Béziers, l'Occitanie est une région peu industrialisée, observe Sylvain Fourel. Nos métiers sont passés d'artisanaux à industriels, ce qui est très mobilisateur de finances, or beaucoup de scieurs et de transformateurs de la chaîne de valeur n'ont pas franchi ce cap. La filière régionale a du mal à investir et donc à se mettre à niveau par rapport à ses concurrents. »

L'INSEE souligne une autre faiblesse de ces activités sciage et travail du bois : « Un enjeu fort est d'intégrer davantage la matière première bois locale dans les scieries d'Occitanie. La production régionale de sciage est essentiellement résineuse alors que la forêt occitane est majoritairement constituée de feuillus ».

« On se fournit ailleurs où le bois est moins cher, confirme Sylvain Fourel. Nos scieries étant moins industrialisées et moins automatisées que leurs concurrentes françaises et européennes, elles ont des coûts de transformation plus importants et fournissent donc des prestations plus chères. C'est le serpent qui se mord la queue ! »

  • Construction bois : un fort potentiel

Le segment de la construction bois s'affiche très atomisé en Occitanie (1.830 établissements, 5.500 emplois), avec près de six emplois sur dix qui sont situés dans des établissements de moins de dix salariés.

« Il existe en effet beaucoup de petites structures et on manque peut-être de structures intermédiaires », analyse Sylvain Fourel (lui-même est dirigeant de l'entreprise Selvea, spécialisée dans la construction bois et basée à Vendargues dans l'Hérault).

L'étude de l'INSEE prédit néanmoins (et sans surprise) un avenir radieux à ce segment en raisons de deux éléments, l'un national, l'autre régional : l'utilisation du bois devrait se développer avec l'entrée en vigueur de la réglementation environnementale RE 2020 qui favorise l'usage des matériaux de construction durable, et la croissance de la population d'Occitanie qui devrait porter ces activités liées au logement.

« Nous sommes optimistes, mais nous serons confrontés aux mêmes problématiques que les scieurs si les entreprises ne sont pas capables d'investir massivement pour répondre aux capacités de préfabrication bois : nous souffrirons d'un manque de compétitivité, met en garde le président de Fibois. C'est maintenant qu'il faudrait massivement investir... Or post-Covid, beaucoup d'entreprises ont des soucis de trésorerie et on observe une augmentation des défaillances dans le secteur de la construction. Il faut récupérer des marges alors qu'on a été écrasés par le coût des matières premières, même si ça va un peu mieux aujourd'hui. Notre capacité à investir est réduite et elle dépend de notre capacité à lever des fonds, car les banques ne suivront pas. L'avenir paraît radieux mais le trou de souris est très étroit et beaucoup d'entreprises n'y parviendront pas ! »

  • L'enjeu du renouvellement des compétences

La sylviculture et l'exploitation forestière, mais aussi le sciage et le travail du bois vont être confrontés à la problématique du renouvellement de main d'œuvre. Ce qui pourrait « constituer une opportunité pour moderniser ce segment », imagine l'INSEE.

« La problématique est moins vraie la construction bois où la moyenne d'âge est plus basse, mais il y a des postes ouverts sur lesquels on ne parvient pas à recruter, par exemple dessinateur en construction bois, témoigne Sylvain Fourel. Pourtant ces métiers de la construction bois bénéficient de plus d'attractivité que d'autres plus pénibles comme scieur ou bucheron. Fibois veut travailler sur cette question où il y a des efforts à faire en termes de formation mais aussi de conditions de travail. »

  • La question des salaires

Justement, à propos de conditions de travail, l'INSEE note que « en Occitanie, les salariés de la filière forêt-bois perçoivent en moyenne
une rémunération annuelle brute
 de 32.300 euros, inférieure de près
 de 5% à la moyenne nationale (34.000 euros). La structure de 
la filière explique en partie cette plus faible rémunération : le segment de la construction, moins rémunérateur, pèse davantage en Occitanie que dans les autres régions, pour ce segment, les rémunérations sont plus faibles en Occitanie qu'en France. Cet écart tient également à un plus faible salaire horaire dans la région : 13,2 euros contre 14,6 euros dans
 la filière en France métropolitaine ».

« Je suis à moitié surpris mais cette différence n'est-elle pas valable toutes filières confondues ?, réagit Sylvain Fourel. Là aussi, on est dans un cercle vicieux : les entreprises ont des coûts de transformation plus élevés car elles sont moins industrialisées et font donc moins de marges. Elles ont donc moins de salaire à offrir... »

Le segment de la sylviculture et de l'exploitation forestière fait toutefois exception, avec une rémunération plus élevée en Occitanie qu'en France.

  • Le contrat de filière en révision

L'État, la Région Occitanie et les professionnels de la filière (réunis au sein de leur interprofession Fibois Occitanie) travaillent actuellement à la révision du contrat de filière pour 2023-2025 qui fixera les engagements pour accompagner le développement économique de la filière en région.

« Nous allons définir un contrat de filière resserré, avec moins d'ambition en diversité d'actions, mais plus d'ambition sur la réalisation des actions, annonce Sylvain Fourel. Le précédent contrat de filière avait été chahuté par les années Covid et bon nombre d'actions n'ont pas été réalisées. Nous voulons des actions fortes sur la communication notamment, ou encore l'acceptabilité. La filière est en effet inquiète car nous avons de plus en plus de remarques sur le fait de couper les arbres. Nous voulons expliquer que si on veut décarboner, remplacer les énergies fossiles, "dé-pétroliser" notre économie, il faudra aller chercher le bois dans les forêts... Et bien sûr, nous misons sur le volet financements pour essayer de sortir de ce cercle vicieux. »

Lire aussiParadoxe sur le marché mondial du bois : pénurie de matière première en amont, embellie de la demande en aval

* L'INSEE met en garde : « Les sources de données utilisées dans cette étude diffèrent de celles de l'étude de 2017 "Filière forêt-bois : un potentiel économique à développer" (Insee Analyses Occitanie n° 56). De ce fait, les résultats de ces deux études ne sont pas comparables ».

Cécile Chaigneau

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