Erosion côtière : dans l’Hérault, Frontignan expérimente le premier outil d’observation et de surveillance du littoral en Méditerranée

Alors que le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) vient de cartographier le recul du trait de côte à court, moyen et long-terme, un projet, pionnier en Méditerranée, se déploie. Le projet gardIAn, basé dans la ville côtière de Frontignan (Hérault), va accumuler des données qui, couplées à de l’intelligence artificielle, permettront de progresser dans la connaissance des phénomènes de tempêtes pour mieux les prévenir. Explications.
A Frontignan (Hérault), le Syndicat Mixte du Bassin de Thau vient d'inaugurer le dispositif gardIAn, dédié à l'observation et à la surveillance des plages.
A Frontignan (Hérault), le Syndicat Mixte du Bassin de Thau vient d'inaugurer le dispositif gardIAn, dédié à l'observation et à la surveillance des plages. (Crédits : DR)

Les dernières estimations du GIEC alertent sur une probable augmentation de température de 2 à 5° et une élévation du niveau de la mer comprise entre 60 cm et 1 mètre d'ici 2100... Et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) vient de cartographier le recul du trait de côte à court, moyen et long-terme et ses conséquences sur l'habitat et l'économie locale.

En Méditerranée, 23% du littoral de l'Occitanie est exposé à des risques de submersion marine et d'érosion du trait de côte et, depuis la fin de la mission Racine, près de 50% du littoral sableux est en érosion, la pression démographique, touristique et les activités humaines accélérant le processus. Si les tempêtes en Méditerranée sont moins fréquentes qu'en Atlantique, elles sont en revanche plus impactantes et leur nombre est en constante augmentation.

Pour tenter de protéger les communes du recul du trait de côte et des coups de mer, près de 300 ouvrages ont été érigés (épis, brise-lames, géotubes) au prix de financements conséquents (56 millions de crédits État-Région dans l'Hérault, pour financer des projets comme la mise en valeur du lido de Sète à Marseillan et du lido de Frontignan et la renaturation du petit et grand Travers à La Grande Motte).

Pour autant, cette dynamique défensive ne résout pas tout. Le 29 mars dernier, le Syndicat Mixte du Bassin de Thau (SMBT) inaugurait l'implantation, à Frontignan, d'un dispositif dédié à l'observation et à la surveillance des plages, mis en place par le centre d'expertise de Suez, Rivages Pro Tech.

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Vision modélisée des vagues

« Nous sommes aujourd'hui face à deux postures : l'une consiste à vouloir laisser agir les phénomènes naturels en relocalisant les habitants exposés au risque de submersion, l'autre est basée sur une proactivité de résistance avec des équipements et potentiellement de la prédiction, analyse Alexandre Pennaneac'h, chef de projet Plateforme Innovation SMBT. C'est dans cette optique que s'insère le dispositif GardIAn. »

Installé depuis le mois de février au poste de secours de la Bergerie à Frontignan, le dispositif GardIAn se compose d'un mât de 8 mètres, au sommet duquel trois caméras filment en continu, et de manière décalée, le front de mer (sur 300 mètres de large et 1 kilomètre de long).

« Il y a un véritable enjeu à mieux comprendre le mécanisme des vagues et comment le littoral répond à un épisode de tempête, explique le chef de projet. Les caméras vont donc enregistrer les mouvements de vagues et la forme des fonds sableux pendant deux hivers, durée pendant laquelle le système, doté d'intelligence artificielle, va apprendre à modéliser. Il sera alors suffisamment efficient pour une prédiction d'épisodes de tempêtes affinée à sept jours. »

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200 logements près du cordon dunaire

Le projet s'inscrit dans le cadre de Blue Thau Lab, la plateforme collaborative d'expérimentation publique-privée pour l'innovation en matière de gestion environnementale. GuardIAn a d'abord été expérimenté non loin, à Marseillan, avant de maturer et de passer au stade objet de série à Frontignan, les deux villes continuant de travailler en synergie. Mais surtout, cet outil territorial a été pensé avec et pour les habitants. La concertation a notamment permis de déterminer le lieu d'implantation, le site de la bergerie, endroit sensible qui cristallise les inquiétudes de ses habitants car près de 200 logements y sont situés à proximité du cordon dunaire.

« Il était primordial que les habitants s'emparent de ce projet car il s'inscrit dans une réflexion globale sur la perception des risques côtiers et sur les stratégies de protection territoriales et politiques publiques à mener en Méditerranée, appliquées à notre climat et nos enjeux locaux, précise Alexandre Pennaneac'h. Non seulement le projet mixe des données ouvertes et participatives inter-institutions mais il incite aussi les habitants à collaborer sur des micro-tâches ou des micro-missions comme le fait de prendre des photos de la plage, vérifier que le dispositif est bien alimenté... On pousse vraiment sur l'aspect science participative, un modèle très courant en Australie mais encore peu développé en France, sauf côté Atlantique. »

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Emulation

Pionnier en Méditerranée, le projet GardIAn est aussi une opportunité, pour les entreprises mobilisées sur les enjeux du littoral à l'échelle méditerranéenne, et en particulier du Bassin de Thau, d'élargir leur périmètre de R&D. En travaillant par exemple sur des nouveaux systèmes de strates de sable résistant aux vagues ou sur des systèmes d'absorption des ondes marines.

« Nous travaillons dans une logique concertée entre partenaires de manière à créer tout un périmètre de défi et de challenge autour de ces enjeux », souligne Alexandre Pennaneac'h.

Le projet GardIAn, qui représente un investissement de l'ordre de 200.000 à 300.000 euros et mobilise une quinzaine de personnes, intéresse d'autres living-lab, comme celui de Boulogne-sur-Mer.

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