Le port de Sète "limite la casse" et investit sur le ferroviaire et le fluvial

INTERVIEW. Après six années consécutives de croissance, le port régional de Sète-Frontignan a clôturé l’année 2020 sur une baisse de 10% de son chiffre d’affaires global. L’impact varie selon les activités, le plus touché étant le commerce. Son directeur Olivier Carmès promet le maintien des investissements productifs pour atteindre dès 2021 les objectifs fixés en 2020, et donne quelques orientations majeures, comme le ferroviaire et le fluvial.
Cécile Chaigneau
La crise a perturbé les activités du port de Sète, qui perd 10% de son chiffre d'affaires global en 2020, mais limite la casse.
La crise a perturbé les activités du port de Sète, qui perd 10% de son chiffre d'affaires global en 2020, mais limite la casse. (Crédits : Port de Sète Sud de France)

La Tribune - Comment qualifieriez-vous l'année 2020 sur le port de Sète ?

Olivier Carmès - L'année 2020 aurait dû être l'année du 7e record successif d'activité pour le Port de Sète-Frontignan, avec sans aucun doute l'atteinte des 5 millions de tonnes de trafic pour le port de commerce et le dépassement des objectifs du Projet stratégique 2015-2020. Mais la crise sanitaire a fortement perturbé ce plan, mais nous pouvons considérer avoir limité la casse économique... Port Sud de France a tenté de maintenir ses activités de commerce, criée et plaisance grâce à l'engagement de toute la communauté portuaire. Malgré cette mobilisation, nous avons dû faire face à un ralentissement de nos activités à hauteur de 10%, nous ramenant au niveau d'activité de 2017, soit un trou d'air de trois ans ! Ce qui a nous permis de tirer notre épingle du jeu, c'est qu'on est très polyvalent sur la gestion de nos trois ports, où l'impact a été différent, le plus touché étant le commerce...

L'activité ferry a beaucoup chuté, mais le pire aura été pour l'activité croisières...

On avait prévu 60.000 passagers et on en a eu zéro ! Année blanche. Et surtout, on ne sait pas quand l'activité pourra reprendre... Sur le ferry, on a baissé de 40% sur le Maroc suite à l'arrêt début mars. Mais on s'en est bien sorti grâce à la mobilisation des services de l'Etat et un protocole sanitaire appliqué très en avance. La reprise de l'activité commerciale n'a été possible qu'à partir du 15 juillet en exclusivité avec l'Italie, l'Espagne étant fermée, et sous protocole sanitaire extrêmement strict, mais avec des quotas : 400 passagers par traversée au lieu de 1.000. Puisque l'Espagne était fermée, nous avons aussi accueilli une 2e compagnie assurant encore aujourd'hui la liaison avec Nador, la société Balearia...

Peut-on dire que vous avez limité les dégâts sur la pêche, avec une baisse de 3% ?

Au début, nous avons été très inquiets, et on a même pensé stopper les ventes à la criée. Finalement on est revenu à 3 ou 4 jours par semaine, grâce à une bonne gestion et à la solidarité entre pêcheurs, qui se répartissaient les jours de sortie en mer, se prêtaient du matériel.

Malgré un arrêt brutal de la navigation durant la crise sanitaire, l'activité plaisance enregistre une hausse de 12%. Comment l'expliquer ?

La plaisance s'en sort mieux car quand on crée des places supplémentaires, on fait rentrer des loyers. Or la mise en exploitation du quai Maillol en janvier 2020 a permis d'ajouter 52 postes d'amarrage supplémentaires. A ça s'ajoute un aspect conjoncturel : durant l'été 2020, les gens ont moins voyagé et ont profité de leur bateau (des records quotidiens de fréquentation atteignant 36 escales par jour ont été enregistrés avec des records en août, NDLR).

Le port a enregistré une baisse de 10% du trafic sur le vrac solide en 2020. Quelles sont les perspectives sur ce segment ?

Sur le vrac, qui utilise beaucoup le fluvial, on a signé en 2020, en pleine crise, l'achat d'une nouvelle grue de déchargement d'une valeur de 6 millions d'euros, qui sera livrée cet été. Elle permettra d'augmenter la productivité, car les bateaux resteront moins longtemps à quai, ce qui nous rendra plus compétitifs et donc en capacité d'attirer plus de trafic.

Quelles sont les grandes orientations stratégiques du port pour 2021 ?

D'abord, ce qui nous rassure, c'est que la crise a conforté nos engagements sur le projet stratégique 2021-2025, validés fin 2019, avec notamment le verdissement des activités portuaires et limitation de l'empreinte carbone (le Port de Sète investit par exemple dans le branchement des navires à quai afin de réduire les rejets polluants dans la zone portuaire, NDLR). Nous avons maintenu un certain nombre d'investissements dans ce sens, notamment pour la nouvelle plateforme ferroviaire (financée par le port pour 3,7 millions d'euros, et par la Région pour 4,7 millions d'euros, NDLR), dont les travaux ont démarré à l'été 2020, et qui devrait être livrée à l'été 2021. L'objectif, c'est de poursuivre le développement de l'intermodalité des transports sur le port de Sète. Cette plateforme ferroviaire nous permet de répondre aux exigences de l'État sur le développement des autoroutes ferroviaires, Sète-Calais ayant été retenue en juin 2020 avec Perpignan-Rungis, Bayonne-Cherbourg. Un appel d'offres est en cours pour retenir un opérateur qui investira dans l'outil industriel afin de permettre le chargement horizontal des trains... Aujourd'hui, 10 à 12% des entrées sur le port de Sète se font par voies fluviales ou ferroviaires et notre objectif est de monter à 20% à horizon 2025.

Cette année 2020 difficile vous permet-elle de maintenir le niveau d'investissements prévus ?

Oui ! Un budget de 10,7 millions d'euros a été voté en décembre pour 2021. Certains projets sont à cheval sur 2020 et 2021, comme la plateforme ferroviaire ou la grue pour le vrac. Nous avons confirmé le lancement de travaux sur le village chauffeurs et de bureaux transitaires pour améliorer l'accueil des usagers portuaires... Pour la pêche, nous allons commencer au 2e trimestre 2021 les travaux de refonte de la criée qui est vieillissante, soit 1 million d'euros d'investissement. Et nous nous attaquerons à la remise à plat des branchements électriques sur les quais de pêche... Pour tout ça, nous souscrirons un emprunt supplémentaire par rapport à ce qui était prévu initialement.

Vous avez également de nouvelles ambitions sur le segment des croisières de luxe ?

On était peut-être arrivé à un niveau trop élevé sur port de Sète : de 20 000 passagers par an sur les dix dernières années, on est passé à 120.000 en 2018, 115.000 en 2019, en accueillant des navires de grandes dimensions sur le quai H, livré en 2016. Sur 2020, on était déjà dans une réorientation de cette démarche. La compagnie espagnole Pullman Tour tous les dimanches, avait décidé de partir de Marseille à partir 2020, or c'est elle qui nous avait permis d'augmenter le nombre de passagers...La crise est l'occasion de se réorienter, d'autant qu'il reste encore des incertitudes sur l'activité de croisière : réserver le quai d'Alger et le môle Masselin (qui peuvent accueillir des navires jusqu'à 200 m et 240 m, NDLR) sur le segment haut de gamme, et garder le quai H pour les grands navires, ce qui nous fera revenir à 60.000 passagers par an.

Quel est le foncier disponible sur le port ?

Un des axes structurant d'un port, c'est d'avoir du foncier. On commençait à être limités... Il nous reste deux parcelles sur lesquelles on pousse nos opérateurs en attente d'une aide du plan de relance pour construire de nouveaux entrepôts. Et ensuite plus rien sur le port. D'où l'aménagement de 18 ha de la ZIFMAR pour favoriser le développement des importations de véhicules neufs, qui sera en exploitation d'ici fin 2021. Et la Région (gestionnaire du port, NDLR) récupère des friches industrielles autour du port pour créer une plateforme logistique. L'appel à projets sera bientôt lancé pour construire un ou deux entrepôts pour du stockage. Et comme on va aller vers de plus en plus de circuits courts, notamment automobiles, pourquoi pas y accueillir des concessionnaires multimarques avec zones de démonstration.

Le 22 janvier au Havre, Jean Castex a présenté une ambitieuse réforme portuaire avec un important programme d'investissement. Comment le port de Sète est-il concerné ?

Les investissements se concentreront essentiellement sur la fusion des ports de Paris, du Havre-et de Rouen... Mais enfin, on parle des ports décentralisés dans la compétitivité des ports ! On aimerait bien que le gouvernement y pense dans le cadre du plan de relance, qui consacre 170 millions d'euros mais pour les grands ports mais qui ne flèche rien pour les ports décentralisés. Quand on parle de gouvernance des ports, beaucoup de professionnels aimeraient participer aux décisions. Chez nous, nous avons 220 acteurs privés, et au Conseil d'administration, il y a six élus régionaux et cinq personnalités qualifiées dont deux du commerce, un de la pêche, un de la plaisance, et un d'intérêt collectif, en l'occurrence l'ancien ministre Jean-Claude Gayssot. Et c'est une bonne chose. Si on a réussi à limiter la casse, c'est que tous les professionnels ont été solidaires.

Les chiffres-clés 2020

  • - 10% du chiffre d'affaires global : 21,5 millions d'euros en 2019, 19,3 millions d'euros en 2020
  • - 12% du chiffre d'affaires commerce
  • - 3% du chiffre d'affaires pêche
  • + 12% du chiffre d'affaires plaisance
  • Trafics en hausse : roulier + 50% ; import de clincker (constituant du ciment) avec 35.000 tonnes en 2019 contre 130.000 tonnes en 2020 ; bétail avec 135.000 tètes exportées en 2020 contre 120.000 en 2019 et 60 000 en 2018.
  • Trafics en retrait : - 10% sur le vrac solide ; - 20% sur les hydrocarbures ; - 25% sur l'import de véhicules neufs ; - 40% sur l'activité ferry ; - 100% sur les croisières.
Cécile Chaigneau

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