Travail illégal : l’addition grimpe à 21,32 millions d’euros redressés en Languedoc-Roussillon, en 2022

Irrégularités déclaratives, fortuites ou intentionnelles. En matière de lutte contre le travail dissimulé, l’URSSAF annonce chaque année le fruit de ses efforts pour faire reculer le risque. En 2022 sur l’Occitanie-est (ex-Languedoc-Roussillon), l’enveloppe des montants redressés s’élève à 21,3 millions d’euros, contre 13,8 millions l’année précédente. Les contrôles portent sur l’ensemble des formes de travail, tant salarié que travailleur indépendant.
Cécile Chaigneau
Le Languedoc-Roussillon est un territoire identifié comme plus exposé au travail illégal dans la mesure où il affiche sur-représentation de secteurs à risque, notamment le BTP et l'hôtellerie-restauration, qualifiés de particulièrement "fraudogènes".

Elles ne lâchent rien. Les équipes de contrôle de lutte contre le travail dissimulé amplifient même leurs actions. En 2022, 180 contrôles ont été diligentés sur le territoire de l'Occitanie-est (ex-Languedoc-Roussillon), permettant le redressement de 21,3 millions d'euros (787 millions au total au niveau national), soit 16,3 millions d'euros pour 75 dossiers dans la catégorie des employeurs, et 4,7 millions d'euros pour 105 dossiers de travailleurs indépendants. Un an auparavant, François Hiebel, le directeur de l'URSSAF Languedoc-Roussillon, avait émis l'ambition d'augmenter les montants redressés (alors 13,8 millions d'euros) de 50% : « C'est chose faite », se satisfait-il aujourd'hui.

« La lutte contre le travail dissimulé est essentielle pour préserver les droits sociaux des salariés et garantir une concurrence loyale entre les entreprises, martèle-t-il. Nous sommes et serons intransigeants dans notre politique de lutte contre les fraudes et le travail illégal... L'Etat nous avait donné un objectif de 60 millions d'euros sur la période 2017-2022 et nous sommes à 64 millions d'euros, et l'objectif qu'il nous a assigné pour la période 2023-2027 est de 120 millions d'euros (5 milliards au niveau national, NDLR) et je pense que nous irons au-delà. On accroît la pression ! »

Le territoire du Languedoc-Roussillon se distingue-t-il des autres sur la question du travail dissimulé ? « Oui et non, répond François Hiebel. Non dans la mesure où les comportements sont à peu près identiques partout, mais oui en raison d'une sur-représentation sur le territoire de secteurs à risque, notamment le BTP et l'hôtellerie-restauration qui sont particulièrement "fraudogènes". »

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Un redressement de 3 millions d'euros

L'ensemble des secteurs d'activité est concerné, avec en effet, en 2022, des secteurs prédominants tels que le BTP avec 66% des dossiers concernés et 19% pour le secteur de la sécurité.

« Les secteurs les plus pourvoyeurs, comme au niveau national, sont toujours le BTP, les hôtels-cafés-restaurants-bars, la sécurité et le gardiennage - alors même que ce sont des gens qui sont agréés par le ministère de l'Intérieur - et le transports de biens et de personnes, précise le directeur de l'URSSAF en Languedoc-Roussillon. D'ailleurs, notre plus gros redressement dans la région porte sur un montant de 3 millions d'euros dans le secteur de la sécurité. C'est un dossier issu d'une action partenariale... »

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Chez les micro-entrepreneurs de la région, le plus gros redressement effectué par l'URSSAF était d'environ 200.000 euros, comme l'an passé.

François Hiebel estime que la hausse du montant global redressé est à attribuer non pas tant à une augmentation du nombre d'opérations (il était de 162 en 2021) qu'à des dossiers « plus significatifs » avec des montants moyens redressés plus importants.

« Le respect des plans de recouvrement s'est poursuivi et nous en sommes à 75% des plans qui ont été apurés, ajoute-t-il. Nous avons repris le recouvrement forcé qui s'était interrompu pendant la période Covid. En revanche, nous n'avons pas constaté de mouvement significatif de redressements ou de liquidations judiciaires, nous sommes revenus au niveau de 2019. Il est possible qu'on observe un mouvement dans ce sens dans le secteur de la promotion immobilière ou de l'intermédiation immobilière dans les mois à venir mais ce n'est pas le cas pour le moment. »

Des moyens humains qui vont être dopés

Parmi les actions réalisées, l'URSSAF cite le contrôle d'un auto-entrepreneur audois sur chantier qui a permis de constater la minoration de son chiffre d'affaires et le redressement de 60.000 euros, ou le contrôle d'un commerçant des Pyrénées-Orientales faussement inscrit en Espagne et ne déclarant ni ses salariés ni son revenu professionnel, ayant permis le redressement de 50.000 euros. Ou encore, dans l'Hérault, le contrôle d'un chantier concernant deux entreprises du BTP qui a permis de constater qu'elles avaient recours à du travail dissimulé en bande organisée, avec quelque 134.548 euros de rémunérations non déclarées à l'URSSAF. Un contrôle « arrivé très rapidement après la création des entreprises et qui a permis d'éviter une fraude plus importante », note l'URSSAF.

Ces résultats sont, selon le dirigeant, le fruit d'un ciblage plus précis et d'outils digitaux de plus en plus performants : « Le travail sur le terrain est appuyé par le travail de ciblage et de recueil des données qui nous permettent d'aller plus loin dans nos investigations. Les échanges de données, l'utilisation du big data et du DataMining, ainsi que nos actions partenariales* nous ont permis de multiplier par 2,5 nos résultats en cinq ans... Ce n'est donc pas le fruit du hasard mais bien une volonté ! ».

François Hiebel annonce d'ailleurs que l'URSSAF va augmenter les moyens humains dédiés à la lutte contre le travail illégal : alors que l'organisme compte aujourd'hui une équipe de 70 inspecteurs-contrôleurs dont une dizaine qui se consacrent à cette mission, cette équipe dédiée montera à 17 dans les deux ans qui viennent avec le recrutement de sept personnes.

Un renforcement de coopération avec la CAF

La lutte contre le travail dissimulé, c'est aussi pister les fraudes aux cotisations sociales. Le gouvernement a d'ailleurs annoncé, le 30 mai dernier, des mesures pour renforcer ces actions, prévoyant notamment de doubler les contrôles auprès des entreprises d'ici 2027, comprenant la lutte contre la fraude au détachement de travailleurs et le recouvrement des cotisations sociales des micro-entrepreneurs.

« Les partenariats avec des organismes de Sécurité sociale, notamment celui avec les Caisses d'allocations familiales (CAF, ndlr) qui s'est renforcé, permettent également de détecter des fraudes, indique François Hiebel. Notre coopération avec la CAF de l'Hérault a d'ores et déjà permis de détecter des fraudes communes : sur des signalements de l'URSSAF, 63 dossiers ont été régularisés par la CAF - 35 après un contrôle sur place et 28 suite à un traitement administratif - avec un impact financier de 417.814 euros. Quant aux signalements effectués par la CAF, ils ont permis à l'URSSAF un redressement financier de 190.500 euros. »

La situation de presque plein emploi et les difficultés à recruter que rencontrent les entreprises pourraient-elles avoir un impact sur le travail illégal ? « Ça ne devrait pas déclencher un risque supplémentaire, ce risque étant le même en situation de plein emploi ou qu'en situation de sous-emploi », répond le dirigeant.

* Le comité opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF) rassemble la Direction générale des Finances publiques (DGFIP), la Direction Régionale de l'Économie, de l'Emploi, du Travail et des Solidarités (DREETS), la gendarmerie et la police, ainsi que les procureurs de la République.

21,3 millions d'euros, c'est l'équivalent de...

Pour rendre les choses plus palpables, l'URSSAF a fait l'exercice de transposer en équivalences les sommes redressées en matière de travail dissimulé. Ainsi, 21,3 millions d'euros redressés en un an, c'est l'équivalent de 333.125 vaccins contre la grippe, 888 jours d'hospitalisation en soins intensifs, 2.066 allocations mensuelles de chômages, 152.286 consultations chez le médecin généraliste, ou 2.951 allocations mensuelles de solidarité aux personnes âgées.

Cécile Chaigneau

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Commentaire 1
à écrit le 18/06/2023 à 8:55
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C'est très peu exposant que racler les fonds de tiroirs pour les caisses publiques tandis que l'évasion fiscale par dizaine de milliard continue d'être autorisée est franchement indécent.

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