Taxe américaine sur les vins : coup dur pour les exportateurs régionaux

La taxation des vins français aux États-Unis, annoncée par Donald Trump le 3 octobre dernier, plonge les exportateurs régionaux dans la tourmente. Ce coup dur fragilise une filière déjà bien malmenée.
(Crédits : Patrice Thebault - Région Occitanie)

« Ça va secouer très fort. Cette taxe de 25 % sur les vins français exportés aux États-Unis est d'autant plus fâcheuse qu'elle survient à un moment où deux autres de nos plus gros marchés export sont déjà dans la tourmente : le Royaume-Uni avec le Brexit et la Chine où les ventes de vins français vacillent. »

Frédéric Pacaut, DG et directeur commercial de Badet Clément, ne cache pas son inquiétude. Les États-Unis sont le premier marché export cette entreprise mi-bourguignonne, mi-languedocienne. Elle y expédie 1,5 million de bouteilles par an, majoritairement des vins du Languedoc-Roussillon, et notamment sa marque phare Les Jamelles, en IGP pays d'Oc.

« Cette taxe va porter le prix de notre bouteille Les Jamelles de 11 à 13 $, précise ainsi Frédéric Pacaut. Il y a de fortes chances que le consommateur ne suive pas et que nos volumes de vente s'effondrent. D'autant que les vins américains, qui sont en ce moment en sur-stock, risquent, eux, de baisser leur prix. Et les vins italiens, déjà leaders des vins importés aux États-Unis, sont épargnés par cette taxe et vont donc devenir encore plus compétitifs. »

« Cette taxe va nous faire du mal »

Au domaine Lafage dans les Pyrénées-Orientales, Eliane Lafage est tout aussi préoccupée.

« Les États-Unis sont historiquement notre premier marché, nous y sommes implantés depuis 25 ans, et nous y réalisons 20 à 25 % de notre chiffre d'affaires, confie-t-elle. Cette taxe va nous faire du mal. Heureusement, nos vins rouges, qui titrent plus de 14 %, y échapperont. Mais pour nos blancs et rosés, qui représentent 40 % de nos expéditions, c'est une catastrophe. D'autant qu'on démarre un nouveau millésime, les marchés se décident maintenant. »

Vianney Castan, patron-fondateur de la maison Joseph Castan, se désole aussi de cette nouvelle embuche à l'exportation. Ce producteur négociant commercialise 5 millions de cols par dont 97 % partent à l'export.

« C'est une contrainte de plus dans un moment où le monde français du vin ne se porte pas bien, », déplore-t-il. La mévente des vins de Bordeaux, suite à la baisse de leurs exportations en Chine, pèse sur toute la filière. On ne sait plus vers quel marché se tourner pour vendre nos vins. »

Le désarroi des importateurs

Outre Atlantique, les importateurs sont aussi dans le plus grand désarroi : « J'ai de nombreuses commandes en attente avec des offres en cours qui devront être renégociées ou annulées. Les importateurs américains ont déclaré qu'ils maintiendraient les prix jusqu'au 31 décembre - après quoi, les tarifs devront être augmentés et nos ventes diminueront de 50 % du jour au lendemain. Nous sommes dans le brouillard, personne ne semble savoir si tout cela est réel ! », témoigne Mark Morin, acheteur chez Beverage Horizon Company, importateur basé dans le Massachusett.

Dans les entreprises régionales, on reste cependant combatif pour trouver des solutions.

« Nous avons lancé un plan d'urgence en étudiant différentes alternatives pour minimiser la hausse des prix en diminuant nos marges. Mais il est très difficile de se projeter à long terme, car nous n'avons aucune visibilité sur la durée de vie de cette taxe », explique Frédéric Pacaut.

« On ne baisse pas les bras »

Au domaine Lafage, différentes stratégies sont d'ores et déjà à l'étude : « Nous allons revoir nos packagings en blanc et rosé pour diminuer nos coûts. Nous étudions également la possibilité de réduire le nombre d'intermédiaires dans nos circuits d'importation et de vente sur le territoire américain. Et nous allons renforcer les moyens affectés à nos forces de vente. Nous recevrons les équipes de vente américaines pendant une semaine en décembre pour les rebooster et redynamiser nos ventes, au moins sur les vins rouges. On ne baisse pas les bras », indique Eliane Lafage.

Les États-Unis sont le premier marché export en valeur pour les vins du Languedoc-Roussillon. Sur les sept premiers mois de 2019, les ventes ont atteint 35 M€, soit 26 % du montant total des exportations, et sont en hausse de 25 % par rapport à l'an dernier.

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