Les professionnels de la viticulture régionale et nationale sont unanimes : leur activité est en péril. Dans un communiqué co-signé par les 5 grandes organisations professionnelles et syndicats de la filière, ils pointent les conséquences dramatiques du Covid-19 et réclament des mesures d'urgence.

« La filière subit depuis plusieurs mois un enchainement de crises sans précédent. Après la taxe Trump, la fermeture du marché chinois suite à la crise sanitaire, le confinement instauré en France depuis le 17 mars a fortement ralenti les exportations et mis à l'arrêt les ventes en CHR. Dans ce contexte, les volumes invendus s'accumulent. Or, la vigne n'attend pas et même sans recettes financières, l'activité viticole doit continuer. C'est pourquoi nous demandons de mettre au plus vite en place des mesures d'accompagnement spécifiques et notamment une mesure de distillation volontaire permettant de dégager avant les vendanges les volumes accumulés ».

« Libérer de la place pour la future récolte »

Dans la région Occitanie, cette mesure est soutenue par l'ensemble de la profession.

« C'est vital pour nos entreprises. Nous avons des vins en stock parce que le marché est à l'arrêt. Or les vendanges approchent et il nous faut libérer de la place pour loger la nouvelle récolte et avoir de la trésorerie pour payer les frais de récolte », assure l'Audois Jean-Marie Fabre, président national des Vignerons Indépendants, qui a été l'un des premiers à réclamer cette distillation.

Président des Vignerons coopérateurs d'Occitanie, Ludovic Roux soutient également cette revendication : « Sur le mois de mars et la première quinzaine d'avril, l'activité est en retrait de 50 % en moyenne dans les caves coopératives de la région. Grâce aux mesures gouvernementales de chômage partiel et au report de charges, pour le moment, le règlement des acomptes des adhérents n'a pas été impacté. C'est l'effet amortisseur social de la coopération. Mais il faut éviter à tout prix que ces vins invendus engorgent le marché et fassent chuter les cours ».

3 millions d'hectolitres à la distillerie

Les professionnels réclament des fonds suffisants pour envoyer à la distillation au moins 3 millions d'hectolitres de vin, avec une rémunération de 80 €/hl pour les AOP et IGP, et 60 à 65 €/hl pour les vins sans indication géographique.

« Le règlement communautaire autorise la mise en œuvre de cette distillation de crise mais uniquement sur des fonds nationaux. Nous demandons un soutien financier de l'Europe pour le co-financement de cette mesure exceptionnelle », précise l'Héraultais Jérôme Despey, président du conseil spécialisé vin de France Agrimer.

Le ministre de l'Agriculture a relayé en début de semaine cette demande auprès de la Commission européenne qui, pour le moment, n'est pas des plus favorables.

« Nous n'avons pas de fonds supplémentaires nous permettant d'intervenir sur les marchés », a avancé Janusz Wojciechowski, le commissaire européen à l'Agriculture devant les eurodéputés.

Une position fustigée par le député européen audois, Eric Andrieu, qui était intervenu dès fin mars pour défendre ce projet de distillation et s'indigne : « La Commission Européenne s'entête à réagir avec des moyens traditionnels à une crise exceptionnelle, cette réaction d'une époque qui n'est plus celle que nous vivons est inquiétante ».

Dans une déclaration commune le 17 avril, les 27 ministres européens de l'Agriculture ont également réagi en demandant la mise en œuvre urgente des mesures de soutien des marchés. Le bras de fer est engagé.