De la ferme à l'assiette, FoodPilot s'attaque à la décarbonation de l'agriculture

Les enjeux pour une agriculture et une alimentation moins nocives pour la planète sont immenses. Alors que le gouvernement a concédé quelques reculades écologiques dans sa réponse à la colère des agriculteurs, la startup FoodPilot boucle une levée de fonds de 4,5 millions d’euros pour accélérer sur le déploiement de sa solution : une plateforme de pilotage de la stratégie développement durable des entreprises du secteur agricole et agroalimentaire.
Cécile Chaigneau
FoodPilot, créée à Dijon et aujourd'hui basée à Montpellier, développe une plateforme de pilotage des stratégies développement durable à destination des entreprises agricoles et agroalimentaires.
FoodPilot, créée à Dijon et aujourd'hui basée à Montpellier, développe une plateforme de pilotage des stratégies développement durable à destination des entreprises agricoles et agroalimentaires. (Crédits : FoodPilot)

Pour calmer la colère agricole, le gouvernement a annoncé, le 1er février, de nouvelles mesures en faveur des agriculteurs, dont certaines s'apparentent à des renoncements écologiques et, a minima, remettent en cause la transition écologique du secteur... Comme l'abandon de la hausse de la taxe sur le gazole non routier, le soutien à des projets de stockage de l'eau, ou la « mise à l'arrêt » du plan Ecophyto, qui prévoit de réduire de moitié l'utilisation des pesticides d'ici à 2030 (par rapport à 2015-2017), tout en accélérant la recherche de solutions alternatives.

« Ce que nous propose aujourd'hui Gabriel Attal vient totalement en contradiction avec les stratégies nationales de décarbonation, d'alimentation ou de planification agricole », regrette Thomas Uthayakumar, de la Fondation pour la Nature et l'Homme.

Des stratégies pour lesquelles la startup FoodPilot propose un outil pile dans le scope. Car depuis le 26 mars 2023, les industriels français peuvent appliquer sur leurs emballages un affichage environnemental indiquant un éco-score, l'équivalent du nutriscore mais version impact environnemental. Le gouvernement leur laissait un an et demi avant de le rendre obligatoire en 2025.

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Piloter la transformation des modèles

FoodPilot est née à Dijon en 2022 (cofondée par quatre associés : Didier Livio, Frédéric Volle, Virginie Becquart et Thierry Laval) et a déplacé son siège social à Montpellier au printemps 2023, « pour profiter de l'écosystème notamment en matière agri-agro et viticole », indique Didier Livio, qui revendique une longue expérience dans le développement durable. La startup compte encore des équipes à Dijon mais aussi à Paris.

Elle a investi plusieurs années en R&D pour développer une solution digitale de pilotage de la stratégie de développement durable des entreprises agroalimentaires : la plateforme collecte, massifie et analyse l'ensemble des données réelles de l'entreprise et de ses produits tout au long de la chaîne de production, de la ferme à l'assiette, permettant aux entreprises de mesurer leur trajectoire carbone et RSE, de cibler les points d'amélioration et de réduire leur impact environnemental.

« Le pilotage des entreprises grâce à FoodPilot se fait via une interface simple d'utilisation où il est possible de consulter ses performances actuelles et simuler différents scores et labels en fonction de ses performances prévues ou futures, explique Didier Livio. FoodPilot est la seule plateforme permettant aux entreprises agroalimentaires de piloter leur stratégie RSE sur les enjeux environnementaux comme le carbone mais pas seulement, aussi sur l'eau, la biodiversité, la qualité des sols, etc., en interaction avec le pilotage des questions sociales et économiques. Et ce depuis l'origine du produit agricole jusqu'à l'emballage et son recyclage ! Elle permet de piloter la transformation des modèles agricoles et agroalimentaires. »

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Expert sur les pratiques agricoles et agro-industrielles

La seule plateforme ? Aujourd'hui, de nombreux acteurs se sont engouffrés sur ce segment stratégique de la mesure carbone notamment. Rien qu'à Montpellier, FoodPilot compte deux concurrents : Sweep, plateforme de gestion de la stratégie carbone pour les entreprises (voir encadré), et SMAG, éditeur montpelliérain de solutions logicielles pour le secteur agricole et agro-industriel et qui accompagne la transformation des pratiques agricoles « pour une agriculture et d'une alimentation durables ». Concurrents mais pas tout à fait, selon Didier Livio, qui positionne leurs différences et complémentarités.

« SMAG est un farm-management-system pour la gestion de l'exploitation agricole, et FoodPilot est connecté sur SMAG - mais aussi sur d'autres farm-management-systems - pour télécharger les datas des pratiques agricoles, on est complémentaires, explique-t-il. De nombreux agriculteurs français sont aujourd'hui équipé de farm-management-system, et tous ceux qui vont vouloir aller chercher de la valeur ajoutée devront s'équiper. Du coup, la collecte des datas est simplifiée et se fait par téléchargement automatique. Dans l'agriculture, il existe un volume de datas gigantesque peu utilisé ! »

Concernant Sweep, le dirigeant évoque « une solution carbone simple et tous secteurs, tandis que FoodPilot est hyper expert de l'agriculture et de l'agroalimentaire, sur la base de méthodes scientifiques ».

Une expertise que FoodPilot pousse loin : la startup est lauréate du plan France 2030 pour son programme de recherche sur « le système semi-spécifique », « un système qui identifie les pratiques agricoles ou agro-industrielles à plus fort impact pour se mobiliser spécifiquement dessus... Grâce à lui, nous sommes en train de construire une bibliothèque très fournies sur ces pratiques sur toutes les cultures, tous types de parcelles, etc. ».

La startup a également été récompensée pour un programme de recherche visant à adapter sa solution aux TPE-PME via leur comptabilité, un dispositif conçu en relation avec le dispositif de reporting financier mis au point avec le cabinet comptable In Extenso. Une vingtaine d'entreprises occitanes expérimentent actuellement la solution.

Une levée de fonds de 4,5 millions d'euros

A ce jour, la plateforme FoodPilot offre six fonctionnalités et elles monteront à douze fin juin 2024, permettant de faire des bilans mais aussi de structurer des plans d'action avec des trajectoires de transition ou des outils d'éco-conception pour les industriels par exemple. FoodPilot revendique déjà une trentaine de clients, parmi lesquels les Domaines Gérard Bertrand (viticulture, dans l'Aude), l'entreprise toulousaine Nutrition & Santé, le jambon d'Aoste, la coopérative laitière Eurial, Maïsadour, Pink Lady, Lustucru, le bureau interprofessionnel des vins de bourgogne (3.200 vignerons), « ou l'Institut des vignerons du Sud-Ouest qui va utiliser notre plateforme spécifique pour la viticulture, WinePilot ».

Utiliser FoodPilot coûte entre 40.000 et 150.000 euros par an pour les grandes entreprises, entre 3.000 et 15.000 euros par an pour les PME-TPE. La startup affiche un chiffre d'affaires de 400.000 euros en 2023.

Pour accélérer son déploiement, FoodPilot a bouclé fin 2023 (et l'annonce aujourd'hui) une levée de fonds de 4,5 millions d'euros, son premier tour de table, construit en deux temps : une augmentation de capital en seed de 3 millions d'euros avec Irdi Capital Investissement et la BRED (Banque Populaire), complétés de 500.000 euros de crédits bancaires à moyen terme octroyés par Bpifrance et la Caisse d'épargne Sud. Une 2e tranche d'un million d'euros supplémentaires en capital interviendra avant le 31 juillet, auprès d'un fonds dont Didier Livio tait le nom.

« Cela va nous permettre de finaliser la plateforme full service, de progresser de façon importante sur la bibliothèque des pratiques agro-industrielles du système semi-spécifique, de faire du développement commercial, indique le CEO. Notre solution a vocation à être a minima européenne. Nous démarrerons le développement à l'international courant 2025, mais nous commençons à y accompagner certains de nos clients français. »

La startup, qui emploie aujourd'hui quinze salariés, est en train de recruter dix personnes, majoritairement des profils d'ingénieur agro et de développeurs. Didier Livio annonce déjà un carnet de commandes d'un million d'euros pour 2024, et prévoit de terminer l'année sur un chiffre d'affaires de 2,2 millions d'euros.

Sweep : piloter la trajectoire carbone mais pas que...

Sweep, créée en 2020 à Montpellier, développe à destination des entreprises une data-plateforme (mode SaaS) de gestion de leurs données extra-financières, à commencer par leur émissions carbone, sur toute leur chaîne de valeur, avec l'ambition de les accompagner également dans leur trajectoire d'amélioration. La startup a levé quelque 100 millions de dollars depuis sa création.

« Nous avons commencé par les émissions carbone mais l'objectif est aussi d'aller sur les sujets ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, NDLR) comme l'eau les déchets, les sujets sociaux, la gouvernance, etc., explique aujourd'hui Rachel Delacour, cofondatrice de Sweep. En 2023, nous avons réalisé un gros travail de démarrage sur ces sujets. Travailler avec la finance, le services achats, l'IT et les datas permet aux entreprises d'avoir une meilleure compréhension et une meilleure prise en main des sujets de sustainability. »

Parmi les entreprises qui ont recours à sa solution figurent le groupe L'Oréal mais aussi des entreprises plus petites comme Herschel (sacs à dos), Saint Gobain et JCDecaux, le groupe Bouygues (plusieurs de ses filiales, notamment TF1), Capgemini, le cabinet conseil en management Axionable, KPMG, Royal Canin ou Swile.

Sweep annonçait fin décembre 2023 avoir signé deux partenariats d'envergure avec le cabinet de conseil ERM et avec AWS (Amazon Web Services) : « Ce sont des partenaires d'implémentation, qui embarquent notre solution leur permettant de vendre une solution 360° clé en main. Pour nous, c'est une stratégie go to market pour monter en puissance », souligne Rachel Delacour.

Cécile Chaigneau

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