Montpellier doit-elle renouer avec la construction (très) verticale ?

EPISODE 1/4. Entre la chute des permis de construire et l’impératif climatique, toutes les grandes villes s’interrogent sur la complexe équation démographie versus urbanisme. La ville doit-elle s’élever en hauteur pour loger tout le monde ? Recycler des friches, comme l’intime le plan de relance national, permet-il de répondre à cet enjeu ? Avec 6.000 habitants supplémentaires chaque année, la métropole de Montpellier s’interroge. Premier volet de notre série « La densification, remède à la crise du logement neuf dans les métropoles ? ».
Cécile Chaigneau
Contre-plongée sur l'immeuble en construction Higher Roch, en coeur de ville de Montpellier, en janvier 2021.
Contre-plongée sur l'immeuble en construction Higher Roch, en coeur de ville de Montpellier, en janvier 2021. (Crédits : Timelapse Go)

A Montpellier, l'histoire raconte que par édit royal, Louis XIV, dont la statue orne la Promenade du Peyrou, à 52 mètres au-dessus du niveau de la mer, avait interdit de construire des bâtiments au-dessus de cette cote. Quelques dérogations ont égratigné l'édit...

Aujourd'hui, la métropole accueille chaque année quelque 6.000 habitants supplémentaires. Son président Michaël Delafosse (PS) s'est clairement positionné à la fois pour l'arrêt de l'étalement de la ville et « contre une densification chaotique des quartiers » au profit des zones d'aménagement concerté (ZAC), rendant l'équation "démographie versus urbanisme" complexe sur un territoire en forte tension foncière. Faut-il, dès lors, renouer avec la verticalité ?

« Densifier ne veut pas dire bétonner »

La ville compte déjà bien sûr quelques hautes édifications notables et notoires. Parmi elles la Tour du Triangle (construite en 1970, plus haut immeuble de la ville culminant à 72 mètres) en plein cœur de ville historique, ou encore le tout récent et célèbre Arbre Blanc (17 étages et 50 mètres de haut, livré en 2018) dont l'audacieuse architecture lui vaut un large assentiment.

« Quand les projets sont bien placés, ils sont bien acceptés, et la qualité architecturale y fait beaucoup, affirme Coralie Mantion, vice-présidente (EELV) de la Métropole, déléguée à l'aménagement durable du territoire, à l'urbanisme et à la maîtrise foncière. Mais l'urbanisme n'est pas une recette, on fait en fonction du contexte. On ne veut plus d'étalement urbain et cela se traduit par de la densification. Cette question fait partie d'une politique globale d'urbanisme visant à préserver des terres agricoles et naturelles. Mais densifier mais ne veut pas dire bétonner ! C'est prendre de la hauteur pour préserver 50% pleine terre en dehors de l'Écusson (l'hyper centre historique, NDLR) et des faubourgs pour désimperméabiliser, faire des îlots de chaleur, planter des arbres. Et cela se fera avec discernement, donc pas partout. »

« Utiliser le ciel »

Pour Laurent Villaret, le président de la Fédération des promoteurs Occitanie Méditerranée, le message est bien passé : « Nous comprenons bien que le sens de l'histoire, c'est de faire la ville sur la ville, et il y a unanimité totale là-dessus. Si on arrête d'artificialiser les sols, il faut utiliser le ciel et acheter de la SDP (surface de plancher, NDLR) dans l'espace ! Mais il faut donner un cadre. C'est faisable si on arrive à identifier des polarités urbaines dans la ville où la population accepte la densification. Quand Michaël Delafosse dit "pas de diffus", je le traduis par "pas de construction à l'échelle de la parcelle mais à l'échelle de territoires de projets". Ce qui fait que les voisins ne sont pas contents, c'est que les constructions sont raisonnées à la parcelle et que les périmètres d'étude ne génèrent pas de cohérence d'ensemble. Le propos, ce n'est pas de densifier partout mais de définir dans quel cadre on agit, et ce sont ces territoires de projets que nous, promoteurs, attendons. Il faut donc que les documents d'urbanisme soient réfléchis à l'échelle de grands quartiers. »

Dans l'attente du PLUi

La Métropole de Montpellier a en effet attaqué le vaste de chantier du futur PLUi, baptisé PLUi Climat par la nouvelle équipe en place depuis juillet 2020, avec l'objectif qu'il soit effectif en 2023.

« Les plans de zonage seront mis en concertation ce printemps, annonce Coralie Mantion. Il faut voir où on préserve les quartiers résidentiels, qui concentrent aujourd'hui 25% des logements, le reste étant de l'habitat collectif. L'objectif du PLUi Climat est de rendre Montpellier plus résiliente, ce qui passe par le "zéro artificialisation nette" des sols à horizon 2030. Car on ne va pas stopper l'urbanisation du jour au lendemain, c'est une trajectoire de dix années qui démarre... Sur les communes en 1e couronne de Montpellier, où la pression foncière est également importante, on leur demande de cibler des sites où faire du recyclage urbain. Par exemple sur la zone du Fenouillet à Pérols, à Saint-Jean-de-Védas ou le long de la 113 au Crès. Le contre-exemple, c'est Castelnau-le-Lez pour lequel il n'y a pas eu de réflexion globale et donc pas de maîtrise foncière... »

En attendant l'avènement du nouveau PLUi, l'élue promet que « pour limiter l'urbanisation, on va jouer, dès le printemps, le sursoit à statuer sur les règles qui seront connues comme le 50% pleine terre, ce qui permettra de suspendre une décision de permis de construire si le promoteur ne respecte pas ces règles ».

Préserver l'esthétisme

Quelques projets de grande hauteur sont déjà dans les cartons. Par exemple la future Halle French Tech (R+8) et quelques autres bâtiments à venir sur la ZAC Cambacérès : « Plus on se rapproche du château de la Mogère et plus on est bas, pour préserver l'esthétisme et les vues sur le château, et pour favoriser la cohabitation entre neuf et architecture ancienne », indique Coralie Mantion.

L'élue préconise la pédagogie, la qualité architecturale ou encore la compensation par les espaces verts pour faire grandir l'acceptabilité de la densification et de la hauteur : « Par exemple, l'aménagement du quartier de la Lironde en R+9 est bien passé parce qu'il y a un grand parc à proximité. Lors de la rénovation de l'ancien hôpital Saint-Charles en R+12, il y a une dizaine d'années, les logements sont partis comme des petits pains grâce à une belle préservation du potentiel patrimonial. A l'inverse, l'immeuble Higher Roch (immeuble de logements et bureaux de 17 étages, à 50 mètres de haut, livrable en 2022 - NDLR), en cœur de ville, n'a pas été suffisamment travaillé en amont avec les habitants ».

Vues panoramiques

Ce n'est pas l'avis des promoteurs immobiliers qui portent le programme Higher Roch...

« On est dans une ZAC et l'aménageur a tout de suite affiché l'intention architecturale pour l'Higher Roch, nous n'avons pas eu de recours à gérer, assure Pierre Raymond, directeur régional Sogeprom Pragma. On est sur une opération de renouvellement urbain. L'immeuble est construit sur la zone qui accueillait les dépôts Sernam et SNCF, donc pour le voisinage, il n'y avait pas photo. »

Thierry Lacazio, directeur régional adjoint de Vinci Immobilier souligne l'importance de l'architecture comme critère d'acceptabilité : « Le parti pris de l'architecte (Xavier Gonzalès, du Cabinet Brenac & Gonzalez et Associés, NDLR), avec un côté méditerranéen et des courbes de balcons qui offrent 30 à 40% de surface extérieure, donne une vraie qualité de vivre et constitue un gros atout commercial. Un immeuble de grande hauteur permet une double ou triple orientation et des vues à 360°. Les premiers logements vendus (5.000 à 6.700 euros le m2 parking compris et hors appartement du dernier étage, NDLR) ont d'ailleurs été ceux des derniers niveaux avec vues panoramiques ».

Renouer avec les "Folies architecturales" ?

Sur la ZAC Pagezy (ancienne mairie, en centre-ville historique), Coralie Mantion ne trouverait pas incongru d'avoir un immeuble, de grande hauteur, permettant une mixité fonctionnelle, car il avoisinerait alors la déjà haute Tour du Triangle.

« Montpellier est une ville hétérogène et ces émergences ponctuelles peuvent avoir du charme », déclare-t-elle.

Le promoteur Laurent Villaret pointe les avantages à élever les bâtiments : « On dégage des vues, on peut faire des terrasses, des maisons sur le toit ».

Et il soumet une autre idée : « Pourquoi ne pas renouer avec les "Folies architecturales" version 2021, en allant chercher, pour certaines d'entre elles, des pôles de densité en hauteur ? ». Ces "folies" avaient été lancées par Michaël Delafosse, alors adjoint à l'urbanisme d'Hélène Mandroux, en écho aux Folies Montpelliéraines qui ont marqué l'histoire architecturale de la ville au XVIIIe siècle. Selon le promoteur, la hauteur de ce type de bâtiments serait mieux acceptée en raison du geste architectural qui l'accompagne.

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Retrouvez les quatre épisodes de la série  « La densification, remède à la crise du logement neuf dans les métropoles ? »

Cécile Chaigneau

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Commentaires 3
à écrit le 02/03/2021 à 15:31
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Pour mieux lutter et se protéger contre le réchauffement climatique : hauteur des immeubles : maximum 6 étages = hauteur des arbres à 25 , 30 ans. sinon climatisation obligatoire. façades et toitures de couleurs claires, peu de végétalisation des...

à écrit le 01/03/2021 à 14:59
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C'est pourtant la seule option. Il faut batir des vraies tours pour densifier. Ça rentabilise les services de transport en commun qui peuvent être massifiés et ça évite l'étalement et la transformation de champs en bungalows. Seulement, il faut le fa...

à écrit le 01/03/2021 à 12:44
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deja que richter, c'est moche...

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