Pourquoi l'UNPI et la FNAIM vont en justice contre l'encadrement des loyers à Montpellier

On le sait depuis le 3 septembre dernier : la ville de Montpellier est autorisée par le gouvernement à lancer une expérimentation de l’encadrement des loyers. Elle devrait démarrer à l’été 2022. En attendant l’arrêté préfectoral, l’UNPI 34 (les propriétaires immobiliers), soutenue par la FNAIM 34, lance une action en justice pour contrer le dispositif, qu’elle juge injustifié, inapproprié et contre-productif. Des arguments auxquels le maire de Montpellier Michaël Delafosse, agacé, réplique.
Cécile Chaigneau
La Ville de Montpellier devrait lancer l'expérimentation de l'encadrement des loyers à la mi-2022.

Le 3 septembre 2021, Emmanuelle Wargon, ministre du Logement, annonçait qu'elle validait les candidatures de Bordeaux Métropole, du Grand Lyon et de Montpellier Méditerranée Métropole à l'expérimentation d'encadrement des loyers. Un dispositif qui devrait entrer en vigueur à Montpellier au plus tard le 1er juillet 2022, selon le souhait du maire de Montpellier, Michaël Delafosse (PS), qui en avait fait une promesse de campagne.

Seul le périmètre de la Ville est concerné par l'expérimentation. Le loyer de référence, par zone et selon l'époque de construction et le type du logement, doit être fixé par arrêté préfectoral - « au plus tard en avril 2022 », indique Michaël Delafosse - sur la base des données collectées par l'Agence départementale d'information sur le logement (ADIL) de l'Hérault.

Le processus pourrait-il s'enrayer et être stoppé net par une action en justice ? C'est ce qu'espère l'Union nationale des propriétaires immobiliers de l'Hérault (UNPI 34). Le 2 novembre, soit dans le délai requis des deux mois, l'UNPI 34 a déposé un recours contre le décret de mise en place de l'encadrement des loyers devant le Conseil d'État, en sa qualité de représentante directe des propriétaires bailleurs. Elle est soutenue par la FNAIM 34, qui n'a pas qualité à agir mais qui se dit exactement sur la même position.

Référé en suspension

« L'arrêté préfectoral n'a pas encore été publié à Montpellier, contrairement à Lyon, déclare Nina Baudière-Servat, la présidente de l'UNPI 34. Les chambres de l'UNPI Montpellier, Bordeaux, Grenoble, Lyon et Paris se sont rapprochées pour monter un dossier en commun, qui a été envoyé au ministère du Logement en février 2021 et en juillet 2021 pour l'alerter sur les dangers de l'encadrement des loyers. Nous n'avons pas eu de réponse... Marseille, Grenoble et Toulouse ont fait machine arrière. »

Précisons, concernant Grenoble, que c'est le gouvernement qui a refusé l'encadrement des loyers souhaité par les élus de la Métropole au motif que « le marché locatif de l'agglomération grenobloise ne montre pas de signe de tension », a précisé la Emmanuelle Wargon.

« Les chambres UNPI de Lyon, Montpellier et Bordeaux font un recours au fond, qui va prendre du temps, et un référé en suspension qui, lui, sera jugé dans les deux mois, afin de suspendre le décret le temps que la justice statue au fond, poursuit Nina Baudière-Servat. Car je rappelle que la Ville de Paris a effectué recours en 2019 et qu'aucune décision n'a encore été rendue par le Conseil d'État. Et en attendant, l'expérimentation se poursuit ! »

L'intention est donc bien de stopper net le début de l'expérimentation, avant même que le préfet ne publie son décret. Lequel préfet a dû apprendre l'existence de cette démarche judiciaire par voie de presse, tout comme le maire de Montpellier, qui s'étonne : « J'ai appris cette action dans la presse, et je suis surpris car la dernière réunion à la préfecture, en présence du secrétaire général, s'était bien passée et l'UNPI semblait s'inscrire dans une démarche constructive... Je les invite à voir la réalité du logement pour les Montpelliérains, et j'en appelle à une démarche de responsabilité ».

« Des approches spéculatives »

Michaël Delafosse avait rappelé en novembre 2020, alors qu'il annonçait la candidature de la ville à l'expérimentation, que Montpellier présente un taux de pauvreté à 26% (selon les données 2017 de l'INSEE publiées en septembre 2020), un revenu moyen par habitant peu élevé (médiane du revenu disponible par unité de consommation en 2017 à Montpellier : 18.110 euros, selon l'INSEE), et 80% des habitants qui sont éligibles au logement social.

Sollicité par La Tribune le 6 novembre, Michaël Delafosse, agacé, martèle : « Les prix des loyers à Montpellier sont très élevés et les gens ont du mal à se loger, avec parfois un loyer qui représente jusqu'à 50% de leurs revenus. Je défends l'encadrement des loyers comme un bouclier social. Quand la puissance publique réalise des investissements, comme une ligne de tramway par exemple, certains propriétaires, pas tous, augmentent leurs loyers de 20 à 30% ! Ce n'est pas responsable... Ces approches spéculatives se font au détriment de la vie des gens. Ça, c'est terminé ! L'encadrement des loyers existe à Lille, à Paris, c'est la ministre du Logement qui a tenu à ce que nous y figurions. Inutile de dépenser des frais de justice ! ».

« Tendre les rapports locatifs »

Ce n'est évidemment pas l'avis de l'UNPI et de la FNAIM...

« Nous affirmons que le décret est irrégulier car il n'y a pas eu de consultation de l'autorité de la concurrence, qui est obligatoire dès lors qu'un dispositif encadre les prix de façon uniforme, explique Nina Baudière-Servat. Or le décret conduira à imposer une fixation du prix au bailleur... Par ailleurs, il faut consulter le Conseil national de l'habitat et ça n'a pas été fait. Enfin, il s'agit d'une atteinte au droit de propriété et la mesure n'est pas proportionnée : le pendant pour le bailleur est injustifié. »

Voilà pour la forme. Sur le fond, la présidente de l'UNPI 34 déroule ses arguments : « Nous considérons que les critères ne sont pas remplis : à Montpellier, le taux de construction entre 2015 et 2019 est élevé, et le loyer médian est bas ».

Selon Thomas Brée, le président de la FNAIM 34, le loyer médian montpelliérain se situe « entre 20 et 25 euros/m2 pour un studio, 13,05 euros/m2 pour un deux pièces, 11,7 euros/m2 pour un trois pièces et 10,6 euros/m2 pour un quatre pièces et plus ».

Selon les dernières données publiées par l'ADIL 34, portant sur l'année 2020, le loyer médian constaté par l'Observatoire des loyers du parc locatif privé dans la métropole de Montpellier est de 12,8 euros/m² /mois (hors charges). La médiane des prix varie de 11,7 euros à 13,6 euros selon les zones.

« Avec l'encadrement des loyers, un studio de 15 m2 loué 400 euros passerait à 300 euros, ce qui est impossible au regard des charges, poursuit Nina Baudière-Servat. Cette application mathématique du prix au m2 pénalisera les bailleurs de studios et ceux qui proposent des logements plus grands ne seront pas concernés car ils sont déjà dans les clous... Cela va ajouter de la complexité pour les bailleurs, tendre les rapports locatifs et accélérer l'injustice sociale mais cela ne résoudra pas le décalage entre l'offre et la demande, qui est le véritable problème à Montpellier. »

La FNAIM lance son propre observatoire des loyers

Ce qu'affirment l'UNPI 34 et la FNAIM 34, c'est « qu'aucune étude statistique sérieuse n'a été réalisée pour mesurer l'évolution des loyers à Montpellier », tout en soulignant pourtant que « l'observation de ce loyer médian mesuré par l'observatoire des loyers montre une évolution très faible ces dernières années à Montpellier, comparable à l'Indice de référence des loyers »...

Interrogée sur la qualification des données produites par cet observatoire des loyers, Nina Baudière-Servat affirme que « l'ADIL 34 s'appuie sur Le Bon Coin pour faire son observatoire des loyers, or c'est faussé car les loyers y sont au-dessus du marché et les annonces reviennent souvent car les gens ne restent pas ».

Sollicitée par la rédaction, l'ADIL 34 n'avait pas répondu au moment où nous publions cet article...

Quant au maire de Montpellier, l'affirmation l'a fait sursauter : « La Métropole va financer cette étude des loyers à l'échelle de la ville et c'est sur cette étude que se basera l'encadrement des loyers. C'est l'ADIL 34 qui va la réaliser et leur travail sera présenté au premier trimestre 2022. L'UNPI et la FNAIM le savent puisqu'ils étaient à la réunion en préfecture. Ce n'est pas sérieux... ».

Pour pallier cette absence d'étude « sérieuse », la FNAIM 34 se propose d'établir son propre état locatif de la ville de Montpellier, quartier par quartier, indiquant les loyers pratiqués sur les 36 derniers mois. Des loyers issus des bases de données des agences qui font de la gestion locative, jugés plus réalistes et que la FNAIM devrait délivrer pour le printemps prochain. Cet état locatif « permettra un éventuel recours contre l'arrêté préfectoral devant le tribunal administratif », prévient Thomas Brée.

« L'étranglement du logement »

« Nous voulons montrer la réalité des loyers médian sur la ville de Montpellier et démontrer que leur évolution est faible, de l'ordre de 2,4% sur les trois dernières années, déclare le président de la FNAIM 34. Ce n'est pas l'encadrement des loyers qui va résorber le problème criant du logement à Montpellier. La réelle difficulté, c'est l'offre de logements. La ville a une politique volontariste de construction qui s'est arrêté en 2020. Ce qui a été construit ne suffit pas à loger tout le monde. Et les prix dans l'ancien ont augmenté de + 6,8% ! Plutôt que de parler de l'encadrement des loyers, évoquons l'étranglement du logement sur Montpellier ! Aujourd'hui, on n'a plus rien à louer ! L'effet de l'annonce de l'encadrement des loyers chez les investisseurs, c'est "fuyons !". Ils préfèrent investir à Nîmes ou Béziers où les taux de rentabilité seront meilleurs. Autre effet du dispositif : les propriétaires bailleurs remettent leurs biens à la vente et ils disparaissent du parc locatif. »

Des perspectives qui n'effraient pas Michaël Delafosse : « Très bien, ces logements seront donc rachetés et remis à la location. Ce qui importe, c'est de mettre un loyer sérieux et raisonnable. Quant au développement de Nîmes et Béziers, je m'en réjouis, je ne joue pas la compétition des villes ! Je suis un maire attentif aux classes populaires et aux classes moyennes ».

Cécile Chaigneau

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Commentaires 3
à écrit le 09/11/2021 à 9:09
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Parce qu'ils veulent toujours plus gagner de fric toujours plus vite s'en tapant que les salariés dorment dans leurs bagnoles. Non pas besoin de point d'interrogation pour cette vérité avérée.

à écrit le 09/11/2021 à 7:13
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Si l'état veut encadrer les prix, pourquoi n'encadre-t-il pas les prix de l'énergie et de l'entretien de chaudières ? Les abus dans ces domaines retirent un pouvoir d'achat conséquent au français, ce qui entraine une baisse de la croissance économiqu...

le 09/11/2021 à 7:41
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encadrer le prix du petrole et du gaz ? ben voyons, c est sur que l arabie saoudite ou poutine vont obeir ! Par contre l etat peut tres bien limiter l avidité des proprietaires. L encadrement des loyer est un pis aller. Il faudrait mieux faire saute...

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