Immobilier : « Le logement neuf reste à l’écart de la reprise économique »

Les promoteurs immobiliers de l'ex-Languedoc-Roussillon, et en particulier ceux de la place montpelliéraine, continuent d’alerter sur l’état du marché : à trois mois de la fin 2021, l’offre en logements neufs n’évolue pas et reste « en dehors de la reprise économique ». Ils parlaient de pénurie, ils évoquent maintenant une décroissance. Face à la croissance démographique, l’équation mathématique produit un résultat négatif qu’ils jugent inquiétant. Même s’ils se disent optimistes. Explications.
Cécile Chaigneau
Les mises en vente de logements neufs sur la métropole de Montpellier atteignent un seuil bas inédit.
Les mises en vente de logements neufs sur la métropole de Montpellier atteignent un seuil bas inédit. (Crédits : Christine Caville)

Comme une antienne, la voix des promoteurs immobiliers répète le même message depuis des mois... Un chiffon rouge en guise d'alerte sur la pénurie d'offres de logements neufs sur le périmètre de l'ex-Languedoc-Roussillon, en particulier sur la Métropole de Montpellier, qui continue de s'agiter.

A trois mois de la fin de l'année 2021, la fédération des promoteurs immobiliers (FPI) Occitanie Méditerranée ont compilé les chiffres et le compte n'y est pas : les 1.195 logements mis en vente sur la Métropole montpelliéraine au cours des trois trimestres 2021 signent une « décroissance des mises en ventes » à l'œuvre depuis 2017 (2.384 logements mis en vente en 2020, 3.925 en 2017).

« La 1e industrie du Languedoc-Roussillon est l'acte de bâtir et la FPI est un indicateur essentiel puisque nous avons les clients dans les mains, martèle Laurent Villaret, le président de la FPI Occitanie Méditerranée. Je rappelle que 14.000 personnes s'installent en région Occitanie chaque année. L'augmentation des mises en vente sur les marchés de Béziers, Sète et Narbonne ne sont pas significatives et ces faibles volumes ne permettent pas de juguler la pénurie d'offre. La production de logements neufs est en panne et le logement neuf reste à l'écart de la reprise économique. »

Recentralisation des décisions

Ce qui bloque ? A Montpellier, l'équipe municipale et métropolitaine arrivée au printemps 2020 tient bon sa ligne politique : stop au mitage de la ville par la construction anarchique d'immeubles de logements dans les poches urbaines du secteur diffus. Une démarche qu'elle veut remplacer par le développement de « territoires de projets » concertés et travaillés pour obtenir l'acceptabilité requise. Quand ce choix s'ajoute à la règle de zéro artificialisation nette des sols pour freiner l'étalement urbain et préserver des zones naturelles, le potentiel foncier se réduit comme peau de chagrin.

« Les équations économiques sont difficiles à monter car il y a moins de zones constructibles, donc le foncier est plus cher, et si on ajoute que nos opérations doivent être plus durables, bas carbone, avec le recours à des matériaux nouveaux dont le coût a augmenté, c'est compliqué, plaide Laurent Villaret. On observe aujourd'hui une recentralisation des décisions par les services de l'État et les collectivités locales se retrouvent avec des disponibilités foncières réduites et doivent construire dans leur tissu urbain. Sur l'ex-Languedoc-Roussillon, il y a la métropole de Montpellier et autour, un tissu de villes moyennes situées près de l'autoroute, où le foncier est moins cher, et il y a de la demande. On est aujourd'hui face à des injonctions paradoxales, et chaque solution est à la fois positive et négative... Il y a urgence environnementale donc on nous dit "arrêtez d'artificialiser, métropolisez". Mais en même temps, la demande sociétale a changé, tout le monde ne veut pas vivre en métropole ! Il ne faut plus s'étaler, et on est ok là-dessus, et construire plus haut mais l'acceptabilité des projets est compliquée à obtenir. »

« Optimiste »

Pourtant, le patron des promoteurs immobiliers se dit résolument « optimiste » et la FPI parle de « climat de confiance » avec la Métropole de Montpellier.

« Nous avons des échanges concertés avec la métropole, assure Laurent Villaret. La collectivité s'est réorganisée au niveau urbanisme (Anne Ringlet, nouvelle directrice générale adjointe du développement urbain à la métropole, et Cédric Grail nommé à la direction de la SERM-SA3M, ndlr) et le président de la métropole Michaël Delafosse a pris la question du logement à bras le corps, notamment pour sortir du logement dans les ZAC. Nous avons aussi des échanges réguliers et vraiment opérationnels aujourd'hui, avec la SERM-SA3M, ça avance. Nous sommes optimistes sur l'alimentation prochaines de projets dans les ZAC actuelles. Nous avons demandé à avoir une vision trimestrielle ou annuelle et nous espérons avoir des volumes en janvier 2022. »

Alors qu'aucun territoire de projets n'a encore été lancé, la FPI se dit force de proposition : elle annonce avoir identifié quelques spots et avoir entamé les discussions avec les services de la collectivité sur l'élaboration de modèles équilibrés - « un modèle économique et financier, mais aussi en termes de densité et de forme urbaine », précise Philippe-Antoine Brouillard, directeur général de Vestia Promotions - qui permettraient de sortir des logements à prix raisonnables.

« En secteur diffus, il y a deux raisons pour lesquelles les territoires de projet ne sortent pas : l'équation économique, car à l'échelle d'un ilot de quartier, il faut acheter beaucoup de parcelles bâties qui ont une valeur qui augmente, et l'acceptabilité citoyenne. On aimerait que ça aille plus vite. On demande à ce que des projets pilotes sortent avant le futur PLUI. »

Un parc locatif « plein comme un œuf »

En attendant que le marché se débloque, les promoteurs immobiliers ne peuvent que constater : « Malgré notre optimisme, on produira en 2021, sur la métropole de Montpellier, environ 1/3e de ce qu'on a produit en 2017. En valeur absolue, c'est énorme. La seule alimentation des ZAC ne comblera pas les besoins en logements de la métropole », conclut Laurent Villaret.

Et son confrère Cédric Lebeau, directeur de l'agence montpelliéraine des Villégiales, d'ajouter que « le parc locatif métropolitain est plein comme un œuf ! »...

Laurent Villaret met en garde sur une interprétation erronée de l'augmentation des ventes nettes sur la région : « On est sur des volumes faibles et ces ventes correspondent aux programmes démarrés en 2018 et 2019 quand l'offre régionale avoisinait les 5.000 logements (VS 3.312 logements à la fin du 3e trimestre 2021, NDLR). Et enfin, il faut se rappeler qu'en 2020, avec le Covid, il ne s'est rien passé au 2e trimestre, donc cette augmentation, c'est le report des ventes qui n'ont pas faites. Ce n'est absolument pas un changement systémique du marché ! »

En revanche, l'agglomération de Nîmes, dans le département voisin, poursuit son embellie et bénéficie du report des besoins, notamment parce que la ville, avec son centre-ville refait à neuf, est à nouveau « bancable » : « En 2021, on aura mis en vente 500 logements à Montpellier et 500 sur la métropole, contre 500 aussi sur l'agglomération de Nîmes... ». Depuis sa sortie du dispositif Pinel, le marché biterrois, quant à lui, est toujours atone, en-dessous de 200 logements par an.

« Être maire est très difficile, et par exemple, sortir la ZAC Saint-Roch (en plein cœur de Montpellier, NDLR) était une opération complexe, concède Laurent Villaret. Dans la promotion immobilière, le moteur est prêt à être relancé. La reprise ne sera cependant pas possible sans l'appui des pouvoirs publics pour redonner au logement neuf toute sa place. »

Et il lance, comme un avertissement : « Le logement sera forcément un sujet des présidentielles ! ».

Cécile Chaigneau

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