Avec une nouvelle tour végétalisée de 50 mètres, Montpellier cultive le discours de la hauteur

La ville de Montpellier entretien sa réputation de panache architectural, remontant au XVIIIe siècle et qui s’inscrit désormais dans le XXIe siècle avec des projets immobiliers hors normes, tels que l’Arbre Blanc. Et bientôt, Evanesens. Le promoteur Roxim et l’architecte montpelliérain François Fontès viennent de dévoiler le dessin de ce bâtiment fait de deux tours hautes de 50 et 30 mètres, réunies par une serre et aussi végétalisées que le Bosco Verticale de Milan.
Cécile Chaigneau
Les deux tours de la résidence Evanesens, à Montpellier, seront hautes de 50 et 30 mètres.
Les deux tours de la résidence Evanesens, à Montpellier, seront hautes de 50 et 30 mètres. (Crédits : Roxim / F. Fontès)

Si Montpellier se veut inspirante par son attention aux gestes architecturaux dans la ville, elle ne rechigne pas à s'inspirer elle-même des prouesses techniques ou esthétiques qui font la réputation d'autres immeubles dans d'autres villes...

Ainsi, après le désormais très réputé Arbre Blanc (signé des agences d'architecture Sou Fujimoto Architects, Nicolas Laisné Architectes, DREAM, Oxo Architecture) sur les rives du Lez, voici venir Evanesens dans le quartier Port Marianne. Un programme immobilier porté par le promoteur montpelliérain Roxim et signé de l'architecte montpelliérain François Fontès (associé de Jean Nouvel), constitué de deux tours de 16 étages et 9 étages, soit 50 et 30 mètres de haut. Elles auront la particularité d'être ultra-végétalisées comme l'est le non moins célèbre Bosco Verticale, à Milan. D'ailleurs, Laura Gatti, agronome-paysagiste et spécialiste des immeubles verdoyants qui avait signé la végétalisation du Bosco Verticale, collabore à la réalisation d'Evanesens.

Figure de proue de cette nouvelle urbanité, la ZAC Port Marianne Consuls de Mer est le quartier par lequel Montpellier pousse son empreinte vers la mer et, avec l'Écusson, l'autre centre névralgique de la ville. Les nouvelles exigences imposant de cesser l'étalement urbain, le quartier offre une importante densité d'immeubles et quelques gestes architecturaux notables, dont le curieux Nuage (vaste espace de sport et santé, signé Philippe Starck), mais aussi le vaisseau-amiral bleu nuit qui héberge l'Hôtel de ville (signé Jean Nouvel et François Fontès). Avec notamment le quartier Antigone, signé Ricardo Boffil dans les années 1980, la ville se veut ainsi auréolée d'un panache architectural qui lui avait valu de figurer dans le prestigieux classement du New York Times « The 45 places to go in 2012 », entre Tokyo, Londres ou le Costa Rica...

« Faut-il avoir peur des tours ? »

La silhouette verticale et verdoyante d'Evanesens viendra donc dialoguer avec ces autres signatures architecturales de la ville et agira, en raison de sa hauteur, comme un signal dans le paysage urbain.

Une hauteur qui, comme le rappelle Michaël Delafosse, le maire de Montpellier, n'est pas une surprise, même si elle risque d'alimenter la controverse sur les immeubles de grande hauteur : « L'existence d'une tour sur cette ZAC était prévue depuis le départ, la mairie ne devait pas être le bâtiment le plus haut. Faut il avoir peur des tours ? Nous sommes engagés à mettre fin à l'étalement urbain, cette densité est nécessaire. La tour est donc légitime, c'est une réponse. Je rappelle que l'Arbre blanc est l'immeuble le plus instagrammé de Montpellier, c'est un spot ! Je donne comme objectif à Evanesens de compléter cette dynamique, que ce soit un projet inspirant ».

Son adjointe à l'urbanisme durable et à la maîtrise foncière, Maryse Faye, loue un programme « qui coche toutes les cases des nouveaux paradigmes qui seront officiellement opérationnels dans le futur PLUI : grands logements, végétation, espaces communs... » mais elle souligne, elle aussi, les vertus à rouvrir et alimenter ce qu'elle appelle « le discours de la hauteur ».

« Il faut travailler sur le discours de la hauteur pour favoriser l'acceptation citoyenne sur des bâtiments de grande hauteur, déclare-t-elle. Ce récit des tours sur lequel nous travaillons avec Michaël Delafosse se traduit notamment par le fait de relancer les Folies architecturales du XXIe siècle (lancées en 2012, elles ont produit la Folie Divine et l'Arbre Blanc avant d'être interrompues par la municipalité sous le mandat de Philippe Saurel, NDLR) que nous relançons sur dix sites. Evanesens ne sera pas l'une d'elles mais ce bâtiment fait partie de ce discours de la hauteur qui permet de marier le logement pour tous avec l'environnement. C'est une responsabilité politique. »

Des recours ne sont pas exclus, même si dans le cadre d'une ZAC, les contours ont été préalablement cadrés. La présidente de Roxim, Anaïs Thourot, indique d'ailleurs qu'« une réunion avec les copropriétaires des résidences voisines va être organisée, mais cette ZAC ayant été initiée il y a dix ans, ils ont été avertis en amont de l'existence future de cette tour ».

2 km de jardinières

Érigées sur une parcelle de 2.171 m2 sur la troisième et dernière tranche de la ZAC, les deux tours d'Evanesens abriteront, sur 6.750 m2 de surface de plancher, quelque 74 logements, dont 16 logements abordables et 58 logements libres destinés à la résidence principale. 70% des logements seront des T3 et plus, d'une superficie moyenne de 51 m2 pour les T3, 75 m2 pour les T4 et 214 m2 pour les T5. Les bâtiments seront dotés de locaux à vélos spacieux en rez-de-chaussée.

Outre sa grande hauteur, Evanesens aura donc la particularité d'être paré d'un véritable rideau végétal qui évoluera au gré des saisons. Une serre centrale reliera les deux tours - dont une partie sera partagée par tous les résidents, l'autre réservée à quelques privilégiés - et quelque 2 km de jardinières accueilleront plantes, arbustes et arbres (67 espèces méditerranéennes) sur les façades.

« Avec ce projet, nous voulons sacraliser le mariage de la nature et du minéral, dire que l'œuvre de l'Homme peut être le prolongement de l'œuvre de la nature, déclare l'architecte François Fontès. Car la plus grande aventure est de reconquérir des rapports harmoniques entre les hommes et la nature. »

« L'ombre des arbres peut réduire le réchauffement de la façade et le feuillage dissiper la force du vent jusqu'à 15%, ajoute Laura Gatti. Et nous nous intéressons aussi à la chaleur qui est produite par les façades à l'extérieur afin de limiter le phénomène d'îlot de chaleur. »

Interrogée sur l'entretien de toute cette végétation par les futurs occupants de la résidence Evanesens et leurs nécessaires compétences de jardiniers, l'agronome-paysagiste indique qu'une gestion centralisée de la végétation est prévue (notamment via des capteurs des besoins hydriques ou d'engrais), et qu'un manuel leur sera fourni. Une société de cordistes a même déjà été prévue pour intervenir sur les multiples jardinières de façades.

« L'immeuble Bosco Verticale de Milan est dans sa 10e année et nous avons été frappés de voir comment la nature reprend ses droits, souligne Laura Gatti. Il n'a fallu que deux mois pour qu'on commence à voir les premiers nids ! »

Jusqu'à 7.000 euros/m2

Le programme immobilier prévoit aussi de récupérer les eaux de pluies et les eaux grises. Sur ce dernier point, Roxim travaille avec l'entreprise montpelliéraine Aquatech Innovation pour récupérer les eaux de douche et de lavabo, les traiter et les filtrer, et les réutiliser pour l'arrosage des espaces verts.

Par ailleurs, tout un travail d'habillage lumineux va être réalisé par Yann Karsalé, artiste lumière qui a déjà œuvré, à Montpellier, sur l'éclairage de la Comédie ou de la mairie.

Selon François Fontès, le coût du projet est aujourd'hui de 15 millions d'euros. Un montant qui pourrait bien varier en fonction des ajustements nécessaires sur le prix des matériaux, qui grimpe en flèche depuis plusieurs mois.

« Nous allons bientôt lancer les appels d'offres aux entreprises et une fois fixés sur les prix, nous serons en mesure de lancer la commercialisation des logements, probablement en septembre », indique Anaïs Thourot chez Roxim.

Les travaux pourraient commencer début 2023 pour une livraison estimée courant 2025.

Reste le coût des appartements sur un tel programme. Le promoteur indique une fourchette de prix allant de 3.000 euros/m2 pour le logement abordable, jusqu'à 7.000 euros/m2 pour le logement libre...

Cécile Chaigneau

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