Immobilier : « On va revenir à des prix plus raisonnables par un ajustement entre l’offre et la demande » (Jacques Rossi, FNAIM 34)

Une crise du logement frappe le pays et ce ne sont pas les mesures préconisées par le Conseil national de la refondation (CNR) qui ont rassuré les professionnels de l’immobilier. Dans l’Hérault, la vague de baisse des volumes de transactions et des prix frappe le marché mais avec moins de violence. L’attractivité mais surtout le caractère touristique de ses territoires, notamment littoraux, préserve encore un peu le département. Le point avec Jacques Rossi, président de la FNAIM Hérault.
Cécile Chaigneau
Jacques Rossi, président (par intérim) de la FNAIM de l'Hérault.
Jacques Rossi, président (par intérim) de la FNAIM de l'Hérault. (Crédits : DR)

« Le logement brûle et le gouvernement regarde ailleurs ». C'est en résumé le reproche que fait la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM), principal syndicat d'agences immobilières, au lendemain des annonces du Conseil national de la refondation sur le volet logement. Autrement exprimé par la majorité des professionnels de l'immobilier : il n'y a pas de politique logement.

Selon le baromètre de l'immobilier FNAIM-Clameur du mois de juin, le nombre de transactions sur douze mois glissants s'érode depuis septembre 2021, s'établissant fin mars 2023 à 1.07 millions de ventes (maisons et appartements) en France (-9% sur un an). Dans l'Hérault, les 26.409 ventes en un an signent une baisse de 8,1%, et à Montpellier, les 6.048 ventes en douze mois constituent une évolution « non significative ». L'offre mise sur le marché est considérée elle aussi comme non significative...

« Le phénomène de baisse de volumes des transactions s'accentue, mais ce ralentissement est moins fort localement qu'au niveau national, et dans notre région, on tire notre épingle du jeu car on est sur des zones touristiques grâce au côté villégiature qui attire encore les gens, analyse Jacques Rossi, le président de la FNAIM Hérault (et gérant de Gestimmo à Sète), interrogé par La Tribune en marge de l'assemblée générale du syndicat le 15 juin. Mais on a tous tiré la langue, jusqu'à la fermeture de certaines agences. Dans l'Hérault, ce n'est pas encore significatif mais beaucoup s'interrogent sur leur trésorerie. C'est moins difficile pour celles qui ont un portefeuille de gestion. »

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Montpellier : +30,9% en cinq ans sur les prix

Conséquences attendues de l'état du marché : une baisse des prix. Au niveau national, la FNAIM évoque une amorce de décrue. Ils sont en effet à la baisse sur trois mois (-1%) au 1er juin 2023, même si sur un an, ils restent en hausse de +2,9% (contre +6,3% début février 2023). Une baisse qui concerne presque tous les territoires, mais les grandes villes du sud-est, notamment Nice, Montpellier et Marseille, résistent mieux.

L'Hérault s'inscrit en effet dans la catégorie des départements où l'évolution des prix est supérieure à +5% en un an : le prix moyen (neuf et ancien) est de 3.171 euros/m2, soit une évolution de +0,5% en trois mois, de +6,4% en un an et de +30,3% en cinq ans. A Montpellier, le prix moyen (neuf et ancien) est de 3.677 euros/m2 (dans le détail, 4.289 euros/m2 pour les maisons, 3.581.677 euros/m2 pour les appartements). Soit une évolution de +1,9% en trois mois, de +6,2% en un an et de +30,9% en cinq ans.

« Dans toute crise, il y a des choses qui sont bonnes à prendre : les prix sont tellement montés, dans un marché qui était euphorique, qu'à un moment donné, ils ne sont plus corrélés à la valeur réelle des biens, fustige Jacques Rossi. Face à des acheteurs qui surenchérissaient, les vendeurs ne savaient pas dire non et les prix montaient... C'est cet emballement du marché qui a généré cette dé-corrélation. On va revenir à des prix plus raisonnables par un ajustement entre l'offre et la demande. Jusqu'à présent, dans l'Hérault, les prix se sont maintenus mais aujourd'hui l'offre s'est tarie et on commence à voir un début de baisse des prix. D'autant qu'en face, avec la hausse des taux d'intérêt, les acheteurs ont perdu 15% de pouvoir d'achat ! »

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Sur le marché du neuf, la situation s'est encore tendue, notamment sur la métropole montpelliéraine : « Les promoteurs n'ont plus rien à vendre, et certains prix montent à plus de 5.000 €/m2, ce qui réduit la rentabilité pour les investissements locatifs. Ça contribue à bloquer le marché ».

Taux de commission : « c'est un faux problème »

Les agences immobilières doivent aussi faire face sur un autre front : l'Autorité de concurrence, missionnée par le gouvernement sur le sujet, a identifié plusieurs « problèmes », dont l'opacité des taux de commission pratiqués, l'asymétrie de l'information entre les différents acteurs et le fait qu'ils ne sont pas tous soumis de la même façon à la loi Hoguet, qui encadre la vente immobilière depuis les années 1970. Selon elle, le taux de commission moyen des professionnels de l'entremise immobilière pratiqué en France s'élevait, en 2022, à 5,78% du prix de la vente, contre près de 4% dans le reste de l'Union européenne.

« C'est un faux problème, tacle Jacques Rossi. Ce n'est pas une question de concurrence car l'intermédiation est au libre choix du client, il n'est pas contraint de passer par un agent immobilier et s'il le fait c'est parce qu'il y trouve un intérêt. Il n'y a pas de concurrence biaisée entre nous sur les commissions. Et ce n'est pas des commissions à 5,78% au lieu de 4% qui font augmenter les prix !... En revanche, c'est vrai qu'il existe une asymétrie entre d'un côté les agences immobilières qui ont des boutiques et sont soumises à une réglementation draconienne qu'il est facile de contrôler, et de l'autre des acteurs atomisés sur lesquels il n'y a aucun contrôle. Sur un marché très actif et euphorique, la vente est assez simple mais quand le marché se retourne, comme c'est le cas aujourd'hui, il faut des compétences pointues, notamment pour estimer les biens immobiliers. »

Passoires thermiques : sécuriser l'acheteur

A ce contexte de crise, s'ajoute l'obligation pour le secteur de penser sa décarbonation. Mais avec l'augmentation des taux d'intérêt des crédits et l'inflation, bon nombre de propriétaires remettent à plus tard leurs travaux de rénovation énergétique. Pour rassurer les potentiels acquéreurs de passoires énergétiques, inquiets du volume de travaux à effectuer, la FNAIM vient de proposer un type de contrat inédit : un contrat de Vente en l'état futur de rénovation énergétique (Vefr) qui inclurait un prix fixe de travaux de rénovation dans le prix de vente d'un bien pour toute vente d'un immeuble bâti ou d'un lot de copropriété. Suivant le principe de l'acheteur qui paie les travaux et du vendeur qui les réalise dans un délai imparti après la vente.

« Aujourd'hui, le DPE (diagnostic de performance énergétique, NDLR) n'est pas contraignant pour la vente mais ce mécanisme permettrait de sécuriser l'acheteur, déclare Jacques Rossi. En revanche, les DPE sont catastrophiques pour la location et on a des propriétaires à la pelle, notamment des retraités pour qui c'est un complément de revenu, qui revendent car les perspectives de retour sur investissement des travaux sur quinze ans ne sont pas envisageables pour eux. Donc on assèche le marché de la location. Contraindre pour contraindre, sans rien proposer, ça ne marche pas... »

Selon le baromètre FNAIM, à fin 2022, le loyer moyen à Montpellier était de 14,1 euros/m2, soit une augmentation de 2,1% en un an et de 9,4% en cinq ans. Ainsi, le rendement locatif brut* était-il de 4,7% dans la capitale languedocienne quand il était un point supérieur (5,7%) à Nîmes et même de 7% à Perpignan...

* Ratio entre le montant annuel des loyers et le niveau des prix (sans prise en compte de la fiscalité, des éventuels travaux à réaliser régulièrement dans le logement, des charges et autres frais).


Cécile Chaigneau

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