Bilan carbone, impact : en Occitanie, le tourisme se remet en question (et bouscule ses bases)

A l’occasion de la 5e édition des Convergences Touristiques, rencontres partenariales destinées aux professionnels du tourisme d’Occitanie du 16 au 18 octobre à La Grande Motte, le secteur s’interrogeait sur la notion de « tourisme positif ». Les intervenants, plutôt adeptes des voyages bas carbone, sont venus bousculer les professionnels du secteur en pointant les externalités négatives du tourisme et en proposant des alternatives, notamment en matière de mobilités. Tout en soulevant une difficulté : des politiques publiques pas toujours raccord avec des ambitions vertueuses.
Cécile Chaigneau
Dans l'Hérault, La Grande Motte, née de la mission Racine dans les années 1960, se présente aujourd'hui comme un exemple d'anticipation pour que la ville puisse supporter, sans difficulté ni externalités négatives sur l'environnement, les 100.000 vacanciers qui s'y pressent chaque jour durant l'été.
Dans l'Hérault, La Grande Motte, née de la mission Racine dans les années 1960, se présente aujourd'hui comme un exemple d'anticipation pour que la ville puisse supporter, sans difficulté ni externalités négatives sur l'environnement, les 100.000 vacanciers qui s'y pressent chaque jour durant l'été. (Crédits : Office de tourisme - La Grande Motte)

« Le collectif Itinéraires bis, dont je suis aussi membre, veut challenger l'imaginaire autour du voyage car on a souvent en tête que pour des vacances dépaysantes, il faut aller loin alors que nos régions françaises peuvent offrir découverte et dépaysement, lance Antoine Pin, directeur des opérations de Protect Our Winters (POW France). Prendre des vacances et voyager, c'est encore possible mais pas comme on l'a fait durant les trente ou quarante dernières années ! On va rentrer dans un monde où les gens vont comptabiliser leur empreinte carbone et si une région ne propose pas de solutions pour la réduire, ils n'y viendront pas en vacances ! »

POW France rassemble la communauté des pratiquants de sports outdoor qui se servent de leur passion commune pou agir en faveur du climat. Antoine Pin était l'un des intervenants invités par le Comité régional du tourisme et des loisirs (CRTL) d'Occitanie le 17 octobre pour la 5e édition des Convergences Touristiques, rencontres partenariales destinées aux professionnels du tourisme d'Occitanie (du 16 au 18 octobre) à La Grande Motte. Thématique choisie cette année : le tourisme positif.

« Parler de tourisme positif, c'est signifier que des choses ne sont pas positives, et c'est la raison pour laquelle nous avons invité des acteurs engagés et plutôt des anticonformistes car pour faire émerger le tourisme de demain et tout ce qu'on ne veut plus, il faut une part d'anticonformisme », lance Jean Pinard, le directeur général du CRTL Occitanie en guise d'introduction.

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Schizophrénique

« Ce qui n'est pas positif dans le tourisme, ce sont les transports, or le tourisme, c'est le voyage !, rappelle Jean Pinard, résumant la position schizophrénique de ce secteur économique. En Occitanie, le tourisme, c'est 8% du PIB et 11% des émissions de gaz à effet de serre. Donc oui, notre modèle doit évoluer. Mais l'Occitanie compte neuf aéroports internationaux (13 millions de passagers entrants et sortants, NDLR) : on ne peut pas négliger ces touristes... Mais faut-il rester sur le rythme des deux vols par semaine proposés par les compagnies, qui encouragent les séjours courts de trois ou quatre jours, ou encourager des séjours plus long ? Et est-on obligé de créer toujours plus de lignes ? »

Les transports sont le point noir du tourisme, là où se concentre la majeure partie des externalités négatives. Benjamin Martinie, Youtubeur des voyages bas carbone et fondateur du média "HOURRAIL !" qui promeut les voyages en train (200 itinéraires proposés sur la plateforme), n'est plus monté dans un avion depuis l'été 2019 : « Selon l'ADEME, 70% du bilan carbone du tourisme vient du transport dont 40% de l'avion. Mais on peut arrêter de prendre l'avion et vivre des expériences incroyables. Le monde de l'influence doit se bouger si on veut garder un monde vivable... Il faut donner aux professionnels les moyens de faire venir les touristes autrement. Malheureusement aujourd'hui, les aides et les dynamiques en faveur du transport ne sont pas en haut des priorités puisqu'on adore tous la voiture ! ».

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« Arrêtons de mettre de l'argent dans des transports problématiques »

« La croissance sans fin du tourisme aérien est portée par les vols de loisir principalement donc nous sommes allés voir comment donner envie aux Français de faire différemment, ajoute Alexis Chailloux, responsable voyage bas-carbone chez Greenpeace France. Mais le problème, c'est que les politiques touristiques ne sont pas en harmonie avec ces objectifs : on continue les politiques d'agrandissement des aéroports, comme à Montpellier, on subventionne des aéroports qui favorisent les compagnies low-cost comme à Béziers ou Carcassonne... A Marseille, l'aéroport fait venir des gens avec un fort pouvoir d'achat mais dont la présence n'a un impact que sur le segment haut de gamme. Arrêtons de mettre de l'argent dans des transports problématiques. »

A Marseille, la La Scic Les oiseaux de passage rassemble des acteurs issus du tourisme, de la culture, de l'économie sociale et solidaire, de l'éducation populaire, etc. pour promouvoir et commercialiser des offres d'hospitalité, de savoir-faire et de découverte de leur environnement patrimonial et ainsi contribuer au développement endogène du territoire. Prosper Wanner, également professeur associé Université Aix-Marseille, y est chargé recherche. Il concède quelques avancées encourageantes : « Avec le Covid, on a observé une certaine prise de conscience de l'intérêt d'un tourisme de proximité, et aujourd'hui, on prend aussi conscience que 40% des Français ne partent pas en vacances, ce que les collectivités locales avaient un peu abandonné et qui fait à nouveau l'objet de nouvelles initiatives ». Il souligne toutefois les difficultés du secteur à faire venir des gens pour travailler dans le tourisme « en raison de problématiques de qualité de travail ».

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Engouement pour les alternatives

Benjamin Martinie se félicite de l'existence du dispositif de skirail en Occitanie (combinant l'aller-retour en TER, le transfert de la gare à la station et le forfait remontées mécaniques pour une ou deux journées selon la destination) « qui fait rêver d'autres régions ». Quant à Antoine Pin, il souligne une initiative positive d'un des plus gros acteurs du tourisme en France, les résidences vacances Pierre & Vacances « qui incitent les clients à venir en train en remboursant 15% du billet et vont s'engager dans la labellisation Clef Verte de leurs résidences d'ici 2025 ». Une démarche modèle qui pourrait servir d'exemple.

Puisque le monde bouge et que les consciences évoluent, c'est probablement le moment d'enfoncer le clou des bonnes pratiques. En tout cas, d'amorcer la pompe pour avancer crescendo vers un tourisme plus durable et responsable.

« Les voyages bas carbone et les mobilités alternatives suscitent un grand enthousiasme actuellement, observe Benjamin Martinie. Chez Hourrail ! par exemple, les itinéraires alternatifs génèrent un engagement énorme sur les réseaux sociaux. Il faut que tout ça soit accompagné au niveau politique. »

Alexis Chailloux implore : « Il faut arrêter de prendre l'avion, couper progressivement le robinet, car mettre une rustine ne suffira pas. Et il faut qu'aller sur un continent lointain reste exceptionnel et que ce soit pour un certain temps... La Ville de Paris, une métropole internationale donc, a voté, au printemps dernier, le vœu de réduire de 12% le trafic des aéroports de Paris car suite au Covid, une partie de la clientèle internationale avait été substituée par une clientèle européenne, ce qui n'a rien changé en termes économiques mais tout en termes d'impact carbone ».

« Une croissance maîtrisée dans ses externalités carbonées »

« La France est la première destination touristique mondiale mais en matière de chiffre d'affaires généré, on est derrière les Etats-Unis et l'Espagne, donc il y a peut-être un travail à faire pour accueillir moins d'étrangers mais les faire rester plus longtemps », renchérit Benjamin Martinie.

Autre initiative positive proposée par Alexis Chailloux : « Faciliter le transport en train, comme le fait la Région Occitanie avec les billets à 1 euro ou gratuit. C'est une partie de la solution, car aujourd'hui, c'est un gros frein, notamment de réserver un billet de train pour voyager en Europe ». Antoine Pin suggérant même créer une instance coordinatrice des transports sur les territoires.

« Le chiffre de mesure d'efficacité est encore aujourd'hui la nuitée mais nous voulons le faire évoluer, notamment avec le taux de départ en vacances car 10 points de plus de ce taux de départ, c'est 16% de croissance d'économie garantis, confie Jean Pinard au CRTL Occitanie. Je crois encore à la croissance de l'économie touristique mais une croissance maîtrisée dans ses externalités carbonées. »

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Atout France : bientôt un tableau de bord du tourisme durable

Invitée de Convergences, la directrice générale d'Atout France, Caroline Leboucher, annonçait que l'agence de développement touristique de la France, présentera le 14 décembre à Paris les quatre scenarii qu'elle a établis sur la transformation du tourisme. Par ailleurs, elle publiera, au premier trimestre 2024, un tableau de bord du tourisme durable, « un outil qui n'existe pas jusqu'à présent ».

Cécile Chaigneau

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Commentaire 1
à écrit le 17/10/2023 à 19:20
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D'aucune préfèrent la petite à la Grande Motte. La petite motte en Savoie à côté du mont de venus😅

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