Qui sont ces investisseurs qui font monter en gamme l’offre hôtelière des Pyrénées-Orientales ?

En pleine érosion depuis les vingt dernières années, l’offre hôtelière reprend des couleurs dans les Pyrénées-Orientales grâce à un nouveau profil d’investisseurs. Misant sur un tourisme d’expérience, quatre établissements quatre étoiles ouvrent leurs portes cette année. Une nouvelle dynamique enclenchée ? Enquête.
La Maison Nova, en plein cœur de Collioure, a vocation à devenir un établissement hôtelier 4 étoiles, sous l'impulsion de Brice Sannac, président de l'UMIH 66, et de son frère.
La Maison Nova, en plein cœur de Collioure, a vocation à devenir un établissement hôtelier 4 étoiles, sous l'impulsion de Brice Sannac, président de l'UMIH 66, et de son frère. (Crédits : DR)

Septième département touristique français et second en comparaison du nombre d'habitants (près de 500.000), les Pyrénées-Orientales comptent 187 hôtels, concentrés majoritairement sur l'aire urbaine de Perpignan, la côte Vermeille et les Pyrénées catalanes. Berceau historique d'hôtels catégorie 2 et 3 étoiles, le département a amorcé depuis quelques années une montée en gamme qui se renforce aujourd'hui.

« Au début des années 2000, le département a connu une véritable érosion de son offre hôtelière, rappelle Brice Sannac, président de l'UMIH 66 (Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie). Mais depuis six ans, la situation évolue au bénéfice d'une montée en gamme. En 2017, le département comptait 15 hôtels classés 4 étoiles contre 35 en 2023 (et deux 5 étoiles : L'Ile de la Lagune à Saint-Cyprien, et Le Château de Riell à Molitg-les-Bains, NDLR). Inversement, le nombre de 1 et 2 étoiles a chuté de 20% en cinq ans, et à terme, ces deux catégories, dont l'offre ne correspond plus à la demande, devraient progressivement disparaître au profit des campings ou Airbnb. »

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La relève des trentenaires

Avec plus de 30 millions de nuitées par an et une consommation touristique estimée à 1,3 milliards d'euros, le département a presque retrouvé son niveau d'avant crise sanitaire, avec un ticket moyen en augmentation qui dépasse, en haute saison, les 140 euros la nuit.

Cette année, quatre nouveaux projets hôteliers sont sur le point de voir le jour dans le département catalan : Maison Nova à Collioure, Maison Gaïa à Torreilles, Villa Camille à Banyuls-sur-Mer et L'Hermitage à Font-Romeu. Leurs points communs ? Un positionnement haut de gamme et des investissements ambitieux. Mais surtout, ces projets sont menés par une nouvelle génération d'hôteliers, âgés de 30 à 45 ans, prêts de relever de nombreux défis.

Déjà à la tête d'un boutique-hôtel quatre étoiles (32 chambres), Les Elmes à Banyuls-sur-Mer, Brice Sannac, 34 ans, 5e génération d'hôteliers sur la Côte Vermeille, a racheté avec son frère une bâtisse des années 1970 (400 m2) en plein cœur de Collioure.

« Transformée par l'architecte Laurie Foissier dans un style majorquin, Maison Nova proposera 13 chambres décorées par des artistes locaux, détaille Brice Sannac. Outre les prestations classiques pour ce type d'établissement - balnéo, spa, piscine... -, nous proposerons un vrai service cousu main. Nous réfléchissons peut-être à monter en cinq étoiles car nous remplissons le cahier des charges. »

Les deux frères ont investi 3,8 millions d'euros dans l'achat et la rénovation du lieu qui ouvrira le 8 juin prochain.

David Fournier, propriétaire du club de plage Le Maya, est tombé, lui, sur le charme de Maison Gaïa à Torreilles. Il a investi 2,6 millions d'euros pour réhabiliter cette maison de maître et la transformer en boutique-hôtel de 15 chambres (ouverture en juin 2024). L'établissement sera ouvert à l'année, une aubaine pour la station qui ne compte, à ce jour, aucune offre hôtelière.

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200.000 à 250.000 euros par chambre

Julien Trollet, propriétaire de plusieurs bars parisiens, et son frère Romain, fondateur du groupe Assas Hôtels (une quinzaine d'établissements 4 étoiles dans les Alpes et à Paris), ont mis le cap sur la Méditerranée en investissant 16 millions d'euros pour redonner ses lettres de noblesse à Villa Camille, résidence de famille datant de 1888.

« C'est notre première incursion professionnelle dans le sud de la France, note Julien Trollet. Cette maison appartenait autrefois à Pierre Bardou (papier à cigarette JOB, NDLR) et avait été conçue par l'architecte danois Vigo Dorph-Petersen, connu notamment pour le Château de Valmy à Argelès et le Château d'Aubiry à Céret. Depuis, elle a eu plusieurs vies. Nous l'avons exploitée l'été dernier en hôtel deux étoiles puis nous avons engagé des travaux pour la métamorphoser en hôtel de 42 chambres, esprit "sport chic". Nous avons appliqué les mêmes critères que pour les autres hôtels du groupe : ne pas dépasser un budget de 200.000 à 250.000 euros par chambre. »

Le dirigeant vise la première année les 2 millions d'euros de chiffre d'affaires, puis à terme trois millions d'euros (hébergement et restauration).

Côté montagne, à Font-Romeu, Jean Parent, restaurateur aux Angles, s'est associé à Laurent Sylvestre (Sofidec) pour acheter un bâtiment classé du XVIIIe siècle, attenant à la chapelle de l'Ermitage. Le projet de 10 millions d'euros (cofinancé par la Sofidec avec l'aide du Fonds Tourisme Occitanie) porte sur 42 chambres, un restaurant mais aussi un centre de formation aux métiers de la restauration et de l'hôtellerie, parrainé par le chef étoilé audois Gilles Goujeon. Situé près du centre de préparation des JO 2024, l'Ermitage (ouverture début juillet 2024) vise à attirer une nouvelle clientèle et à booster le dynamisme touristique de la station.

Alors que l'activité touristique pèse 35% du PIB du département et génère 4.500 emplois directs, ces nouveaux projets vont créer une centaine de postes saisonniers.

Armé pour les quatre saisons

Avec cette nouvelle génération d'hôteliers, le secteur évolue, plus agile dans sa proposition de services, pour créer une expérience unique.

« Nous sommes passés sur un tourisme d'expérience qui est en concurrence directe avec Marrakech, la Grèce ou la côte basque, affirme le président de l'UMIH 66. Cette volonté de gravir les étoiles passe par une adaptation à une clientèle plus exigeante, plus connectée, aux demandes de plus en plus personnalisées : organisation d'excursions, vente de produits locaux, cours de cuisine, expériences œnologiques, etc. »

Pour autant, face aux turbulences de l'inflation, le secteur reste tendu mais Brice Sannac se veut optimiste : « Les professionnels de l'hôtellerie et la clientèle ont tout à gagner d'une offre élargie. Depuis novembre, nous enregistrons un taux d'occupation de 52% ! Notre département est armé pour gagner le pari des quatre saisons ! ».

Brice Sannac a d'ailleurs un autre projet en partenariat avec David Fournier et le promoteur Hectare : un lieu de vie hybride de 40 chambres (mêlant auberge de jeunesse, lodges, appartements grand standing, patinoire, centre de balnéo avec spa,...) situé à Bolquère, petit village adossé à Font-Romeu. Le projet, dont le coût de l'investissement est estimé à 25 millions d'euros (dont 5 à 10 millions d'euros porté par les deux amis) pourrait voir le jour d'ici trois ans.

« Nous serons les premiers à proposer ce concept qui permettra de répondre à une forte demande de logements et d'hébergements touristiques, assure l'hôtelier. Le département compte 12,5% de chômeurs, on ne sortira pas de l'impasse à coup de subventions et de financements publics mais avec de l'investissement privé. Il faut bouger les lignes. »

Des chefs étoilés

Le 22 mars 2024, le groupe Roussillhotel, présidé par Xavier Lormand, inaugurera à Saint-Cyprien sa nouvelle résidence Premium Pierre et Vacances, site quatre étoiles de 79 villas et 72 appartements. Le groupe catalan poursuit également la rénovation de l'établissement L'Ile de la Lagune (5 étoiles) avec la création d'un espace wellness sur le toit-terrasse (1,2 millions d'euros) et la rénovation d'un mas qui ouvrira au mois de mai. Côté gastronomie, Frédéric Bacquié, le chef de son restaurant l'Almandin, vient de décrocher une étoile au Guide Michelin 2024.

« La table gastronomique de notre fleuron hôtelier, étoilée pendant plus de trente ans, fait son retour dans la bible des gastronomes grâce au travail du chef et son équipe », se sont félicités Alicia et Xavier Lormand.

Un autre chef, Julien Montassié (31 ans) décroche une étoile pour sa table la Coopérative-Domaine Riberach. Christophe Comes, du restaurant La Galinette à Perpignan, conserve son macaron et décroche l'étoile verte. Enfin à Collioure, Laurent Lemal, chef du restaurant La Balette, conserve son étoile.

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