Ce que le port de Sète et ACQUA.écologie font pour gérer les eaux grises et noires

Le projet Acqua Smart Reuse a pour objectif de gérer, valoriser et recycler les eaux résiduaires sur le port de Sète pour être réutilisées sur les zones de carénage ou pour l’arrosage des espaces verts par exemple. Nominée aux 10e Assises du Port du futur, cette solution innovante n’a pas été désignée lauréate mais elle a commencé à se déployer sur le port méditerranéen.
Cécile Chaigneau
Sur le port de Sète, le môle ne peut pas être raccordé au réseau d'assainissement et bénéficiera du projet Acqua Smart Reuse pour le traitement des eaux grises et noires.
Sur le port de Sète, le môle ne peut pas être raccordé au réseau d'assainissement et bénéficiera du projet Acqua Smart Reuse pour le traitement des eaux grises et noires. (Crédits : Port Sud de France)

Le verdissement des ports passe par de multiples initiatives sur de multiples sujets. Outre la question de l'énergie ou des émissions de gaz à effet de serre, celle de l'eau comporte des enjeux d'envergure. Or le point noir des infrastructures portuaires sur ce sujet, ce sont les eaux grises et noires rejetées par les bateaux et celles des divers équipements portuaires.

C'est bien sûr le cas pour le port de Sète dans l'Hérault, où les eaux résiduaires générées localement (réparation navale, infrastructures portuaires) ou pompées à partir de navires, ont des compositions physicochimiques disparates et peuvent représenter un volume annuel de plusieurs millions de litres. D'autant que les différents projets de Port Sud de France sont situés dans une zone non raccordée à l'assainissement urbain collectif, comme le pôle d'accueil chauffeurs créé récemment dans le port de commerce ou le futur pôle nautique du port de plaisance.

Sans produits chimiques

Pour répondre à ces problématiques, le port de Sète travaille avec l'entreprise héraultaise ACQUA.écologie pour déployer sa solution complète de gestion, traitement, valorisation et re-use des eaux grises et noires avec l'objectif de substituer l'eau potable par une eau recyclée de qualité maîtrisée pour certaines activités.

« Le développement de leur solution se base sur un dispositif de collecte des eaux résiduaires, combiné à un procédé de traitement et recyclage innovant et ultraperformant, permettant de réutiliser 100% de l'eau sans utilisation de produits chimiques pour le traitement, explique Mathilde Morel, chargée de projets au service Ingénierie de Port Sud de France. Ce sont des technologies qui existent déjà mais qui sont adaptées, dimensionnées, qui n'utilisent pas de chloration, ni d'osmose. On enlève les polluants mais on ne la potabilise pas. »

Car l'idée, c'est que cette eau traitée puisse être utilisée en toute sécurité pour l'environnement : elle pourra par exemple être réinjectée dans le système de nettoyage à haute pression de l'aire de carénage voisine du futur pôle nautique pour le lavage des coques de bateaux. Sur le port de commerce, les eaux traitées du nouveau village chauffeurs permettra pourront être réutilisées pour l'arrosage des espaces verts et l'alimentation de l'aire de lavage des camions ou pour les chasse-d'eau.

« Accessibles même dans les environnements isolés ou extrêmes »

ACQUA.ecologie est une jeune entreprise créée en 2019 à Lunel et experte du traitement et de la réutilisation de l'eau (eaux usées, eau potable ou eaux pluviales) pour les milieux terrestres et marins. Elle conçoit et assemble des solutions innovantes clés en mains, capables d'éliminer la quasi-totalité des polluants présents dans les eaux usées pour permettre un re-use sur site.

« Notre solution Acqua Smart Reuse, qui est brevetée, est un assemblage de briques technologiques que nous mettons en œuvre, dimensionnons de manière spécifique, explique Romain Salza, docteur en biochimie et microbiologie et cofondateur d'ACQUA.écologie avec Olivier Georges. Nous utilisons différentes technologies, notamment en exclusivité francophone les filtrations membranaires de l'Américain BioMicrobics, de Scienco/FAST pour le dispositif de traitement de l'eau à bord des bateaux, et de SeptiTech pour les panneaux de contrôle, auxquelles on rajoute des composants que nous fabriquons nous-mêmes... Ce sont des solutions intégrées, économiques, durables, accessibles même dans les environnements isolés ou extrêmes. Elles ont obtenu les certifications CE, NF, NSF350 et Marpol (visant à prévenir et à réduire au minimum la pollution due aux navires, NDLR), sont approuvées par l'USCG (US Coast Guard, ndlr) et conformes aux réglementations fluviales européenne et canadiennes. »

ACQUA.ecologie, créée juste avant la crise sanitaire, cible les ports, les campings en zone littorale, les navires (dont le yachting) et les habitats flottants. Romain Salza annonce être « en discussion avec le port de Marseille » ou avec le groupe EDF pour un projet avec récupération énergétique en plus.

« Pour les JO Paris 2024, on teste officiellement notre solution sur les habitats flottants sur la Seine », ajoute-t-il.

La jeune entreprise a entamé une levée de fonds de 2 millions d'euros pour accompagner son développement commercial dans les pays francophones avant d'attaquer le marché africain, soutenir sa R&D et engager des recrutements, qu'elle estime à une vingtaine d'ici 2025. Pour bénéficier de la dynamique sétoise, Romain Salza cherche des locaux sur la ville méditerranéenne pour y installer ACQUA.ecologie.

« Entre 3.000 et 6.000 m3 d'eau économisés par an »

Le projet Acqua Smart Reuse vient d'être présenté aux 10e Assises du port du futur, les 22 et 23 septembre à Paris. S'il n'a pas été lauréat, il est néanmoins en phase de déploiement sur l'infrastructure portuaire de Sète.

« Cela ne remet pas en cause le projet, qui est une demande formulée depuis plusieurs années, indique Mathilde Morel. Nous sommes en phase de conception avec ACQUA.écologie, notamment sur le dimensionnement en m3 traités. Les systèmes seront installés dans des containers maritimes recyclés. Acqua Smart Reuse sera mis en œuvre en 2022. »

Au total, trois systèmes de traitement des eaux devraient être disposés sur le port méditerranéen, « sorte de mini stations d'épuration à raison de 7.600 m3 traités par jour », précise Romain Salza qui met en avant une capacité à résister à toute surcharge ou sous-charge grâce au système membranaire et un coût moins élevé qu'une station d'épuration ou un raccordement au réseau d'assainissement.

« Entre les eaux sanitaires du futur pôle nautique, dont les travaux démarrent et devraient être terminés à la fin de l'été prochain, et les eaux grises et noires des bateaux qu'on ira pomper pour éviter qu'ils les rejettent en mer, nous estimons une économie d'eau entre 3.000 et 6.000 m3 par an, indique Mathilde Morel. Le port de Sète est le premier port français à utiliser ce système. »

Cécile Chaigneau

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