Swile lève 200 millions de dollars et devient la 19e licorne française

La worktech montpelliéraine Swile, spécialisée dans les avantages salariaux dématérialisés et l’engagement collaborateurs, vient de boucler sa 4e levée de fonds. Avec 200 millions de dollars levés, notamment auprès du fonds d’investissement japonais Softbank, elle accède au statut de licorne, la 19e en France. Elle devrait doubler ses effectifs d’ici fin 2022 pour atteindre le millier de salariés.
Cécile Chaigneau
(Crédits : Swile)

Trois ans et 18 mois après sa création (en 2018) par Loïc Soubeyrand (co-fondateur et ex-CEO de Teads, vendue à Altice en 2017), la startup montpelliéraine Swile annonce sa 4e levée de fonds (série D) pour un montant de 200 millions de dollars (175 millions d'euros). La worktech, spécialisée dans la dématérialisation des avantages salariaux (tickets-restaurants, titres-cadeaux, etc.) et valorisée plus d'un milliard de dollars (environ 850 millions d'euros), accède ainsi au très sacré statut de licorne. Même si son fondateur se refuse à communiquer le montant exacte de sa valorisation...

Selon les derniers chiffres du ministère de l'Économie, datés du 4 octobre dernier, après 5,1 milliards d'euros levés par les startups françaises au premier semestre 2021, la France comptait 18 licornes*. Swile est donc la 19e.

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« Le fait que Swile devienne notre 19e licorne est emblématique de l'essor fulgurant de la French Tech, commente Cédric O, secrétaire d'État en charge de la transition numérique et des communications électroniques. En quelques années seulement, les startups sont devenues des moteurs de croissance et de création d'emplois et ce sur tout le territoire, à l'instar de Swile à Montpellier. Alors que l'écosystème ne comptait que trois licornes en 2017, il en compte désormais 19 et la French Tech devrait dépasser les 10 milliards d'euros levés en 2021. [...] La réussite de Loïc Soubeyrand et de ses équipes, en l'espace de quelques années, dans un secteur pourtant fermé incarne cet esprit d'innovation et cette audace qui constituent le cœur de l'aventure entrepreneuriale. »

Softbank actionnaire majoritaire

L'opération a été menée auprès du fonds japonais Softbank, premier investisseur mondial des sociétés technologiques (Uber, Wework, Revolut, Slack etc.). Le président de Softbank International Group (et ancien président d'Alcatel-Lucent et SFR-Numericable), Michel Combes, fait ainsi son entrée au conseil d'administration de Swile. Ont également participé au tour de table les fonds historiques de Swile (Eurazeo, Index et BPI France), ainsi qu'Headline, nouvel entrant.

Loïc Soubeyrand reste également discret sur la dilution opérée par cette nouvelle levée de fonds et sur la répartition du capital, se contentant de faire savoir qu'ils ont passé le cap symbolique de la licorne et de préciser que « Softbank est l'actionnaire majoritaire mais je reste l'actionnaire de référence ».

Cette nouvelle levée de fonds vise « à accentuer l'avance technologique de Swile et accélérer son déploiement international », annonce la startup.

500.000 utilisateurs

Swile est initialement positionnée sur le marché du ticket-restaurant dématérialisé. En quatre ans, la startup annonce avoir « réussi à capter 13% du marché des avantages salariaux ». Parmi ses clients figurent notamment les principaux fleurons de l'écosystème de la tech, comme Doctolib, Spotify, Airbnb ou TikTok, mais aussi des entreprises tous les secteurs et toutes les tailles, dont Le Monde, le PSG ou Red Bull. Soit 15.000 entreprises clientes et 500.000 utilisateurs.

En janvier 2021, Swile raflait le marché des titres-restaurant du groupe Carrefour, soit 62.000 salariés utilisateurs d'un seul coup. Et en février, elle rachetait la startup brésilienne Vee Beneficios, qui propose des services dématérialisés dits "avantages flexibles" ("benefícios flexíveis") permettant aux salariés brésiliens de dépenser dans des restaurant, courses, transport, cadeaux, sport, etc. un solde qui leur est crédité en début de mois. Une opération pour favoriser son implantation au Brésil, marché mondial n° 1 des avantages salariaux : avec près de 50 millions d'actifs éligibles aux avantages salariaux et un taux de dématérialisation proche de 100%, le Brésil représente une opportunité́ de croissance exponentielle pour Swile, qui veut en faire son marché principal. Aujourd'hui, 120 employés Swile opèrent au quotidien à Sao Paulo.

« Il faut que l'Amérique du Sud soit notre 1e marché en 2024, d'abord au Brésil et au Mexique, ambitionne Loïc Soubeyrand. Cette zone nous servira de tremplin pour attaquer le reste du monde. Mais nous avons d'abord besoin de nous sentir fort en Europe (où, pour le moment, seul le marché français a été travaillé par Swile, NDLR). »

Les trois promesses de Softbank

« Pour notre Série D, nous cherchions en un fonds d'investissement mondial, ayant une connaissance fine de l'Amérique Latine, notre marché prioritaire, et plus spécifiquement du marché des avantages salariaux, or l'un des associés de Softbank est un ancien du monde des tickets-restaurant, souligne Loïc Soubeyrand. Softbank répondait parfaitement à ces trois critèresC'est le plus gros fonds mondial de la tech donc ils sont avec nous pour nous accompagner sur le long terme. »

Une stratégie confirmée par Michel Combes, président de Softbank International Group : « Nous avons lancé un fonds de 5 milliards de dollars dédié à l'Amérique du sud, et nous accompagnons de nombreux leaders technologiques sur cette zone. Nous sommes ravis de pouvoir aider Swile à devenir le leader mondial qu'il ambitionne de devenir dans les années à venir ».

La Swile Card rassemblant les avantages salariaux (titres-restaurant et titres-cadeaux) a vocation à être enrichie, « dans les mois à venir », de nouvelles fonctionnalités. L'objectif : permettre au salarié de gérer l'intégralité de ses dépenses professionnelles comme ses frais professionnels ou des paiements entre collèges (par exemple lors de cagnotte d'anniversaire).

La Swile App lancée début 2022

La startup s'attaque aussi au marché de l'engagement collaborateurs via une application dédiée, offrant plusieurs fonctionnalités à destination des employés et des services RH.

En novembre 2020, Swile avait racheté l'entreprise franco-belge Briq, qui propose un outil digital de sondage du moral des salariés et de priorisation des actions RH pour améliorer leur engagement, ainsi qu'un tableau de bord intelligent pour « détecter des signaux faibles ».

« Les temps nous sont favorables, soulignait alors Loïc Soubeyrand, faisant référence à la réorganisation des entreprises durant la crise sanitaire. Les salariés vont de plus en plus télétravailler, on s'inscrit dans une forme d'hybridation du travail, et la question du lien entre les employés sera encore plus importante. La technologie permettra de maintenir ce lien. »

L'application Swile App est en version bêta depuis un an et devrait être lancée officiellement au 1e trimestre 2022. Elle permet de mesurer et d'agir sur l'engagement des collaborateurs, à travers « des fonctionnalités qui stimulent la cohésion, l'échange, la reconnaissance et les feedbacks entre collègues, mais aussi le sentiment d'écoute à l'aide de questionnaires anonymes envoyés par les employeurs ».

« Nous voulons centraliser tous les outils existants sur une seule application, y compris les demandes de congés, les bulletins de salaires, la réservation de voyages d'affaires, ajoute Loïc Soubeyrand. Nous ne voulons pas forcément tout construire nous-mêmes, certains développements passeront par des partenariats. »

« Plus en position d'acheteur que d'être acheté »

La startup poursuit sa croissance express : alors qu'elle emploie aujourd'hui 500 salariés, elle projette de doubler de taille en recrutant 500 collaborateurs d'ici à fin 2022, répartis entre la France et le Brésil. Aujourd'hui, en France, 30% des effectifs de Swile sont à Montpellier, 30% à Paris et 30% en full remote.

« Avec cette levée de 175 millions d'euros, nous nous dotons de moyens supplémentaires et d'un partenaire de premier rang pour continuer à bouleverser les modèles établis et donner vie à notre ambitieuse mission : créer un monde du travail épanouissant, déclare Loïc Soubeyrand. Mais le statut de licorne n'est pas une fin en soi... Nous nous en servons comme marchepied : nous n'excluons pas de faire de la croissance externe pour nous étendre géographiquement et ce statut ainsi que la présence de SoftBank nous y aideront. »

Swile avait levé 15 millions d'euros (seed/série A) en 2018, 30 millions d'euros (série B) en 2019 et 70 millions d'euros (série C) en 2020. Une progression vertigineuse et un statut de licorne que le jeune fondateur de Swile (35 ans) assure aborder avec sérénité : « C'est comme quand on célèbre son anniversaire, rien ne change d'un jour à l'autre. L'histoire de Swile, c'est pareil car notre croissance a été progressive ».

« Je suis sincèrement dans une démarche d'hyper long terme et je ne vois pas le bout de l'aventure, ajoute-t-il. On n'a pas encore fait 1% du chemin ! Et nous avons les moyens de nos ambitions... Nous avons également conscience que le temps de nos investisseurs de la première heure est compté donc nous voulons aller jusqu'à l'IPO pour que tout le monde y trouve son compte. Notre souhait de rester indépendants. Aujourd'hui, nous sommes plus en position d'acheteur que d'être acheté ! »

* Les 18 autres licornes françaises : Alan, Back Market, BlaBlaCar, ContentSquare, Deezer, Doctolib, Ivalua, Ledger, ManoMano, Meero, Mirakl, OVH Cloud, Shift Technology, Sorare, Veepee, Vestiaire Collective, Voodoo et AD. Parmi elles, 9 ont émergé depuis le début 2021.

Cécile Chaigneau

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