Comment Water Robotics, « Robocop de la police de l’eau », allie drones aquatiques et IA

Dans le contexte de réchauffement climatique et de sécheresse, les acteurs opérant dans le secteur de l’eau vont devoir monter en puissance pour répondre à de multiples problématiques. A Montpellier, l’entreprise Water Robotics, spécialisée dans l’acquisition et le traitement des données en milieu aquatique, clôt un cycle de R&D et prépare la sortie d’un drone sous-marin.
Cécile Chaigneau
A Montpellier, Water Robotics propose des solutions d'acquisition et traitement des données dans le domaine de l'eau, pour mieux appréhender la complexité des hydrosystèmes.
A Montpellier, Water Robotics propose des solutions d'acquisition et traitement des données dans le domaine de l'eau, pour mieux appréhender la complexité des hydrosystèmes. (Crédits : Water Robotics)

Ils se définissent comme des data-scientists de l'eau. Julien Doutre, ingénieur en sciences de l'eau (spécialisé dans les algorithmes de navigation et de traitement des données) et Aurélie Volant, docteur en microbiologie (et spécialiste de la fouille de données massives), ont créé Water Robotics en 2018, à l'interface du domaine de l'eau et des technologies numériques.

Son offre : une chaîne d'acquisition et de traitement de données destinée à aider les gestionnaires de milieux naturels (rivières ou fleuves, lacs, canaux, lagunes littorales, ports, proche littoral) et d'infrastructures hydrauliques à appréhender la complexité des hydrosystèmes.

Water Robotics adresse les marchés de la bathymétrie (sciences et technologies de mesure ou d'estimation de la profondeur et du relief de l'océan profond ou côtier), du trait de côte, de l'atterrage (offshore), de la biodiversité, de l'océanographie, du suivi de la qualité des eaux, ou de la construction.

Sa solution Water Scan, sorte de scanner des milieux aquatiques et littoraux, regroupe un module logiciel et un système de navigation permettant de piloter plusieurs drones-bateaux (Ro-boat) capables d'embarquer de nombreux types de capteurs et autres sondes multi-paramètres. L'objectif : relever des données comme la mesure de la profondeur et de la position, la mesure de la vitesse de phénomènes d'érosion, la mesure du pH et autres paramètres physico-chimiques. Il permet aussi l'inspection avec sonar ou caméra sous-marine et le prélèvement d'échantillons.

Algorithmes et IA

A quoi sert cette technologie ? A mieux comprendre les environnements aquatiques pour mieux les gérer, à orienter vers des solutions opérationnelles de traitement de l'eau ou de récifs artificiels anti-érosion, ou encore à suivre et contrôler la mise en place des solutions via des indicateurs.

L'entreprise a développé un niveau de traitement des données intégrant des algorithmes d'intelligence artificielle afin, notamment, de détecter des anomalies (rejets d'eaux usées par exemple) ou de donner une météo de l'oxygène.

« Nous sommes en quelque sorte le Robocop de la police de l'eau », sourit Julien Doutre.

Alors qu'elle a commencé son activité en vendant des robots (bateaux ou bouées) pour capter de la donnée, Water Robotics a fait évoluer son modèle économique il y a trois ans pour se recentrer sur le traitement des données : « Aujourd'hui, nous allons surtout acquérir et traiter les données, et faire du conseil, déclare Julien Doutre. Nos clients sont des maîtres d'ouvrage, des sociétés d'économie mixte qui gèrent des rivières, des bureaux d'études et des laboratoires qui travaillent sur le trait de côte, la biologie marine, la pédologie (analyse de sols, NDLR), la limnologie (lacs et ressources en eau superficielles, NDLR) ou l'aquaculture... Nous avons fait un gros travail sur des solutions low-cost pour faire tomber le prix des capteurs, qui sont très chers. Le CNES nous a aidé à choisir des GPS centimétriques de bonne facture mais dix fois moins cher. Nous faisons la même chose sur les capteurs de PH, d'oxygène, de salinité ou turbidité de l'eau. »

Ports verts et érosion côtière

L'entreprise arrive aujourd'hui à la fin d'un cycle de R&D qui a vu son implication dans quatre projets lancés en 2020. Soutenue par le BIC de Montpellier, l'incubateur ESA-BIC de l'Agence Spatiale Européenne, les pôles de compétitivité Pôle Mer Méditerranée et Aqua Valley et l'accélérateur Galatea (économie bleue), Water Robotics a participé au projet collaboratif européen Coral (COnsortium for smaRt mArine soLutions) avec deux entreprises espagnole et polonaise. L'objectif du projet était de numériser la gestion des données pour les ports petits et moyens en leur permettant de s'adapter au numérique, d'optimiser la gestion des navires et de devenir plus respectueux de l'environnement.

« Nous avons travaillé avec la marina de Carnon (Hérault, NDLR) et notre partie était de développer un drone-bateau pour faire de la mesure de qualité d'eau et de la profondeur, et des bouées de détection d'anomalies comme source de pollution, résume Julien Doutre. Nous avons mis en place un accord avec NauticSpot (spécialisée dans l'IoT pour l'optimisation de la gestion des ports, NDLR) : nous complétons leurs bouées en monitoring de qualité de l'eau. Maintenant, nous testons l'idée de distribution commerciale. »

Water Robotics a également pris part au projet Traqpoll pour quantifier et surveiller la pollution de l'air et de l'eau d'un site naturel lagunaire, au projet Surfreef (Solution bio-inspirée multi-Usages de Résilience Face au Risque d'Erosion côtière et de dégradation Ecologique des petits Fonds côtiers), ainsi qu'au projet Data Nostrum pour la production de cartes bathymétriques sur l'ensemble du littoral d'Occitanie.

Bientôt un premier drone sous-marin

« La question du changement climatique est aujourd'hui majeure, avec ses conséquences en termes d'inondation, de sécheresse, de problématiques de ressource en eau, de submersion marine, d'érosion du trait de côte, et nos solutions, comme notre système Water-scan qui arrive à maturité, prennent tout leur sens, souligne Julien Doutre. Par exemple, l'augmentation des températures entraîne simultanément un accroissement des besoins de la biomasse en O2 dissous (oxygène moléculaire, NDLR) et une baisse de la solubilité de ce gaz dans l'eau. Dans l'eau salée, c'est pire encore. Water Robotics développe des solutions de monitoring et de "météo de l'oxygène", avec des prévisions à J+1, J+2 et J+3 des concentrations en O2. »

Le dirigeant ajoute que « Water Scan a intégré début juillet une API Copernicus (programme d'observation de la Terre de l'Union européenne, NDLR) qui va nous permettre de mettre à la disposition de nos clients des données personnalisées et low-cost car bénéficiant de la richesse de cet observatoire. Il sera possible d'ajouter à cette base des stations-bouées instrumentées ainsi que des algorithmes de détection d'anomalie et des systèmes prédictifs ».

Outre ses drones-bateaux, Water Robotics travaille au déploiement de son premier drone sous-marin, qui pourra descendre à 100 mètres de profondeur : « Ce drone sous-marin nous permettra de travailler aussi en géo-acoustique et d'améliorer l'appréhension de la vélocité du son dans l'eau pour une meilleure précision de la mesure bathymétrique des plans d'eau... Il servira pour des prestations de service en complément d'inspection d'ouvrages comme des digues ou pour tracer le profil thermique des lacs afin de prédire ce qui va se passer ».

Cécile Chaigneau

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