Biennale Euro-Africa : de jeunes entrepreneurs africains donnent la parole à l’Afrique qui agit

Dès l’organisation du sommet Afrique-France à Montpellier en 2021, l’entrepreneuriat avait été placé au coeur des relations vertueuses souhaitées entre les deux continents, l’Afrique et l’Europe. La biennale Euro-Africa de Montpellier, dont la première édition se terminera le 15 octobre, rend ces liens encore plus visibles. Notamment à travers l'initiative du Campus des jeunes entrepreneurs africains, réunissant les pépites de l’innovation panafricaine.
Les jeunes entrepreneuses et entrepreneurs se sont succédés sur la scène de la salle Rabelais, ce mercredi 11 octobre, dans le cadre de la soirée pitch du campus des jeunes entrepreneurs africains, une initative-phare de cette première biennale Euro-Africa de Montpellier.
Les jeunes entrepreneuses et entrepreneurs se sont succédés sur la scène de la salle Rabelais, ce mercredi 11 octobre, dans le cadre de la soirée pitch du campus des jeunes entrepreneurs africains, une initative-phare de cette première biennale Euro-Africa de Montpellier. (Crédits : Montpellier Méditerranée Métropole)

Deux ans après le sommet Afrique-France, Montpellier n'a pas perdu le fil de son enthousiasme panafricain. Au contraire. Preuve en est cette biennale Euro-Africa qui irrigue la ville sous diverses formes, que ce soit la culture, la science ou l'entrepreneuriat. Depuis ce début octobre, cinquante-six entrepreneurs africains ont été accueillis à Montpellier, en lien avec l'Institut français, le Digital Challenge de l'Agence française de développement (AFD) ou encore un événement économique mis en place par l'association des Sénégalais de l'Hérault.

Avec une initiative-phare d'envergure pour la deuxième année consécutive : le Campus des jeunes entrepreneurs africains. En 2022, neuf jeunes entrepreneurs âgés de 25 à 40 ans étaient déjà venus faire un court séjour à Montpellier à l'invitation de la Métropole de Montpellier et de la fondation Prospective et innovation, un think-tank parisien présidé par Jean-Pierre Raffarin. Cette année, de nouveaux partenariats ont été mis en place avec le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et Agropolis International, mais aussi avec le GIZ, l'agence allemande de coopération internationale pour le développement.

Treize entrepreneurs et cinq représentants de structures d'incubation et d'accompagnement africaines ont ainsi sillonné Montpellier pendant près de deux semaines. Au programme : la découverte de l'écosystème économique et scientifique local et une mise en relation avec de potentiels investisseurs.

Campus des jeunes entrepreneurs africains 2023

Mercredi 11 octobre 2023, en matinée, les membres du Campus des jeunes entrepreneurs africains ont également pitché leur projets devant de potentiels investisseurs ainsi qu'Elisabeth Moreno, ancienne ministre déléguée à l'Égalité.

L'entrepreneuriat africain engagé

L'objectif de ce Campus des jeunes entrepreneurs africains : soutenir les entrepreneurs prometteurs proposant des projets innovants et à impact en Afrique. Ces cheffes et chefs d'entreprise en pleine croissance viennent de cinq pays différents : le Togo, la Mauritanie, le Sénégal, le Bénin et la Côte d'Ivoire.

« Il faut changer le regard en France sur l'entrepreneuriat africain, affirme Emmanuelle Pérès, directrice générale de la fondation Prospective et innovation en préambule de la soirée des pitchs le 11 octobre. Notre mission est de vous accompagner et de vous aider à révéler votre potentiel : c'est la meilleure reconnaissance que l'on puisse vous témoigner afin de développer votre projet en Afrique. Nous comptons sur vous pour créer cette communauté très riche des entrepreneurs africains qui font l'Afrique de demain mais aussi celle d'aujourd'hui. »

Durant près de trois heures, les jeunes entrepreneurs se succèdent sur la scène, prenant la parole avec une énergie très vite communicative. Thème choisi : "l'Afrique agit". Et en effet, l'Afrique cherche des solutions et innove, avec peu de moyens et une bonne dose de résilience. Ces projets, très différents les uns des autres, portent chacun un indéniable engagement sociétal, tourné vers le mieux vivre (santé, cadre de vie), l'économie locale et solidaire, l'impact environnemental positif, le tout à la hauteur des défis auxquels fait face le continent africain.

Parmi eux, la maison de thé sénagalaise Contanna qui commercialise pour la première fois des plantes d'Afrique de l'Ouest, la plateforme digitale e-pineA qui permet de valoriser la filière ananas au Bénin, le studio d'animation Kä qui réussit à valoriser la diversité de la culture africaine à travers le monde, la société AGIP BTP gérant un réseau de latrines publiques et de ramassage de déchets à Lomé, ou le réseau de professionnels de santé MEDOM-BENIN... Mais aussi des projets de méthanisation, de culture en aquaponie, d'agroforesterie pour sauver le baobab, etc.

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Valoriser les liens existants entre l'Afrique et Montpellier

Dans plusieurs cas, des liens existent déjà avec Montpellier, notamment avec son écosystème de recherche. C'est le cas des deux jeunes entrepreneurs Latifa Diedhiou et Ismaïl Sylla.

Âgée de 27 ans, Latifa Diedhiou a co-fondé l'entreprise Nutrivie avec sa mère il y a quatre ans. Un projet né d'une visite en Casamance, région natale de la jeune sénégalaise et lieu central de la production de noix de cajou : « Nous nous sommes rendus compte que les producteurs d'anacarde perdaient des millions de tonnes de pommes de cajou, au Sénégal et dans d'autres pays de l'Afrique de l'Ouest, explique-t-elle à La Tribune. Ce sont des pertes importantes au niveau des récoltes, mais aussi un manque à gagner pour les producteurs qui laissent un tiers de leur récolte pourrir au sol une fois les noix commercialisées ».

Valoriser ces pommes de cajou signifie aussi aider les producteurs de la filière anacarde à stabiliser leurs revenus rendus trop dépendants des importateurs. Avec l'appui du CIRAD et de l'école SupAgro, elle réussit le tour de force de mettre sur le marché de la viande végétale à base de pomme de cajou, dont la texture est très proche de la viande animale. En quatre ans, « plus de 4,5 millions de tonnes de pommes de cajou » sont ainsi utilisées, garantissant à une douzaine de producteurs avec lesquels Nutrivie collabore, mais aussi à des groupements de femmes, « 12.000 euros par producteur et par saison ». D'ici la fin de l'année, Latifa vise 49.000 euros de chiffre d'affaire.

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Des échanges fructueux à double-sens

Quant à Ismaïl Sylla, entrepreneur de 34 ans né en Mauritanie, il a mis à profit son parcours d'ingénieur en informatique électronique et son expérience dans l'aéronautique en France (dont Airbus et Safran) pour développer un projet innovant destiné à faire face aux grands défis de son pays natal.

« Bétaclic est une plateforme d'identification électronique, de suivi de la mobilité et de la santé du bétail, détaille Ismaïl Sylla. En Afrique, il n'existe pas d'infrastructure qui donne accès à de l'information - effectifs, nombre d'animaux, suivi sanitaire, gestion des déplacements de transhumance - et permette de faciliter la prise de décision et le pilotage. Il s'agissait aussi de mettre à disposition des données permettant aux éleveurs d'accéder au marché. En Mauritanie, nous avons un peu plus de 4 millions d'habitants pour près de 28 millions de ruminants : c'est quelque chose qu'il faut prendre très au sérieux ! »

Le jeune entrepreneur créé une startup en France en 2021, une autre en Mauritanie en 2022, lui permettant d'avoir un pied sur les deux continents. Il reçoit plusieurs prix en Mauritanie et au Niger où il teste sa solution informatique en conditions réelles. Son chiffre d'affaire est aujourd'hui de 60.000 euros. À Montpellier, il est en contact avec le milieu scientifique, dont le CIRAD : « L'élevage en France et en Afrique sont très différents mais ce que l'on propose intéresse beaucoup le milieu de la recherche ici en France. Nous sommes en quelque sorte un trait union entre la recherche et la valorisation des recherches en application concrète sur le terrain.»

Ces deux parcours entrepreneuriaux mettent en lumière l'intérêt à double-sens de cette initiative montpelliéraine de Campus des jeunes entrepreneurs africain en termes de mutualisation des compétences. Ainsi, lors de son séjour, Latifa Diedhiou a-t-elle réalisé que la viande végétale de Nutrivie « a sa place sur le marché français » et songe désormais à s'implanter à Montpellier pour conquérir le marché européen tout en bénéficiant d'un appui technique renforcé du CIRAD et de SupAgro. Quant à Ismaïl Sylla, il a enchaîné les rendez-vous et repart avec des projets plein la tête.

« Le voyage a été vraiment très fructueux, on nous a mis en contact avec de potentiels partenaires industriels tout en nous faisant découvrir l'écosystème d'accompagnement des entreprises. Il est important de ne pas rester dans sa zone de confort et d'affirmer son identité d'entrepreneur africain. Ce que vous avons vécu pendant ces deux semaines, c'est un échange dans les deux sens, d'égal à égal. »

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