Après une année quelque peu euphorique en 2022, la dynamique des levées de fonds est retombée en 2023. Et le troisième trimestre confirme la tendance des deux premiers : selon Patricia Braun, la présidente de In Extenso qui commente le baromètre des levées de fonds établi par son cabinet, « les levées de fonds demeurent plus complexes et longues à réaliser en raison du contexte de hausse des taux et donc d'une recherche de profitabilité de la part des financeurs. Bien que le financement de l'amorçage en France reste dynamique (+29%), la conjoncture est néanmoins difficile pour beaucoup de startups, rendant nécessaire de maintenir voire d'amplifier les dispositifs de soutien public à l'innovation ».

Ainsi, au cours des neuf premiers mois de 2023, les montants levés ont reculé de -41% en France et -36% en Europe (avec respectivement 6,8 milliards d'euros et 39,5 milliards d'euros récoltés par la Tech française et européenne) par rapport aux montants enregistrés sur la même période en 2022. Le flux d'opérations progresse légèrement de +7% en France (714 deals réalisés) et +11% en Europe sur la période (4.993 deals en Europe). Toutefois, au cours du troisième trimestre, la contraction s'est un peu atténuée (2,3 milliards d'euros levés, en recul de seulement -10% par rapport au T3 2022), principalement du fait de l'opération Verkor de 850 millions d'euros.

Recherche de rentabilité

Depuis le début de l'année, les levées de fonds sont marquées par une crise du financement résultant d'un fort recul des méga levées, mais aussi par une ré-allocation des fonds vers l'amorçage, les technologies de rupture (deeptech) et quelques secteurs stratégiques comme les cleantech (l'énergie notamment) et la santé.

C'est probablement en ça que la région Occitanie s'est démarquée avec 28 opérations de levées de fonds (6,6 millions d'euros de ticket moyen, en baisse de 21%), soit une augmentation de +27%, pour un total levé qui reste stable de 185 millions d'euros (+1%).

« On a observé une baisse de valorisation de sociétés cotées dans le SaaS ou les marketplaces - elles étaient valorisées à plus de 20 ou 25 fois le revenu récurrent annuel et sont tombées à 5 ou 6 fois le revenu récurrent annuel - donc de nombreux d'acteurs qui avaient investi en haut de cycle ont pris des pertes importantes et sont sortis du marché, décrypte Rodolphe Lilamand, directeur chez In Extenso Innovation Croissance. Sur le late-stage, il y a aujourd'hui moins d'investisseurs, ils deviennent plus sélectifs et cherchent la rentabilité... Raison pour laquelle les projets qui ont du mal à afficher une rentabilité à court terme vont avoir du mal à se financer, à l'exception de projets autour de sujets "hype" comme l'IA, les cleantech et les deeptech. Les projets deeptech ont besoin d'être adossés à des équipes de recherche ou des laboratoires dont le maillage régional est mieux réparti, et l'Occitanie tire son épingle du jeu avec le financement de beaux projets deeptech ou cleantech. »

Cleantech et deeptech : le vent en poupe

Les domaines de l'énergie, des transports et du software permettent en effet à l'Occitanie de préserver une certaine dynamique au cours des neuf premiers mois de l'année. Comme sur le plan national, ce sont les levées d'amorçage (inférieures à 1 million d'euros), multipliées par six, qui ont tiré la dynamique régionale. Selon le baromètre In Extenso, « les cleantech et les deeptech tirent leur épingle du jeu avec respectivement une augmentation multipliée par 3 et multipliée par 2 des montants levés ».

C'est ainsi notamment que la startup toulousaine Ascendance Flight Technologies (système de propulsion hybride en faveur de la décarbonation du transport aérien) a levé 21 millions d'euros en mars, la startup également toulousaine EyeLights (pare-brise à réalité augmentée et affichage à tête haute) 20 millions d'euros en avril, le groupe montpelliérain Médiprix 16 millions d'euros en juillet pour booster son projet digital, FHE Group à Perpignan (solutions dédiées au confort thermique, énergétique et photovoltaïque pour le logement) 15 millions d'euros en septembre, et la biotech toulousaine Pili (qui ambitionne de décarboner l'industrie du textile) 14,5 millions d'euros en mars.

Parmi les principales levées de fonds du troisième trimestre, In Extenso relève Bonx (Toulouse) qui réalise un premier tour de 500.000 euros pour le développement de son logiciel ERP personnalisable grâce au « no-code », Abelio (Toulouse) qui lève 2 millions d'euros pour son SaaS d'aide à la gestion des cultures (avec le soutien de fonds régionaux), Aviwel (solutions naturelles et durables pour améliorer la 
croissance des animaux d'élevage)  à Toulouse qui réalise un tour d'amorçage de 4.5 millions d'euros, ou la startup toulousaine Reev qui lève 1.5 million d'euros pour l'industrialisation de sa genouillère robotisée pour pallier les séquelles des AVC.

Haute-Garonne et Hérault, locomotives

Au final, sur les neuf mois, la région Occitanie se classe en 5e position en termes de montants levés et nombre d'opérations, derrière l'Ile-de-France (1e position), Auvergne-Rhône-Alpes (tirée vers le haut par la levée de Verkor), Paca et Nouvvelle-Aquitaine (ces deux dernières alternant la 4e et la 5e place selon si on parle des montants levés ou du nombre d'opérations). Mais In Extenso qualifie l'Occitanie de « région la plus dynamique de France en termes de montants levés et de nombre d'opérations ».

Les montants levés à destination de Deeptech ont été multipliés par deux, le financement des cleantech par trois, et le financement de l'amorçage par six. Des investisseurs régionaux se sont fortement mobilisés dans les tours de table comme IRDI, MCapital, Aris, Nord Midi Pyrénées Développement ou Ocseed.

Sur ces neuf mois, le marché des levées de fonds a, sans surprise, été tiré par les départements de la Haute-Garonne (13 deals pour 99 millions d'euros levés) et de l'Hérault (11 deals pour 53 millions d'euros levés).

En conclusion, le baromètre d'In Extenso souligne que « les dispositifs de soutien à l'investissement déployés par les pouvoirs publics s'avéreront néanmoins déterminants pour aider les startups, dans les prochains mois, à traverser cette conjoncture dégradée ».

« La pression est mise par les investisseurs pour atteindre la rentabilité, et les acteurs qui ont un PGE à rembourser ou un montant de dettes importants sont en train de s'arrêter donc on observe une hausse de la sinistralité des startups et PME pour revenir au niveau historique, ajoute Rodolphe Lilamand. Il est donc conseillé de mettre en place des procédures préventives pour anticiper tout problème de trésorerie et repartir sur le chemin d'une rentabilité possible. »

Cécile Chaigneau

26 Oct 2023, 18:05

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