La médiation équine comme outil thérapeutique gagne du terrain en Occitanie

Bien qu’il n’existe en France que peu de données scientifiques sur ses vertus, la médiation équine est en plein essor. Dans le Gard, la startup Eiqus innove dans la santé mentale et vient de faire breveter un protocole pour détecter les syndromes post-traumatiques, dédié à plusieurs publics (collèges, Ehpad, forces de l’ordre, entreprises,…). En Lozère, la société Equiphoria, spécialisée dans l’hippothérapie, avance sur son protocole de recherche dédié aux patients victimes d’un AVC.
La startup gradoise Eiqus a breveté un protocole basé sur l'équithérapie afin de détecter les syndromes post-traumatiques.
La startup gradoise Eiqus a breveté un protocole basé sur l'équithérapie afin de détecter les syndromes post-traumatiques. (Crédits : Eiqus)

Depuis les années 1970, la médiation équine connaît un réel succès, la France ayant, avec les Etats-Unis, le meilleur niveau de reconnaissance international. Même si les pratiques sont encore peu documentées en données scientifiques, les différentes approches thérapeutiques suscitent de plus en plus l'intérêt des professionnels des secteurs médical, paramédical et social.

Handicap mental, physique, pathologique (autisme, troubles de l'attention), psychologique (burn-out, dépression), phobie scolaire, difficultés relationnelles ou sociales : la diversité des pratiques de médiation équine (hippothérapie, équithérapie, équicie...) est large, tout comme le spectre des potentiels bénéficiaires.

Capteurs de variations cardiaques

A Beauvoisin (Gard), la startup Eiqus, créée en 2019 et incubée au BIC, s'intéresse particulièrement aux syndromes post-traumatiques de ses patients. Psychologue de formation, sa fondatrice Nadège Gajic, originaire de Bosnie, a participé à des convois humanitaires pendant la guerre de l'ex-Yougoslavie, avant de rejoindre l'association  Les Sentinelles de la Nation qui accompagne les victimes d'attentats et vétérans, et Humanitas qui œuvre pour la réinsertion sociale.

« Une grande partie des victimes de guerre développe un symptôme post-traumatique et dans mon métier de DRH à la Poste, j'ai accompagné un nombre grandissant de personnes victimes de la souffrance au travail, raconte-t-elle. C'est en côtoyant le monde associatif et des éleveurs de chevaux qu'est venue l'idée de travailler sur un protocole scientifique basé sur l'interaction homme-animal et qui, plutôt que de centrer la réflexion uniquement sur la souffrance, permet de travailler sur des solutions pour retrouver capacité d'agir et autonomie. »

Après deux ans de recherche, le protocole, animé par une équipe de médecins, cliniciens et psychologues, a été breveté. Basé sur l'équithérapie (soin psychocorporel centré sur un axe psychique) et sur une méthodologie précise - deux chevaux rigoureusement sélectionnés, un médiateur équin en contact avec le cheval et un expert Eiqus qui évalue la session via l'application - le protocole prévoit une série d'exercices au cours desquels la personne évaluée et le cheval sont équipés de capteurs mesurant la progression de la fréquence cardiaque. Une mise en situation réelle censée développer le quotient émotionnel et la parole. Après l'évaluation, un rapport détaillé est remis au médecin traitant et au psychologue clinicien.

Suivi de collégiens

De Pôle Emploi à Royal Canin, plus de 350 personnes ont déjà été accompagnées. Dans le cadre du projet national «  Climat scolaire et bien-être », le collège Victor Hugo de Sète vient de signer un contrat avec Eiqus : 48 élèves seront au contact des chevaux pendant trois ans, une expérience suivie de près par l'Académie de Montpellier.

Convaincu des bienfaits de son protocole, la startup gardoise, parrainée par Thierry Lhermitte, veut aller encore plus loin.

« Nous souhaitons maintenant valider l'impact de la médiation équine sur le long terme, explique Nadège Gajic. Nous lançons une étude clinique d'un an et avons choisi un Ehpad, un collège et l'Institut du cancer à Montpellier. Notre objectif est de rentrer dans le programme d'innovation en santé de la Sécurité Sociale pour obtenir, à terme, le remboursement systématique du dépistage pour nos patients. »

Pour gagner en efficacité et répondre aux enjeux de demain, Eiqus s'engage sur le terrain de la réalité virtualité. Son protocole a été numérisé et son POC présenté à VivaTech à Paris et Futurapolis Santé à Montpellier.

Travaillant avec une douzaine de partenaires, dont deux éleveurs, la startup (trois collaborateurs) projette de recruter, dans les deux ans, six personnes.

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Protocole AVC élargi

De son côté, le centre lozérien Equiphoria, créé en 2012, poursuit ses recherches autour de l'hippothérapie, pratique visant à promouvoir la récupération motrice chez les patients atteints de troubles neurologiques en utilisant les stimulations physiques, psychiques, émotionnelles induites par le cheval. Le centre reçoit en moyenne, chaque année, 200 à 250 patients atteints de paralysie cérébrale, troubles autistiques, traumas crâniens, cancers, douleurs chroniques, scléroses en plaque, parkinson...

Sous l'impulsion de sa fondatrice, Hélène Viruega, Equiphoria s'est doté d'un laboratoire en neurosciences et a formalisé, en 2020, un protocole de recherche sur 52 patients victimes d'AVC.

« Nous avons pris du retard sur le recrutement des patients, mais la bonne nouvelle, c'est que nous passons en étude multicentrique avec le service de neurologie du CHSF Corbeil-Essonnes, le centre hospitalier de Béziers et deux autres hôpitaux », indique la dirigeante lozérienne.

Le protocole est prévu sur 22 semaines et l'essai clinique devrait être terminé d'ici un an. L'essai est financé en partie par le laboratoire pharmaceutique allemand Boehringer Ingelheim, validé par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSM) et un comité éthique. Estimé à 500.000 euros pour trois ans, le projet a reçu récemment une subvention de 75.000 dollars de la part de la fondation américaine Horses&Human Research Foundation.

En parallèle, le centre prépare l'ouverture d'une école dédiée aux professionnels de la santé, l'Académie Equiphoria, dont les cours seront dispensés en trois langues.

« Il y a peu de choses proposées en réadaptation neurologique, constate Manuel Gaviria, médecin de réadaptation, docteur en neurosciences et directeur scientifique d'Equiphoria. L'Académie sera un outil pour aider les praticiens dans la prise en charge de leurs patients mais aussi les accompagner dans leur montée en compétence sur la pratique de l'hippothérapie. »

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