Après son rachat par Innoval, « ITK reste une entreprise de l’intelligence artificielle appliquée à toute l’agriculture » (Yann Lecointre)

INTERVIEW – L’entreprise montpelliéraine ITK, spécialisée dans les solutions de modélisation agronomique et d'intelligence artificielle pour le monde agricole, vient d’être rachetée par le groupe coopératif Innoval, spécialisé dans les services en amont pour les éleveurs. Pour quoi faire ? Réponse avec Yann Lecointre, le directeur général du groupe Innoval.
Cécile Chaigneau
Yann Lecointre, directeur général du groupe coopératif Innoval.
Yann Lecointre, directeur général du groupe coopératif Innoval. (Crédits : DR)

Le 31 octobre, Innoval, groupe coopératif des services en amont de l'élevage basé en Bretagne (Rennes), annonçait qu'il devenait l'actionnaire majoritaire de l'agritech montpelliéraine ITK, spécialisée dans les solutions de modélisation agronomique et d'intelligence artificielle. Une opération qui actait le désengagement capitalistique de la société d'investissement Starquest Capital, son actionnaire historique, et du groupe EDF qui était monté au capital en décembre 2021. Une opération qui acte aussi le pas de côté du fondateur et jusqu'alors président d'ITK, Eric Jallas, qui devrait rester un an pour assurer la transition.

Alors que le groupe coopératif n'avait pas encore donné suite à la sollicitation de La Tribune le 31 octobre, Yann Lecointre, le directeur général d'Innoval, s'explique sur les ambitions de son groupe suite au rachat d'ITK.

LA TRIBUNE - Pouvez-vous retracer brièvement l'histoire d'Innoval ?

Yann LECOINTRE, directeur général d'Innoval - Innoval est un groupe coopératif des services en amont de l'élevage, qui associe quatre métiers dans l'accompagnement des éleveurs : la génétique, les prestations de service aux élevages, la collecte et valorisation des données d'élevage, le conseil opérationnel et stratégique aux éleveurs. Le siège social est à Rennes mais nous comptons 30.000 adhérents dans 27 départements du grand ouest de la France, dont 22.000 éleveurs bovins. Innoval compte maintenant 1.920 salariés avec l'intégration d'ITK : 1.500 sont au service des éleveurs et les 300 autres dans les outils de production de semences et au siège social... Innoval est le fruit de la fusion de 25 entreprises historiques en une vingtaine d'années, d'abord la fusion d'entreprises par métiers puis entre elles pour former Innoval. La création d'Innoval répond à deux ressorts. Le premier, c'est un problème de reconnaissance sociétale : l'élevage décroît en France car le métier est peu attractif, peu rémunéré, contraignant et décrié par tous ceux qui disent qu'il faut arrêter de manger de la viande et par tous ceux qui dénoncent l'élevage comme source de pollution. Innoval a donc la volonté de recréer de l'attractivité. Le deuxième ressort, c'est que l'on perd 4 à 5% d'éleveurs par an, ce qui représente donc des animaux en moins et un marché qui diminue. Nous souhaitons donc aller vers une restructuration pour une meilleure maîtrise de nos coûts.

Comment le rachat d'ITK s'inscrit-il dans votre stratégie ?

Cette acquisition s'inscrit dans notre axe innovation. Nous avons lancé le projet Innoval 2.0 avec l'idée d'avoir, avec l'accord de l'éleveur, toutes les données d'un élevage sur une seule base de données, au bénéfice de l'éleveur. L'objectif est de faire mieux parler les données dans tous nos métiers mais aussi d'en collecter d'autres. En août 2021, le conseil d'administration d'Innoval a donc validé un projet d'investissement important pour créer un réseau de fermes-pilotes équipées de tous les matériels de collecte de données possibles, dont la solution de Medria (qui avait été rachetée par ITK en 2016 à la barre du tribunal de Rennes, NDLR) avec l'ambition de passer d'un conseil curatif auprès des éleveurs à un conseil préventif. Or ces données peuvent être enrichies avec des éléments de géographie, de météo, etc., ce que fait ITK. Par ailleurs, il fallait stocker ces données et les faire parler. Nous avons rencontré Eric Jallas au salon de l'élevage professionnel EuroTier à Hanovre, qui nous a proposé de reprendre ITK.

Eric Jallas, le fondateur et dirigeant d'ITK jusqu'au rachat, se dit d'ores et déjà « débarqué » - mais « sans amertume », assure-t-il - même s'il a encore 25% des parts d'ITK et va poursuivre durant un an une mission de transition avec Innoval...

Non, Eric Jallas n'est pas « débarqué » puisque c'est lui qui a voulu assurer la transmission de son entreprise en faisant en sorte qu'elle reste en France, ce qui est tout à son honneur. Nous avons immédiatement été d'accord pour mettre en place un contrat pour assurer la transition. Mais il est vrai qu'il n'est plus aux manettes opérationnelles d'ITK. Nous avons créé une entité, Innoval Développement, qui porte toutes nos filiales, et qui est dirigée par Stéphane Jeuland. Ce dernier se retrouve donc président d'ITK et nous venons de recruter un directeur général, Henry Bruneau, qui est déjà en place chez ITK. Par ailleurs, nous conservons les salariés d'ITK et nous n'avons aucune intention de déménager l'entreprise qui évolue dans un écosystème dont on ne peut expurger le Cirad (Eric Jallas est à l'origine chercheur au Cirad à Montpellier, comme d'autres salariés de l'entreprise, NDLR).

Quels ont été les résultats d'ITK en 2022 et quelle est votre stratégie pour faire grandir l'entreprise ?

ITK a réalisé un chiffre d'affaires 2022 de 6,7 millions d'euros et emploie aujourd'hui 80 salariés. Notre ambition est bien sûr de développer encore plus l'activité « animal » mais aussi de poursuivre sur tout le reste et faire en sorte qu'ITK reste une entreprise de l'intelligence artificielle appliquée à toute l'agriculture... Sur son activité historique, les cultures pérennes et la vigne, la gestion des intrants et de l'irrigation, nous pensons que ses prestations peuvent être encore mieux distribuées et nous apporterons des moyens commerciaux. Sur les grandes cultures, ITK dispose d'un savoir-faire qui est aujourd'hui réservé à Land'O'Lakes (grande coopérative laitière des Etats-Unis, également actionnaire d'ITK - ndlr) et que nous voulons déployer dans le reste du monde. Sur la décarbonation, une activité qui en est à ses débuts, le premier produit d'ITK, Quantik, est commercialisé auprès d'un utilisateur, mais il faut maintenant continuer. Enfin, l'exploitation des données peut encore être améliorée et notamment être connecté au logiciel de management de troupeaux Icownect, conçu par Icowsoft dont Innoval est actionnaire... Nous n'avons pas de plan d'investissement spécifiquement défini pour ITK mais pour Innoval 2.0, qui devient Innoval 4.0 et dont bénéficiera ITK. Nous ambitionnons de doubler son chiffre d'affaires d'ici trois ou quatre ans.

Cécile Chaigneau

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