A Montpellier, la ZFE taxée d’"écologie bourgeoise" par l’opposition

La création d’une zone à faibles émissions (ZFE) à Montpellier, destinée à écarter les véhicules les plus polluants afin de lutter contre la pollution de l’air, fait évidemment débat. Abordée lors du conseil métropolitain le 25 janvier, la question a suscité nombre de commentaires chez les élus, enthousiastes, inquiets ou critiques. Tour de micro.
Cécile Chaigneau
Julie Frêche, vice-présidente de la Métropole de Montpellier déléguée au Transport et aux Mobilités actives, a défendu ardemment la ZFE durant le conseil métropolitain du 25 janvier 2022.
Julie Frêche, vice-présidente de la Métropole de Montpellier déléguée au Transport et aux Mobilités actives, a défendu ardemment la ZFE durant le conseil métropolitain du 25 janvier 2022. (Crédits : DR)

« Zone de forte exclusion ». « Zone à faible expression ». « Écologie bourgeoise ». L'opposition, et en particulier le groupe #NousSommes, ne manque pas de mots pour qualifier l'initiative de la métropole de Montpellier en matière de zone à faibles émissions (ZFE)... Alors que la collectivité avait inscrit au conseil métropolitain du 25 janvier le lancement d'une concertation autour de sa feuille de route sur cette question, les élus ont donné de la voix.

Le 20 janvier, la Métropole de Montpellier présentait à la presse les contours de cette ZFE sur son territoire. Comme la loi l'y oblige, son déploiement interviendra à compter du 1e juillet 2022 mais de façon progressive, afin de donner de la visibilité aux habitants et au professionnels et ainsi de laisser le temps à chacun de s'adapter. La ZFE se mettra en place en deux temps sur le plan géographique (d'abord sur 11 communes dont Montpellier, puis sur les 31 de la métropole) et comprendra plusieurs étapes avec des restrictions qui iront crescendo jusqu'en juillet 2028, date à laquelle les véhicules diesel seront interdits du périmètre.

Dans les rangs du conseil métropolitain, il y avait ceux qui se félicitent du projet, ceux qui s'inquiètent et ceux qui critiquent le dimensionnement qui lui est donné ou la méthode...

Des applaudissements

Au chapitre des applaudissements, il y a d'abord ceux qui pratiquent l'approche santé. Charles Sultan, conseiller métropolitain mais également Professeur en endocrinologie pédiatrique, rappelle qu'il a depuis longtemps pointé les impacts néfastes de la pollution environnementale sur la santé.

« On donne le chiffre de 40.000 personnes tuées chaque année en France mais à la lumière des données récentes, ce chiffre est largement sous-estimé : la pollution atmosphérique est une soupe éminemment toxique, lance-t-il, alarmiste. On a pour habitude d'évaluer la conséquence de la pollution sur un organe-cible, le poumon, malheureusement le spectre d'impact de la pollution dépasse largement le poumon et touche le système cardiovasculaire, le système nerveux, les reins, les hormones et le métabolisme ou la fertilité. Et chez l'enfant, les chiffres sont catastrophiques ! L'exposition de courte durée à la pollution atmosphérique génère une augmentation de l'anxiété, de la dépression voire des troubles psychiatriques. La pollution atmosphérique est un vecteur considérable de pathologie chez le nouveau-né, chez l'enfant, chez l'adulte et chez le vieillard ! »

Même son de cloche chez Tasnime Akbaraly, 7e adjointe au maire déléguée à la petite enfance, conseillère métropolitaine et chercheuse à l'Inserm spécialisée sur les facteurs environnementaux et les maladies chroniques : « Aujourd'hui, en milieu urbain, neuf personnes sur dix sont exposées à des doses de particules fines supérieures aux valeurs imposées par l'OMS. Il faut évoquer l'impact médico-économique : les dépenses de santé associées à la pollution de l'air, c'est 100 milliards d'euros directs et indirects en France. Selon des données récentes, en réduisant de 36% le trafic automobile et le remplacement de chauffage à bois sur Grenoble, on obtient une diminution de 2/3 la mortalité imputable à la pollution de l'air sur métropole grenobloise. Ce sont des résultats édifiants ! ».

« Y en a marre de pousser la poussière sous le tapis, lance de son côté René Revol, maire (France Insoumise) de Grabels et vice-président de la Métropole délégué à la gestion de l'eau et de l'assainissement. Il faut prendre conscience du problème : nous sommes en retard en France, qui est sous la coupe du lobby pétrolier ! En Italie, 200 agglomérations ont déjà des ZFE. Et l'Espagne est aussi plus en avance que nous. Il faut une rupture du point de vue des mobilités sur ce territoire. La commune de Grabels n'était pas prévue sur la première mouture de la ZFE, et nous avons demandé à y entrer. »

Des inquiétudes

La plus grosse inquiétude formulée autour de la mise en place d'une ZFE porte, sans surprise, sur l'effort qui va peser sur les plus précaires qui n'auront pas les moyens de changer leur véhicule. Tous les regards se tournant majoritairement vers l'État...

« La loi s'impose à nous, nous ne voterons pas contre mais nous nous abstiendrons, déclare ainsi Clara Gimenez, vice-présidente (PC) de la Métropole déléguée à la politique de la Ville et à la cohésion sociale. Car cette loi s'attaque aux plus précaires qui mettent beaucoup d'argent dans l'entretien de leur véhicule pour pouvoir aller travailler. Il existe une injustice des vignettes Crit'Air qui ne retiennent que le type de véhicule et la date d'immatriculation mais pas la pollution réelle du véhicule. Cette loi fait peser sur les collectivités locales la responsabilité de la qualité de l'air et du réchauffement climatique alors qu'on a besoin d'une vraie politique nationale et certainement pas de créer une France à deux vitesses ! »

Le conseiller métropolitain Hervé Martin pose « en période de crise, la question du quoi qu'il en coûte » : « Selon le rapport Oxfam, les 236 millions d'euros que les milliardaires se sont mis dans la poche pendant la crise sanitaire représentent 3.500 euros par Français... Donc je demande à l'État de donner ces 3.500 euros aux plus personnes les plus en difficulté plutôt que les donner aux milliardaires ! Je demande que l'Etat de faire son boulot et de mettre des moyens pour ne pas pénaliser les plus pauvres ».

« Les gens n'utilisent leur voiture pour des extravagances, quand on vit à la campagne, on fait ses courses une fois par semaine, ajoute également Arnaud Moynier, maire de Beaulieu, une commune située en dernière couronne du périmètre métropolitain. Cette délibération arrive peut-être au pire moment de notre démocratie : on a connu la crise des gilets jaune qui relate une certaine fracture territoriale, et sur le volet économique, un transporteur routier - une PME donc - me soulignait récemment qu'investir sur un camion électrique coûte trois à quatre fois plus cher. Quelles solutions apporterons-nous à la métropole pour que l'économie continue de vivre ? »

Des critiques

Au chapitre des critiques, la palme est donc revenue au groupe d'opposition #NousSommes, déjà actifs dès le début de la semaine sur cette question de ZFE.

« Incapable de respecter les seuils de pollution, Montpellier se voit dans l'obligation de mettre en place la ZFE, a ainsi plaidé Alenka Doulain. A ce jeu-là qui gagne ? Les riches, qui pourront payer 70.000 euros une Porsche Cayenne de 2,3 tonnes consommant 20 litres au 100 mais qui aura la vignette Crit'Air 1 et pourra donc circuler partout. Qui perd ? Les plus modestes, repoussés loin du centre, sans alternative de transport autre que leur vieille Clio à 1.500 euros, qui consomme moins mais qui, avec la vignette Crit'Air 5, sera interdite de circulation dès le mois de juillet. C'est une écologie Porsche Cayenne, une écologie bourgeoise ! Comment fait-on pour que cette ZFE ne se transforme pas en zone d'exclusion ? »

L'élue proposait alors ce qu'elle appelle des amortisseurs sociaux : « des dérogations pour les travailleurs en horaires décalés, des aides conséquentes à la reconversion des véhicules, le développement massif de l'autopartage pour qu'il devienne attractif ». Tous rejetés malgré cinq votes "pour", l'élue déplorant « que la majorité s'enferme dans une écologie punitive » au détriment d'une « écologie populaire ».

« Vous dites vouloir un air respirable mais vous nous proposez toujours plus de voitures et d'embouteillages, une ZFE mais le maintien de grands projets routiers, tacle également Clothilde Ollier dans l'opposition. Plus de routes, c'est plus de voitures. Pourquoi soutenir ces nouvelles infrastructures routières ? Il faut fermer le robinet de la pollution ! »

Quant à Stéphanie Jannin, conseillère métropolitaine, elle aligne les questions : « La nécessité de la ZFE n'est pas discutable pas je suis réservée sur la méthode d'implication des citoyens et sur certains choix déjà faits sans prise en considération sincère des conditions de vie des habitants. Comment vont s'adapter les petites entreprises, les artisans, les habitants qui ne vivent pas en centre-ville, ne se déplacent pas à vélo ou ne pourront pas changer de véhicules ? Comment expliquer l'abandon du projet de bus à hydrogène ? Comment expliquer accroissement des embouteillages sur axes principaux mais aussi dans les quartiers où les automobilistes se reportent ? [...] A l'origine des trajets pendulaires, il y a la question du logement abordable qui reste une des grandes faiblesses de votre proposition : les ménages sont de plus en plus nombreux à s'éloigner, augmentant les distances domicile-travail. Vos choix creusent les inégalités sur le territoire et évoque une politique de gentrification qui ne dit pas son nom ».

« C'est à l'État de faire cet effort »

« L'air qu'on respire est notre ennemi invisible... Quand on est en responsabilité publique, il faut agir, et gouverner, c'est choisir, répond et martèle le président de la Métropole de Montpellier, Michaël Delafosse. Pour nous situer, sachez que le Grand Paris et la métropole de Grenoble vont interdire le diesel en 2024, celle du Grand Lyon en 2025. Nous proposons un scenario de transition Nous aurions pu le faire en juillet ou septembre mais nous perdions du temps pour accompagner cette transition... La PPI (programmation pluriannuelle d'investissements, NDLR) met 1 milliard d'euros sur les mobilités décarbonées. Ça génère des travaux et des bouchons mais l'inertie qui nous a précédé nous a fait prendre du retard... L'État français est condamné sur la qualité de l'air, il a fait voter une loi et nous la respectons. Mais nous demandons qu'il porte l'accompagnement social de cette transition. C'est à l'État de faire cet effort ! Je ne pense pas que la voiture va disparaître car je pense que la mobilité est une liberté. Mais en 2030, l'Europe ne produira plus un seul véhicule thermique ! Donc nous plaidons auprès de l'État pour que des dispositifs fiscaux permettent d'accompagner la ZFE. »

Cécile Chaigneau

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Commentaires 7
à écrit le 30/01/2022 à 17:49
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Regarder juste au niveau de l'horizon sans surtout vouloir s'élever est ce qui se fait en politique depuis des années ... résultats : crise des gilets jeunes, brutale et désespérée. La ZFE c'est encore de l'écologie de Bobo qui risque de déraper malh...

à écrit le 27/01/2022 à 19:20
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Encore une irresponsabilité d'élus qui se déplacent en véhicules avec gyrophares, pas d'alternatives. Les citoyens pris en otage de décisions arbitraires. Nous ne les voyons pas se déplacer en vélo. Je mets au défi d'interdire toute circulation dans ...

à écrit le 26/01/2022 à 18:48
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Les chemins de l'enfer sont peuples de bonnes intentions ! entre supprimer l'artificialisation , developper economiquement le pays , recevoir les migrants , nos idéologues bobos et petit bourgeois pratiquent l' onanisme intellectuel habituel . A un m...

à écrit le 26/01/2022 à 18:04
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Ben normal vu qu'il n'y a que les bourgeois qui ont droit à la parole.

à écrit le 26/01/2022 à 17:06
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Tout cela se base sur une gestion des conséquences qui génèrent des intérêts particuliers plutôt que de supprimer les causes qui embêtent le reste de la population!

à écrit le 26/01/2022 à 14:19
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En clair celui qui habite Aniane et travaille à Montpellier ne pourra plus aller au travail!!

à écrit le 26/01/2022 à 11:49
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Une ZFE, c'est surtout de la surenchère hygiéniste de responsables politiques qui ont peur de leur risque pénal : les "morts" avancés par les promoteurs de la ZFE ne sont que des calculs économétriques basés sur des hypothèses de travail, pas une ob...

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