Au MIPIM, Montpellier, Lunel et Frontignan défendent le concept de la ville du ¼ h… en train

Pour rééquilibrer le territoire et répartir la pression démographique qui pèse principalement sur Montpellier aujourd’hui, le maire et président de la métropole languedocienne a officialisé sa stratégie d’aménagement du territoire au MIPIM de Cannes, aux côtés des élus lunellois et frontignanais. Parce que Lunel et Frontignan sont à un quart d’heure de TER de Montpellier, les élus prônent une réflexion complémentariste et une coopération territoriale à trois voix, faisant fi des limites administratives et des anciennes compétitions entre communes voisines pour attirer habitants et activité économique. Explications.
Cécile Chaigneau
Le pôle d'échange multimodal de Lunel, inauguré en septembre 2020, voit passer plus d'un million de voyageurs par an.
Le pôle d'échange multimodal de Lunel, inauguré en septembre 2020, voit passer plus d'un million de voyageurs par an. (Crédits : DR)

A dix ou onze minutes de TER au sud-ouest de Montpellier, Frontignan et le front de mer. A dix ou onze minutes de TER au nord-est de Montpellier, Lunel. Deux villes moyennes de part et d'autres d'une métropole régionale, qui s'affrontent amicalement sur le Muscat mais qui affichent des enjeux similaires et des ambitions communes.

Si le concept de "la ville du quart" évoque habituellement la possibilité d'accéder à des commerces et services essentiels à une distance raisonnable de son domicile, les élus de Montpellier, Lunel et Frontignan l'étendent à la possibilité, pour les habitants d'une ville moyenne, de relier une métropole en 15 minutes... par le train.

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Depuis son élection en 2020, le maire de Montpellier et président de la métropole de Montpellier, Michaël Delafosse, défend l'idée d'une coopération avec les collectivités voisines, qui permettrait un rééquilibrage du territoire. Car il ne répète : la métropole de Montpellier ne peut pas à elle seule supporter la croissance démographique, forte et régulière, qui voit débarquer chaque année sur son périmètre plus de 6.000 nouveaux habitants. Alors l'élu prône de regarder vers les villes moyennes alentours.

S'il a souvent donné l'exemple de la ville héraultaise de Lodève, c'est sur les villes de Lunel et Frontignan que se concrétise en premier lieu cette coopération territoriale élargie. Le 17 mars, au Marché international des professionnels de l'immobilier (MIPIM) à Cannes, les trois élus héraultais ont officialisé une démarche qui fait fi des frontières administratives et des anciennes compétitions entre communes voisines pour attirer le plus d'habitants et d'activité économique possible.

« Une splendide ignorance et un voisinage courtois »

« Trois villes et une communauté de destin au bord de la Méditerranée... Montpellier, Lunel et Frontignan forment le nouveau triangle d'or sur le Golfe du Lion, proclame Michaël Delafosse. Nous avons des ambitions communes. Ce territoire est structuré par une ligne de chemin de fer, et en TER, Lunel et Frontignan sont à moins d'un quart d'heure de Montpellier. Or ce territoire est confronté à un défi colossal : la croissance démographique, et nous avons la responsabilité de la répartir. »

Alors les élus annoncent vouloir raisonner, travailler ensemble, jouer les complémentarités et adapter leurs politiques publiques en termes d'aménagement du territoire à l'échelle de ce bassin de vie traversé par une voie ferrée couturante.

Michaël Delafosse veut en terminer avec la course au plus fort qui s'est longtemps jouée entre les collectivités territoriales : « L'agence de développement économique que nous sommes en train de créer à Montpellier doit permettre de relever ce défi : orienter des acteurs économiques qui veulent venir s'installer vers nos voisins. Ici, des opportunités se jouent et nous ne voulons pas juste être des vendeurs de m2 ! Jusqu'à présent, on était dans une splendide ignorance des projets des autres collectivités, dans un voisinage courtois. Je ne veux pas laisser passer les trains. Et les administrés ne supportent plus les positions de Ponce Pilate. Et avec cette démarche, on envoie aux acteurs extérieurs des signaux d'un territoire simplifié, fluide ».

Pourquoi ce "triangle d'or" ne va-t-il pas jusqu'à Sète, pourtant elle aussi à guère plus de 16 ou 17 minutes en TER ? Michaël Delafosse se contente de dire que la porte  n'est pas fermée...

Lunel : nouveaux résidents, nouveaux investisseurs

Il y a un peu plus d'un an, en janvier 2021, la nouvelle équipe municipale lunelloise, emmenée par Pierre Soujol, avait présenté son projet de reconquête du centre-ville historique de Lunel, paupérisé. Baptisé "MétamorphOse", le projet mobilise 53 millions d'euros sur dix ans pour réhabiliter l'habitat, changer durablement l'image dégradée de la ville et booster son attractivité. Il s'est accompagné d'un plan de communication décalé : "Réouverture des maisons closes : Lunel OSE"... Et le maire d'expliquer l'acronyme OSE, pour "ouvrir sur l'extérieur".

Au programme : 350 logements à réhabiliter, aides aux travaux dans 111 immeubles, rénovation et restructuration de 14 cellules commerciales. Aujourd'hui, Pierre Poujol affirme que « cet état d'esprit commence à porter ses fruits : Lunel accueille désormais de nouveaux résidents travaillant sur les agglomérations voisines et séduit de nouveaux investisseurs générant des emplois nouveaux ».

« Surtout pas de repli sur soi, sinon on risque de disparaître ! », souligne Stéphane Dalle, premier adjoint à la Ville de Lunel, dans les allées du MIPIM.

De fait, les projets se déploient. Ainsi, le promoteur immobilier montpelliérain Helenis va-t-il construire quelque 190 logements sur les friches ferroviaires, près de la gare. Un projet baptisé La Manufacture dont la livraison est prévue au 2e semestre 2024.

« Nous avons saisi l'opportunité de développer nos friches ferroviaires en cœur de ville et il reste encore un potentiel de 1,8 ha pour faire du logement et du tertiaire par exemple, indique Véronique Michel, adjointe déléguée à la stratégie urbaine à la Ville de Lunel, qui précise que des discussions sont en cours avec SNCF Immobilier. Aujourd'hui, l'image de Lunel a changé et tous les promoteurs immobiliers s'intéressent à Lunel ! »

L'un des atouts-maîtres de la ville, c'est son pôle d'échange multimodal (PEM), inauguré en septembre 2020 sur ces mêmes friches : deux parkings (150 et 350 places, et 100 places pour deux-roues), 70 dessertes quotidiennes de TER, six quais de bus et des trains tous les quarts d'heure aux heures de pointe pour Nîmes et Montpellier. Au total, plus d'un million de voyageurs par an.

Frontignan : pas de ville-dortoir

A Frontignan, pas encore de PEM, mais Michel Arrouy, le maire, assure que le projet est en cours de négociation, « car aujourd'hui, la gare ne remplit pas pleinement son rôle ».

« Le PEM sera plutôt à vocation économique quand il est à proximité d'un zone de logements à Lunel, souligne-t-il lors du MIPIM. Le PEM signifiera le déplacement de la gare sur l'emprise des 11 ha de friche industrielle dont nous disposons. C'est un projet qui nécessitera un budget 20 millions d'euros environ, dont la répartition n'est pas encore fixée. Nous y travaillons dans le cadre d'un comité de pilotage avec la SNCF, la Région Occitanie ou l'Etat... La gare est une locomotive essentielle à notre développement. »

Cette friche de 11 ha, c'est l'avenir économique de Frontignan, ville au passé industriel, qui a connu un fort déclin mais conserve cette culture avec, encore aujourd'hui, un site stratégique de réserve de pétrole et l'extension du port de Sète qui se fait sur son emprise communale. Après une procédure de 25 années, le devenir de ces 11 ha s'éclaircit : Esso va démarrer, en septembre prochain, son entreprise de dépollution de l'ancienne raffinerie Mobil, fermée en 1986 et qui a laissé un sol imbibé d'hydrocarbures. Soit un investissement de quelque 60 millions d'euros pour une durée de près de quatre ans.

« Notre objectif est de reconvertir cette friche industrielle pour y créer une véritable zone d'activités économiques tournées vers la transition écologique, indique Michel Arrouy. En juin, nous inaugurerons le plus grand parc urbain photovoltaïque du Languedoc-Roussillon (développé par Reden Solar, NDLR), qui produira de l'électricité pour 8.000 habitants, et nous avons déjà accueilli Prism (Protection contre les RIsques Sanitaires et Microbiens, NDLR). Nous voulons des entreprises créatrices d'emplois non délocalisables... Mais je n'oublie pas notre deuxième axe d'attractivité qu'est la culture : nous aménagerons, le long du canal du Rhône à Sète, un pôle de loisirs et un multiplexe de quatre salles de cinéma. »

Côté logements, la ville est moins avancée. Et le maire s'en explique : « Frontignan, situé sur une langue de terre entre étangs et Méditerranée, est un territoire fragile avec beaucoup d'espaces naturels préservés. C'est pourquoi nous avions retiré 200 ha constructibles en 2001... Je ne veux pas faire de la ville une ville-dortoir. Ainsi, la ZAC des Hierles est en cours et nous travaillons dessus avec Sète Agglopôle Méditerranée, pour un potentiel de 500 logements. Mais j'ai préféré la geler dans l'attente d'avoir un quartier qui vive. »

Cécile Chaigneau

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