La Cour des comptes recommande à l’Université de Montpellier de « consolider sa gestion »

La Cour des comptes vient de rendre publiques ses observations sur l’Université de Montpellier, devenue un établissement public expérimental au 1er janvier 2022. Le gendarme des comptes publics souligne un manque d’évolution de fond suite à l’obtention du label I-Site, une coordination territoriale insuffisante, de beaux succès dans la recherche mais qui préexistaient à la démarche I-Site, ou encore l’absence d’un pilotage central affirmé qui permettrait à l’établissement d’enseignement supérieur de développer une vision stratégique pluriannuelle. Le fait que l’université Paul Valéry-Montpellier 3 soit restée à l’écart revient plusieurs fois dans le rapport…
Cécile Chaigneau
A l'université de droit de Montpellier...

Héritière d'une longue histoire depuis sa fondation en 1289, l'Université de Montpellier a connu de nombreuses transformations statutaires : issue de la fusion des anciennes universités de Montpellier 1 et Montpellier 2 en 2015, elle a pris le statut d'établissement public expérimental* (EPE) au 1er janvier 2022. Sélectionnée dans le cadre d'un appel à projet I-Site des programmes d'investissements d'avenir en 2017 avec son projet MUSE (Montpellier Université d'Excellence, visant à ouvrir de nouvelles voies dans les domaines de la sécurité alimentaire, le respect de l'environnement et l'amélioration de la santé humaine), l'Université de Montpellier est labellisée depuis mars 2022 (après une période probatoire de cinq ans) avec une dotation annuelle de 17 millions d'euros. L'axe de recherche et d'enseignement choisi par l'université s'articule autour des grandes thématiques « Nourrir-soigner-protéger ».

L'établissement universitaire a fait l'objet d'un rapport de la Cour des comptes (sur les exercices 2017 et suivants), qui vient de rendre publiques ses observations.

L'Université de Montpellier (voir encadré), présidée par Philippe Augé, couvre l'ensemble des champs disciplinaires hormis les arts et sciences humaines : droit, économie, gestion et sciences, technologies et santé. Elle compte également les IUT de Nîmes, de Béziers et de Montpellier-Sète, la faculté de Médecine Montpellier-Nîmes sur le site de Nîmes, la faculté d'éducation de Montpellier (ex-IUFM) sur les sites de Nîmes, Mende, Carcassonne et Perpignan, et une formation en alternance de Polytech Montpellier à Nîmes.

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Peu d'évolutions internes

« Si l'obtention de l'I-Site a permis à l'université de se positionner comme un porte-étendard de la recherche, les transformations statutaires menées pour garantir cette obtention n'ont pas été accompagnées d'évolutions de fond », souligne la Cour des comptes.

Le gendarme des comptes publics note ainsi que la fusion des universités de Montpellier 1 et Montpellier 2 n'a pas conduit à revoir le périmètre des composantes des deux établissements, qui ont simplement été juxtaposées, pas plus que le passage au statut d'établissement public expérimental n'a entraîné de reconfiguration. L'Université de Montpellier est d'ailleurs l'unique EPE à ne comporter qu'un seul établissement-composante, l'École nationale supérieure de chimie de Montpellier (ENSCM), et n'a pas établi de convention d'association avec l'université Paul Valéry-Montpellier 3 qui est restée en dehors du périmètre.

« Le passage à l'établissement public expérimental apparaît, à bien des égards, comme une formalité présentée comme nécessaire à l'aune des préconisations du jury international en vue de la pérennisation de l'I-Site », soupçonne la Cour des comptes.

Effet d'affichage

Si l'organisation mise en place avec l'I-Site permet à l'université « d'avoir un rayonnement bien au-delà des moyens alloués, notamment en termes d'effectifs » (une grande partie des effectifs de recherche étant issus des organismes nationaux de recherche et non de l'établissement), la Cour des comptes estime qu'il s'agit là d'une première étape réussie mais qu'« il est important de ne pas en rester à un effet d'affichage », invitant l'établissement à évoluer pour fonder une université thématique de recherche intensive de rang mondial. Elle ajoute que ces effets positifs « laissent à ce jour sans réponse l'avenir de la coordination territoriale à l'échelle du territoire académique ».

La sélection du projet MUSE dans le cadre de l'I-Site avait été obtenue à la suite d'une série d'échecs à l'obtention d'un Idex via les structures collectives rassemblant l'Université de Montpellier, l'université Paul Valéry-Montpellier 3, l'université de Nîmes et celle de Perpignan, la gouvernance ayant été jugée inadaptée par le jury. Avant ça, en 2009, une première tentative de regroupement des universités avait été tentée avec la création du pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) « Université Montpellier Sud de France » dont les trois universités de Montpellier étaient membres fondateurs, mais le projet de fusion avait finalement été abandonné.

« A ce jour, une convention d'entente territoriale, ayant succédé à la communauté d'universités et d'établissements, rassemble les quatre universités mais produit peu d'effets tangibles », indique la Cour des comptes.

Recherche : une absence « préjudiciable »

Concernant la recherche, le label I-Site en 2022 a constitué une avancée certaine, tant sur le plan des financements (une dotation de 17 millions d'euros de financements annuels, et une dynamique générale en termes d'appels à projets remportés) que sur le renforcement des partenariats que l'Université peut nouer.

La grande majorité de la production scientifique du site de Montpellier (à l'exception de l'université Paul Valéry-Montpellier 3) a été rassemblée sous la bannière unique « Université de Montpellier », mais l'analyse scientométrique (études de l'activité scientifique, notamment au travers des publications scientifiques des chercheurs de l'université) réalisée par la Cour des comptes montre que l'excellence de la recherche préexistait à ces démarches...

Le rapport souligne que « l'absence notable de l'université Paul Valéry-Montpellier 3 de l'I-Site et dans les partenariats est préjudiciable au développement d'une recherche dans l'ensemble des disciplines »...

Formation : mission accomplie

Le gendarme des comptes publics pointe quand même des éléments positifs, notamment l'engagement respecté par l'université dans ses missions de formation et de recherche. Le travail de transformation opéré par l'université montpelliéraine est ainsi loué, le rapport indiquant qu'un accent a notamment été mis sur des enseignements pluridisciplinaires permettant des passerelles entre les parcours, et sur des formations professionnalisantes en réponse aux besoins économiques territoriaux et de plus en plus ouvertes à l'alternance.

« Plusieurs points d'attention méritent d'être relevés, comme la mise en œuvre complexe de la réforme des études de santé, l'impact de la réforme du lycée et l'avenir des activités de formation continue », notent cependant les magistrats de la Cour des comptes.

Autres points positifs soulignés : la mise en œuvre de dispositifs d'accompagnement des étudiants et d'amélioration de leurs conditions de vie - même si l'université est invitée à  « poursuivre ses efforts pour réduire les disparités entre sites en matière de services accessibles aux étudiants » -  et des résultats en matière d'insertion professionnelle, « hormis pour les étudiants détenteurs de licences générales qui méritent une attention spécifique ».

Manque de vision stratégique pluriannuelle

Du point de vue administratif, la mise en œuvre de la fusion des Universités Montpellier 1 et 2 s'est limitée à rapprocher les services des deux universités préexistantes, « dépourvus jusqu'en 2018 des outils communs nécessaires », un déficit en 2018 imposant alors la mise en place d'un schéma de stabilité budgétaire lui permettant de redresser sa situation financière.

« Toutefois, ses marges de manœuvre tendent à se réduire et sa gestion budgétaire ne lui permet pas d'élaborer des prévisions fiables, en particulier dans une perspective pluriannuelle, s'agissant de la masse salariale et de l'immobilier, alertent les magistrats de la Cour des comptes. Puisque l'université continue à fonctionner en gestion selon un mode facultaire, un pilotage central affirmé et une stratégie lisible font défaut pour qu'elle soit en mesure d'assurer la maîtrise de sa trajectoire financière à venir. »

Une insuffisante qui vaut également pour les autres fonctions de l'université : en matière de ressources humaines, de gestion immobilière (jugée « éclatée et insuffisamment pilotée »), de suivi de la commande publique (pas de stratégie d'achat et un recours anormalement fréquent à des marchés publics passés sans publicité ni mise en concurrence), ou encore de gestion des systèmes d'information qui doit être renforcée.

Conclusion de la Cour des comptes : « Son organisation confère à ses composantes une grande autonomie (notamment en termes de définition de l'offre de formation ou de gestion du patrimoine, NDLR), selon un principe de subsidiarité réaffirmé, et le pilotage central demeure à renforcer. L'Université de Montpellier, devenue un EPE, doit impérativement consolider sa gestion ».

* Le statut d'établissement public expérimental, permis par l'ordonnance du 12 décembre 2018,  permet aux établissements d'enseignement supérieur et de recherche d'expérimenter de nouveaux modes d'organisation et de fonctionnement à titre expérimental et pour une durée maximale de dix ans. Ils peuvent ainsi regrouper ou fusionner des établissements publics et privés (dénommés « établissements-composantes ») afin de réaliser un projet partagé d'enseignement supérieur et de recherche.

L'Université de Montpellier en chiffres

L'université de Montpellier accueillait, sur l'année 2021/2022, 45.997 étudiants dont 15% d'étudiants étrangers, 33% de boursiers dans les diplômes nationaux en formation initiale.

Sur le volet recherche, l'université compte 74 structures sous tutelle principale ou secondaire. Elle a été classée dans le Top 200 des meilleures universités mondiales du classement Shanghai 2021, dans le Top 3 mondial en écologie au classement Shanghai par thématique, et à la 2ème place nationale et 17ème européenne des universités les plus innovantes.

Son budget 2023 est de 506 millions d'euros de crédits de paiements, avec 479 millions d'euros de recettes encaissables.

L'établissement employait 5.000 personnes au 31 décembre 2022 (hors vacataires d'enseignement, contractuels de courte durée et personnels hébergés) dont 41% d'enseignants, 45% d'agents non enseignants et 14% de doctorants et chercheurs. Soit des charges de masse salariale totales de 328 millions d'euros, ce qui signe « un ratio masse salariale/produits encaissables de 73,5%, en constante baisse depuis 2017 », indique la Cour des comptes.

Sur le volet immobilier, l'université, c'est 26 sites géographiques dans les cinq départements de l'ex-Languedoc-Roussillon, soit environ 500.000 m2 de bâti (203 bâtiments), répartis sur 110 hectares de patrimoine foncier. L'établissement a bénéficié du Plan de relance à hauteur de 18 millions d'euros pour la rénovation énergétique.

Cécile Chaigneau

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