Économie bleue : les voies prometteuses de l’innovation

Le 28 septembre à Sète, La Tribune organisait un événement dédié à l’économie bleue, interrogeant les enjeux autour de la Méditerranée comme source de développement durable. La recherche et l’innovation sont des leviers forts pour faire monter en puissance ce segment économique et plusieurs acteurs, publics ou privés, sont à la manœuvre.
Cécile Chaigneau
Invités par La Tribune le 28 septembre 2021 : (de gauche à droite) Guillaume Chanussot (Dalkia Méditerranée), Jean-Guy Majourel (Sète Agglopôle Méditerranée), Stéphane Roumeau (Syndicat mixte du bassin de Thau), Gilles Léandro (SOPER) et Maria Ruyssen (Ifremer Hérault).
Invités par La Tribune le 28 septembre 2021 : (de gauche à droite) Guillaume Chanussot (Dalkia Méditerranée), Jean-Guy Majourel (Sète Agglopôle Méditerranée), Stéphane Roumeau (Syndicat mixte du bassin de Thau), Gilles Léandro (SOPER) et Maria Ruyssen (Ifremer Hérault). (Crédits : Eric Durand)

Quel engagement des décideurs publics sur l'économie bleue pour répondre aux défis climatiques ? Comment les territoires peuvent-ils agir ? Comment l'innovation peut-elle être un levier pour booster l'économie maritime ? L'Occitanie bénéficie d'un long cordon littoral méditerranéen qu'il faut protéger de manière durable tout en permettant la cohabitation de diverses activités économiques.

Ce sont notamment les questions qu'abordait l'événement dédié à l'économie bleue organisé par La Tribune le 28 septembre à Sète.

Selon Pierre-Yves Hardy, ingénieur spécialisé en écologie marine, en charge de l'économie bleue à WWF France, l'écologie marine ne s'oppose pas à la préservation des intérêts économiques : « Oui, c'est possible... Nous croyons au développement de solutions basées sur la nature. Lors du congrès mondial de la nature à Marseille, nous avons constaté la présence de nombreuses entreprises sur le secteur de l'économie bleue, des financeurs aussi, ce qui ouvre nombreuses opportunités ».

Si les ports français ont amorcé les démarches vers la décarbonation et les usages plus vertueux en termes de consommation d'énergie notamment, l'un des points noirs de l'économie bleue reste les flux de marchandises maritimes de plus en plus importants.

« En 2050, il faudra décarboner complètement le transport et l'Occitanie a un rôle à jouer, souligne Pierre-Yves Hardy. Les ports ont pris de l'avance, ils prêts à recevoir le transport décarboné. Ils testent déjà des solutions et on attend la validation scientifique des projets en cours dans les trois prochaines années... Concernant la ressource en poissons à préserver tout en continuant à nous nourrir, WWF accompagne avec plusieurs projets, avec quatre objectifs : développer les modes de propulsion non polluante sur les bateaux, les circuits courts, les engins de pêche et la récupération des déchets de la pêche, comme les filets. Il y a de l'innovation à

« Zones littorales exposées à l'érosion et à la submersion »

A Sète, premier port de pêche de France, le président de l'agglomération Sète Agglopôle Méditerranée François Commeinhes convient que les enjeux sont forts pour la collectivité en termes de réaménagement du territoire et de transition écologique et évoque quelques pistes : « La réhabilitation des anciennes friches industrielles sur notre territoire pour attirer des entreprises de l'économie bleue, le port qui sera un partenaire de premier plan en devenant un "smart green port", ou le développement d'un tourisme raisonné ».

« L'économie bleue, qui pèse 8 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 45 000 emplois en Occitanie, est un marqueur des politiques de la Région, campe Agnès Langevine, vice-présidente de la Région Occitanie en charge de la transition écologique. Notre région sera impactée de plein fouet par les extrêmes climatiques et la hausse des températures qui va exposer les zones littorales à l'érosion et à la submersion. Donc l'économie bleue s'inscrit pleinement dans le Pacte vert de la Région qui vise à basculer de modèle pour préserver le vivant sur la planète. »

L'élue cite plusieurs axes : agir sur la neutralité carbone avec les projets éoliens offshore et le port de Port-la-Nouvelle en base arrière, la requalification des zones portuaires, les friches industriels, les enjeux de production alimentaire dont la pêche et la conchyliculture, la pollution et en particulier les déchets plastiques, et bien sûr la recherche et l'innovation.

Pôle Croissance bleue et thalassothermie

Une première table ronde interrogeait justement les enjeux et les leviers que constituent l'innovation et la recherche en Occitanie pour l'économie bleue.

« L'État veut mettre accent sur la croissance bleue, il met 700 millions d'euros dans le plan France relance, le Port Sud de France s'engage dans démarche "smart port", on peut parler d'alignement des planètes, se réjouit Jean-Guy Majourel, vice-président de Sète Agglopôle Méditerranée, en charge du développement économique. Sète Agglopôle veut surfer dessus pour développer un vrai écosystème dynamique et favorable sur ce territoire à taille humaine, donc agile, et très riche... Nous sommes à un moment charnière, avec des friches industrielles sur lesquelles développer des zones d'activités maritimes. D'où la création du pôle de croissance bleue, que l'on veut intégrateur de la formation et de la recherche appliquée. Aujourd'hui, nous voulons passer à la phase 2, c'est à dire au concret avec une gouvernance partagée du pôle Croissance bleue. Nous réfléchissons également à créer un fonds d'investissement, mais il est trop tôt pour en dire plus. »

Parmi les gros projets de l'agglomération sétoise, figure la réhabilitation de l'entrée-est de la ville de Sète. La production de chaud et de froid y sera renouvelable puisqu'elle utilisera l'eau de mer. C'est ce qu'explique Guillaume Chanussot, directeur de l'agence Dalkia Méditerranée, partenaire du projet : « Nous mettons en place une solution de thalassothermie qui ira chercher l'énergie marine pour chauffer et climatiser. On capte l'eau de mer et on la réinjecte dans les réseaux avec une différence de température de 5°... Les premiers bâtiments - logement sociaux et maison de retraite - seront livrés en 2023, puis viendront environ 3.000 logements d'ici dix à douze ans. L'intérêt de la solution, c'est de fournir chaleur et froid renouvelables et d'économiser ainsi 4.600 tonnes de CO2 par an, soit l'équivalent de 2.500 véhicules retirés de la circulation chaque année ».

Ce qui permettra à l'agglomération de réaliser une opération énergétique blanche car le dispositif de thalassothermie viendra compenser les véhicules qui se déverseront immanquablement sur cette zone de la ville avec la construction de logements.

Lab Thau et IFREMER

Stéphane Roumeau, ingénieur eau et risques au Syndicat mixte du bassin de Thau, rappelle que la structure, créée en 2005, a pour vocation de gérer l'aménagement complexe autour du bassin de Thau, notamment autour de la question de l'eau.

« Le syndicat a créé sa plateforme d'innovation, le Lab Thau, qui peut accompagner une dizaine de projets pour trouver des solutions de transition et faire des démonstrateurs de produits et services, explique-t-il. Et je suis surpris par le profil de gens qui tapent à notre porte, venant des domaines du spatial ou de l'intelligence artificielle, qui n'ont pas forcément d'ancrage local et qui souhaitent développer des applicatifs sur le littoral ou sur les défis à portée environnementale. »

A l'IFREMER Hérault, « l'innovation est un pilier fort avec la recherche, fondamentale et appliquée, autour des ressources marines, et l'appui aux politiques publiques », insiste Maria Ruyssen, sa directrice : « Nous avons plusieurs outils : cela va du fonds d'investissement jusqu'aux dynamiques incitatrices, en passant par des contrats de courte durée sur la phase de pré-maturation de projet et de réels projets collaboratifs qui peuvent donner naissance à des entreprises privées. Par exemple, ça a été le cas pour la Coldep à Palavas-les-Flots (issue de la recherche de l'IFREMER et de l'INSA de Lyon et qui développe un procédé de colonne airlift à dépression pour la circulation, le dégazage et le traitement de l'eau, NDLR) ».

Chez SOPER, entreprise créée à Montpellier par Jean-Michel Germa (ex-fondateur de la Compagnie du Vent en 1989, rachetée en 2007 par GDF Suez puis fusionnée avec Engie Green en 2017), le projet est de décarboner les transports lourds, maritimes et aériens, grâce à un carburant de synthèse durable en lieu et place des carburants fossiles.

« Le carburant de synthèse est composé d'hydrogène vert et de carbone, capté dans l'air ou dans les fumées d'usines, explique Gilles Léandro, directeur général de SOPER. La hausse du prix du pétrole et du gaz, en ce moment, joue en notre faveur. Mais aujourd'hui, il n'existe pas de réglementation dans le maritime comme il en existe pour le terrestre ou l'aéronautique. L'un des leviers est la fiscalité qui augmente et va donner un avantage compétitif aux carburants verts, mais aussi les subventions. C'est le cas pour un de nos projet avec un cimentier régional (Lafarge, NDLR), gros émetteur de CO2 que nous voulons capter. »

Cécile Chaigneau

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