Économie bleue : ce que les ports inventent pour être plus vertueux

Le port épouse la mer. Si les usagers du premier exploitent la deuxième, ils doivent aussi la préserver. Aujourd’hui, les ports, qu’ils soient port de plaisance, port de commerce ou port de pêche, ont intégré cette responsabilité environnementale et multiplient les expérimentations pour améliorer leur bilan. La Tribune donne un coup de projecteur aux initiatives en Occitanie lors de son événement sur l’économie bleue.
Cécile Chaigneau
La table ronde sur le verdissement des ports, lors de l'événement sur l'économie bleue de La Tribune (de gauche à droite) : Géraldine Lamy (port de Sète), Vincent Renouard (EDF Occitanie), Jean-Romain Brunet (Port Camargue), Anne-Sophie Cassan (Union des ports de plaisance d'Occitanie) et Elsa Nicol (Falco).
La table ronde sur le verdissement des ports, lors de l'événement sur l'économie bleue de La Tribune (de gauche à droite) : Géraldine Lamy (port de Sète), Vincent Renouard (EDF Occitanie), Jean-Romain Brunet (Port Camargue), Anne-Sophie Cassan (Union des ports de plaisance d'Occitanie) et Elsa Nicol (Falco). (Crédits : Eric Durand)

Pollutions industrielles et maritimes, gestion des eaux grises et noires des bateaux, émissions polluantes des bateaux à quai, protection de la biodiversité,... Les sujets de développement durable ne manquent pas dans les ports, qu'ils soient port de plaisance, port de commerce ou port de pêche.

L'événement dédié à l'économie bleue organisé par La Tribune le 28 septembre à Sète donnait un coup de projecteur sur les actions menées dans les infrastructures portuaires pour améliorer leur bilan environnemental lors d'une table ronde sur "Le verdissement des ports : quels moyens, quels leviers économiques ?". Plusieurs initiatives se font jour.

  • "Ports propres"

« Les enjeux principaux des ports aujourd'hui, c'est la gestion des pollutions émanant du port ou des bassins versants, la réduction des consommations d'eau et d'électricité et la gestion des eaux noires et grises des bateaux, pointe Anne-Sophie Cassan, déléguée générale de l'Union des ports de plaisance d'Occitanie.Nous encourageons les ports à s'engager dans les démarches de certification comme "Ports Propres", et en Occitanie, une douzaine le sont, et récemment, "Ports Propres" a été complété par une certification "Ports propres actifs en biodiversité" car les ports contribuent à la préservation et à la restauration du milieu marin. Il est possible par exemple d'y installer des nurseries, sortes de cages qui sont des refuges pour les juveniles de poissons et leur permettent de se développer... Le plan France relance avait une ligne sur le verdissement des ports, mais finalement, cela ne concerne que les grands ports. Heureusement la Région Occitanie accompagne les ports de plaisance par des aides financières sur les démarches de transition écologique et par des appels à projets spécifiques. »

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  • Ports connectés

Elsa Nicol est la cofondatrice et présidente de l'entreprise Wattson Elements (siège à Paris), une spin-off de l'Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique (INRIA) qui propose la solution Falco, réseau de capteurs connectés intelligents sans fil pour les usagers des ports de plaisance, donnant diverses informations en temps réel, comme la consommation d'électricité de chaque bateau : « C'est une solution destinée à la gestion opérationnelle et au développement de services aux plaisanciers et usagers des ports. Notre plus gros projet est à Sète, avec 500 places équipées de solutions connectées sur le môle Saint-Louis depuis novembre 2020. Nous arrivons au terme de la 1e saison estivale. Notre solution permet de connaître les consommations individuelles de chaque prise et calcule la moyenne sur trois jours pour voir quelles unités consomment le plus. Nous avons entamé les discussions avec les plaisanciers et on peut déjà dire que les consommations ont baissé. Mais il faut compter sur un temps d'adoption par les usagers... L'électricité est un sujet mais peut y avoir d'autres application, par exemple sur l'eau ».

  • Barge à hydrogène

« Le port de Sète, c'est le port de plaisance - 800 anneaux - mais aussi le port de pêche et le port de commerce, et nous devons travailler sur les sujets de gestion des eaux grises et noires des bateaux et de maîtrise des consommations d'électricité, confirme Géraldine Lamy, responsable QSE (qualité, hygiène, sécurité) au port de Sète. La solution Falco permet d'avoir en temps réel la consommation de chaque plaisancier. Nous réfléchissons à introduire une tarification pour engager les plaisanciers à moins consommer. »

A propos de la gestion des pollutions industrielle et maritime, elle assure que « tous les ports se sont trouvés concernés par ce sujet... A Sète, nous avons demandé à la société Egis de réaliser un premier diagnostic, et le bilan du port de Sète n'est pas neutre, avec les navires à quai qui représentent 40% des émission de CO2, jusqu'à 80% des émissions d'oxyde d'azote. Nous avons décidé d'un gros plan d'investissement pour réduire ces émissions par le financement du raccordement des navires à quai, avec l'objectif de pouvoir raccorder la plupart de nos escales régulières en 2023. Cela passe par deux projets : travailler sur le réseau électrique avec Enedis pour apporter le courant, et installer une barge à hydrogène (projet Green Harbour, NDLR) qui produira 1 MW d'énergie grâce à une pile à combustible à base d'hydrogène vert en provenance de Port-la-Nouvelle pour alimenter les navires du port de commerce et remplacer leurs groupes électrogènes ».

  • Politique de draguage, sanitaires, formation

Avec ses 5.000 anneaux, Port Camargue, dans la baie gardoise d'Aigues-Mortes, est le 2e port de plaisance au monde et le 1er en Europe. Et Jean-Romain Brunet, directeur général, précise que « Port Camargue, c'est aussi le port de pêche du Grau-du-Roi, soit une capacité nautique sans équivalent en France, qui nous oblige en termes de responsabilité ». Le port a engagé diverses actions pour améliorer son impact environnemental. Il fait notamment un pari : celui de faire descendre les plaisanciers de leurs bateaux pour utiliser les sanitaires du port dans lesquels un investissement de 3 millions d'euros est planifié d'ici à 2025, évitant ainsi le rejet d'eaux grises et noires dans la Méditerranée.

Pour permettre cohabitation entre espace de plaisance et respect de la biodiversité, le port a initié « une politique de dragage innovante », explique Jean-Romain Brunet : « Il existe un double enjeu sur ce sujet : financier car cela coûte de plus en plus cher donc il faut mutualiser les opérations de dragage, et environnemental sur la question de l'usage des sédiments issus du dragage. Port Camargue a fait partenariat avec Vinci pour séparer le sable et les boues. Le sable peut entrer dans une logique d'économie circulaire pour ré-ensabler d'autres plages en région, et les boues peuvent servir à faire des cheminements autour du port par exemple ».

« Port Camargue fait travailler 350 salariés, compte une quarantaine d'entreprises, dont Grand Large Yachting, pour un chiffre d'affaires de 40 millions d'euros. Il y a donc un besoin de formation, d'autant que c'est un secteur hyper dynamique et que les perspectives sont encourageantes, ajoute le directeur de Port Camargue. Il y a des besoins de formations, et c'est donc le bon moment pour décliner catalogue de formations. L'Union des villes portuaires d'Occitanie a mis en place un diplôme universitaire de gestionnaire des ports de plaisance qui est l'objet de plusieurs lieux d'accueil pour la formation, dont Port Camargue. L'objectif est d'en faire le point de départ d'une dynamique de formation sur la partie Est de la façade maritime d'Occitanie, en partenariat avec le pôle des métiers du nautisme de Canet-en-Roussillon, l'Université de Perpignan et l'Institut nautique de Méditerranée. »

  • Ecosystème hydrogène et double usage mer et terre

Au Grau-du-Roi, un autre projet pourrait contribuer à verdir l'empreinte carbone du port : un projet de transport décarboné permettant de réduire les consommations de carburants fossiles en mer et sur terre. Un projet que le port développe avec EDF et sa filiale dédiée à l'hydrogène, Hynamics.

« L'objectif, c'est de décarboner les usages, de sortir du thermique, déclare Vincent Renouard, chargé de mission à la délégation régionale EDF Occitanie. Sur l'hydrogène vert, notre filiale Hynamics travaille sur des écosystèmes locaux en circuits courts, car on ne peut pas dissocier la logique d'un port de son territoire et de ses potentialités en énergie solaire, géothermie, etc.... On raisonne donc global en traçant plusieurs scenarii sur un territoire embarquant le port. Au Grau-du-Roi, le projet d'écosystème d'hydrogène s'appuie sur un usage terrestre, pour alimenter des autocars ou des bennes à ordure, et maritime. Et une spécificité pour l'usage maritime : un bateau qui ferait la navette entre un parking de délestage et le centre-ville ou Port Camargue transporter des touristes l'été, et hors période estivale, qui serait réaffecté à la coopérative de pêche pour développer des activités de pêche. »

Afin d'œuvrer à l'individualisation des charges, EDF travaille par ailleurs à la réalisation d'une offre "éco-port", portée par sa filiale Citelum et conçue à partir de tests réalisés à Port Camargue sur les pontons connectés. Elle devrait être déployée en fin d'année ou en 2022.

Cécile Chaigneau

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