Financement participatif des ENR : Enerfip se déploie en Europe

Dans un contexte très favorable aux énergies renouvelables, Enerfip, plateforme montpelliéraine d'investissement dans les énergies renouvelables, étend son champ d’action, géographiquement (en Europe) mais aussi de manière sectorielle sur des sujets de transition énergétique.
Cécile Chaigneau
Julien Hostache, cofondateur et président d'Enerfip, plateforme de financement participatif dans les énergies renouvelables.
Julien Hostache, cofondateur et président d'Enerfip, plateforme de financement participatif dans les énergies renouvelables. (Crédits : Cécile Chaigneau)

La PME montpelliéraine Enerfip (39 salariés), plateforme de financement participatif dans les énergies renouvelables, était présente au salon Energaïa, grande messe des énergies renouvelables qui se tient à Montpellier les 13 et 14 décembre. L'engouement renouvelé pour les énergies renouvelables s'est logiquement traduit dans les allées du salon, avec une édition qui aura connu une très forte affluence.

Enerfip annonce avoir collecté, depuis sa création (2014), plus de 400 millions d'euros via la mobilisation de l'épargne citoyenne, pour le financement de plus de 400 projets. L'un de ses principaux concurrents, Lendopolis (filiale de la Banque Postale) affiche quant à lui un bilan de 224,7 millions collectés depuis 2014. Des performances directement corrélées au contexte mondial...

Alors que la COP28 se termine sur un accord approuvant la transition vers la fin des énergies fossiles, jugé « historique » mais toujours non contraignant et sans financements prévus, la France affiche des ambitions toujours plus hautes en matière d'énergies renouvelables : après la loi d'accélération des énergies renouvelables adoptée en février 2023, le gouvernement a présenté, mi-novembre, la Stratégie française pour l'énergie et le climat  (SFEC), destinée à « sortir la France de sa dépendance aux énergies fossiles », avec notamment pour objectif de « massifier la production de toutes les énergies renouvelables » à horizon 2035 : monter à 18 GW d'éolien en mer, doubler le rythme annuel du solaire photovoltaïque pour atteindre plus de 75 GW et maintenir le rythme actuel de l'éolien terrestre amenant à doubler ses capacités pour atteindre les 40 GW (notamment via le repowering). Désormais soumise à la consultation publique jusqu'au 15 décembre, cette stratégie sera intégrée à une loi sur la production d'énergie, attendue en 2024.

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Adapter les taux de rentabilité

Pour la seule année 2023, Julien Hostache, cofondateur et président d'Enerfip, annonce que la plateforme a permis de lever 150 millions d'euros (130 millions en 2022), pour un chiffre d'affaires de 3,8 millions d'euros (3 millions en 2022). Bientôt deux ans après le début de la guerre en Ukraine, qui a fortement bouleversé les équilibres du secteur énergétique, la PME montpelliéraine a été le témoin de l'impact sur les marchés.

« Pour les porteurs de projets, l'impact a été significatif en raison de l'augmentation du coût des matériaux de 30% en moyenne, ce qui a pu rendre complexe l'équilibre économique des opérations, mais heureusement, l'Etat français a bien réagi en adaptant les tarifs d'achat d'électricité, analyse Julien Hostache. Par ailleurs, avec l'explosion des prix de rachat de l'électricité, les projets dédiés aux contrats long terme sont devenus rentables dans la vente d'électricité sur le marché libre. Tout ça nous a obligés à adapter notre façon de financer car aujourd'hui, les risques ne sont pas les mêmes sur le marché libre. Mais ça a accéléré la maturation du secteur. Inévitablement, l'énergie va se dissocier de la coupe étatique et fonctionner de gré à gré... Côté investisseurs, avec l'inflation de 5 à 6%, nos taux de rentabilité à 5% en février 2022 n'étaient plus attractifs. Enerfip a été la plateforme qui a le plus augmenté ses taux moyens, de plus de 50% en 18 mois, et aujourd'hui ils sont dans une fourchette de 7,5 à 8,5%, ce qui leur permet de conserver une attractivité. »

Deux fonds de gestion

Par ailleurs, en parallèle du financement des projets de production d'énergie, la plateforme a vu perdurer et même se renforcer le financement d'entreprises des énergies renouvelables : « C'est logique dans la mesure où les entreprises veulent repousser l'échéance à laquelle faire une augmentation de capital et donc le diluer, et notre solution leur donne deux ou trois ans de plus. Ces financements représentent plus de la moitié des 150 millions d'euros collectés en 2023 », indique Julien Hostache.

Le fonds d'investissement Enerfip Gestion, finalement lancé à l'été 2023, a réussi à lever près de 30 millions d'euros (auprès d'institutionnels, banques ou mutuelles) sur les 40 millions qu'il devrait compter à terme, et a déjà investi en montant au capital d'Eléments, producteur montpelliérain indépendant d'énergie renouvelables, et de la PME niçoise Qualisteo, spécialisée dans l'optimisation de consommation énergétique dans le milieu industriel. Julien Hostache annonce par ailleurs la création d'un 2e fonds à destination des particuliers au printemps 2024. Au total, les deux fonds représenteront une capacité d'investir de 100 millions d'euros.

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L'Europe, « un marché de 500 millions de personnes »

La France n'est plus le seul « terrain de jeu » de la plateforme de financement participatif, qui a obtenu le 6 décembre 2022 l'agrément de l'Union européenne pour opérer dans les pays européens.

« Nous étions la 5e plateforme en Europe et la 2e en France à l'obtenir, rappelle Julien Hostache. Cela amène des complexités mais cela nous permet surtout d'étendre nos activités sur le marché européen, soit 500 millions de personnes... Nous avons ouvert un bureau à Madrid en septembre 2022 et aujourd'hui, Enerfip est devenue la plateforme n°1 de financement participatif des ENR en Espagne, où nous avons déjà financé quatre projets solaires pour 12 millions d'euros collectés. Nous avons également ouvert un bureau à Milan il y a quelques semaines, et nous ouvrirons un bureau à Amsterdam au premier trimestre 2024 pour adresser la zone Benelux. Par ailleurs, nous avons déjà financé une vingtaine de projets en Pologne, Roumanie, Hongrie, Italie et Portugal. »

Les perspectives de diversification dans d'autres secteurs, comme l'immobilier, un temps remisées, reviennent sur le dessus de la pile : « On espère le lancer en 2024, mais nous avons déjà commencé une diversification sectorielle en finançant le premier parc de batteries géantes en Italie, stockant l'énergie la journée pour la restituer la nuit sur le réseau, ainsi qu'un projet d'efficacité énergétique sur des équipements industriels ».

Pour accompagner cet élargissement géographique et sectoriel, les effectifs d'Enerfip pourraient atteindre les 45 personnes en 2024.

« On sera obligé de prendre des raccourcis »

Le dirigeant ne cache toutefois pas un certain agacement quant à la politique française de déploiement des énergies renouvelables...

« C'est le côté Janus de l'Etat : d'un côté la volonté de pousser la production d'énergies renouvelables et de l'autre, une incapacité à se sortir des freins. La loi sur l'accélération des ENR n'a d'accélération que le nom. Les zones d'accélération ne sont que les petits-enfants des anciennes ZDE, zones de développement éolien créées il y a dix ans et abandonnées au bout de quelques années car inopérantes. Je crains que ce ne soit la même chose avec les zones d'accélération qui rajoutent une étape pour le développeur dans le millefeuille déjà complexe et qui octroient une certains force aux élus locaux. Si on veut aller vite, on sera obligé de prendre des raccourcis sans que ce soit au détriment de la biodiversité et de l'intérêt général. En France, le développement de projets est deux fois plus long que chez tous nos voisins européens qui ne font pourtant pas n'importe quoi ! On a même vu récemment un parc éolien refusé au prétexte qu'il aurait dégradé un paysage littéraire ! »

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Financement participatif : ça monte

Selon le baromètre du financement participatif en France, publié en février 2023 par Mazars et l'association Financement Participatif France (FPF), l'année 2022 a été une année record pour le financement participatif, avec 2,4 milliards d'euros collectés sur les plateformes, soit une hausse de +25% par rapport à l'année 2021. Depuis 2015, les chiffres ont été multipliés par 14, avec un total cumulé de plus de 7 milliards d'euros, tout modèle transactionnel confondu (don, prêt, investissement). La progression significative du crowdfunding immobilier, qui pèse pour 2/3 de la collecte globale (+40,2% en 2022), reste la locomotive de ce type de financement. Le baromètre révèle que le financement durable est un fer de lance du crowdfunding, la dimension sociale ou environnementale représentant une composante essentielle des projets de financement participatif (61.891 projets en comportaient une en 2022). Dans le secteur économique, 13% des 2,09 milliards d'euros collectés en prêts et 33% des 142,9 millions d'euros collectés en investissement relevaient de l'environnement et des ENR.

Cécile Chaigneau

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