Réseaux d’eau : « Ce n’est pas un problème d’argent mais de gouvernance et de manque d’ingénierie » (préfet de l’Hérault)

La ressource en eau est désormais un facteur d’inquiétude récurrent, toute l’année et en particulier l’été. Dans l’Hérault, où la situation reste tendue, le préfet se veut volontariste dans l’anticipation des crises et opportuniste dans les solutions à mettre en œuvre. Il vient de dévoiler son plan d’urgence, en collaboration avec le conseil départemental et l’association des maires. Détails.
Cécile Chaigneau
Claudine Vassas-Mejri (1e vice-présidente du Conseil départemental de l'Hérault), le préfet de l'Hérault François-Xavier Lauch, et Frédéric Roig (président de l'AMF 34), le 20 mars 2024 à Béziers.
Claudine Vassas-Mejri (1e vice-présidente du Conseil départemental de l'Hérault), le préfet de l'Hérault François-Xavier Lauch, et Frédéric Roig (président de l'AMF 34), le 20 mars 2024 à Béziers. (Crédits : Cécile Chaigneau)

« La saison estivale s'annonce sous des auspices difficiles si on n'y prend garde, prédit déjà François-Xavier Lauch, le préfet de l'Hérault, le 20 mars, à l'issue d'une journée d'échanges autour de l'eau à Béziers, en partenariat avec le conseil départemental et l'Association des Maires de France dans l'Hérault (AMF 34). Il n'a pas plu suffisamment pendant la période de recharge sur l'arc méditerranéen et aujourd'hui, dans l'Hérault, on est à peine à 40% de la recharge hivernale. Et au printemps quand il pleut, c'est la végétation qui prend et ça ne remplit pas les nappes phréatiques... Nous avons donc décidé d'affronter ce sujet de la ressource en eau ensemble. C'est important car le sujet peut vite devenir sujet de conflit. Nous voulons prendre le taureau par les cornes suffisamment tôt dans la saison. »

Pas question de se reposer sur d'hypothétiques facteurs rassurants. Le représentant de l'Etat souligne que la situation dans le département de l'Hérault « n'est pas loin de celle des Pyrénées-Orientales », très critique donc, justifiant la visite, ce 21 mars du ministre de l'Ecologie, Christophe Béchu. Il précise qu'à ce jour, douze communes de l'Hérault sont déjà en difficulté « et plusieurs dizaines pourraient l'être cet été ».

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27% de l'eau potable perdue

François-Xavier Lauch a présenté un plan d'urgence de la ressource en eau dont la première marche est l'information et la sensibilisation des habitants « pour obtenir des citoyens des économies d'eau, non sous le mode de la contrainte mais de la sensibilisation ». Pour ça, la préfecture renforce son outil RestrEAU qui alimente le dispositif d'alerte Cons'Eau 34, un outil en ligne détaillant les restrictions d'usage de l'eau par commune (avec des niveaux d'alerte vert, jaune - comme c'est le cas en ce moment -, orange et rouge), avec l'objectif « d'économiser les 10 à 15% d'eau qui nous permettront de passer l'été ».

Autre axe fort du plan eau : la persistance de la task-force entre l'Etat, l'AMF et le Conseil départemental pour gérer la crise, aux côtés de l'agence de l'eau, de l'ARS et de Hérault Ingénierie. Ce satellite du Conseil départemental viendra en soutien des maires des petites communes, dépourvus de compétences ad hoc.

Enfin, le préfet promet un travail au long cours « pour dépasser ce plafond de verre qui fait que les canalisations perdent 27% de l'eau potable qu'elles transportent, que des raccordements entre syndicats ou intercommunalités ne soient pas faits pour diverses raisons. Et ce n'est pas un problème d'argent puisque tous les crédits des agences de l'eau n'ont pas été utilisés, ces dernières permettant de subventionner des projets à hauteur de 60 à 70%. Les principaux problèmes, ce sont la gouvernance et le manque d'ingénierie ».

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Attention à éviter les conflits d'usage

« Il faut qu'on se pose les bonnes questions sur l'utilisation des eaux usées, ajoute-t-il. Aujourd'hui, dans le département, il y a six stations où ça se fait, des textes sortent et ça doit devenir possible pour autre chose que l'arrosage des golf, comme le nettoyage des rues ou l'arrosage des espaces verts. Et je souhaite qu'on lance un débat sur la tarification de l'eau. (...) On sait qu'on va avoir moins d'eau ou de l'eau en masse, mais je pense qu'on aura assez d'eau potable. Mais attention à ne pas être en conflit sur les usages de l'eau : le pire serait d'opposer le consommateur individuel, l'entreprise, l'agriculture ou l'industriel. Il faut hiérarchiser les usages de l'eau avant ».

Sur le volet agricole, François-Xavier Lauch souligne qu'« il y a 30% de récoltes en moins, par manque d'eau. On pourrait penser qu'irriguer la vigne est une hérésie, mais ici, s'il n'y a pas la vigne, il n'y a plus rien ! La question est plutôt de savoir quelles zones on se permet d'irriguer et quelle est la bonne surface du vignoble à terme ».

Concernant les retenues d'eau, il assure n'avoir rien contre : « J'ai recensé six projets dont trois portés par le conseil départemental et qui sont en phase de consultation. Elles sont à des fins agricoles, mais pourquoi pas. Je pense qu'il faut être opportuniste sur ces sujets. Et peut être qu'un jour, il faudra étudier de potabiliser et dessaler l'eau, même si on n'en est pas là... Il ne faut rien s'interdire ! ».

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« Un gymnase peut attendre, l'eau non »

D'ici au 1er janvier 2026, la loi prévoit le transfert obligatoire des compétences eau potable et assainissement collectif aux intercommunalités. Une obligation qui rencontre quelques résistances dans certaines communes.

« Il faut aller vite sur l'intercommunalisation de la gouvernance de l'eau, met en garde le représentant de l'Etat. Il y a aujourd'hui 24 structures, intercommunales ou syndicats, de gestion de l'eau potable mais il reste encore des communes toutes seules dans leur coin et là il faut aimer vivre dangereusement ! »

Frédéric Roig, maire de Pégairolles-de-l'Escalette, est le président de l'AMF 34 : « C'est vrai qu'il y a encore trop de communes isolées, mais certaines n'ont pas forcément envie de mettre la gestion des réseaux, plus ou moins bonne, en commun ! Certaines ont déjà fait des investissements importants et d'autres n'ont pas pu. Il y a aussi la question de comment on priorise les investissements qui constituent un frein pour rentrer dans une logique collective intercommunale du réseau... Pour les maires, les défis sont nombreux et ça impose un travail de hiérarchisation ».

Sur ce sujet, le préfet se montre ferme : « Il faut rehausser les investissements sur l'eau très haut dans la hiérarchie par rapport aux autres investissements. Gouverner, c'est choisir sinon le péril est grand ! Un gymnase peut attendre, l'eau non ! ».

Le ministre de l'Agriculture en Lozère pour la Journée mondiale de l'eau

A l'occasion de la Journée mondiale de l'eau le 22 mars, Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture, passera la matinée en Lozère, un territoire qui subit des épisodes de sécheresse réguliers menaçant les élevages et le pastoralisme. Il se rendra dans un premier temps à Montbrun, dans une exploitation d'élevage porcin et ovin ayant mis en place un système de récupération des eaux pluviales pour abreuver le bétail, puis à la ferme du Fédou à Hures la Parade. La communauté de communes Gorges-Causses-Cévennes et l'agence de l'eau Adour Garonne présenteront des projets « eau », et le Conseil départemental de Lozère son protocole d'accord « Gestion quantitative de la ressource en eau sur le Causse Méjean - Réduction des besoins en eau potable des exploitations ». Marc Fesneau rencontrera également les organisations professionnelles agricoles.

Cécile Chaigneau

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