Comment des microalgues pourraient intervenir dans les process de décontamination de zones polluées

Au laboratoire Marbec de Sète, la scientifique Giulia Cheloni étudie les interactions entre phytoplanctons et pollution. Ces micro-organismes aquatiques pourraient jouer un rôle dans le devenir des contaminants et permettre de développer des procédés favorisant la décontamination de zones polluées. La chercheuse vient de se voir attribuer le prix Jeunes Talents L’Oréal-Unesco.
La chercheuse Giulia Cheloni, titulaire d'un doctorat en écotoxicologie, mène à l'UMR Marbec de Sète (laboratoire spécialisé sans la biodiversité marine) un projet qui a vocation à décrypter les interactions entre phytoplanctons et pollution.
La chercheuse Giulia Cheloni, titulaire d'un doctorat en écotoxicologie, mène à l'UMR Marbec de Sète (laboratoire spécialisé sans la biodiversité marine) un projet qui a vocation à décrypter les interactions entre phytoplanctons et pollution. (Crédits : DR)

Décrypter les interactions entre phytoplanctons et pollution. C'est le projet d'études baptisé PHYCOCYP de la chercheuse Giulia Cheloni. Déjà titulaire d'un doctorat en écotoxicologie, elle mène ce projet post-doctorat depuis deux ans à l'UMR Marbec de Sète, laboratoire spécialisé sans la biodiversité marine.

« Classiquement, l'écotoxicologie étudie l'impact des contaminants chimiques dans l'environnement mais moins le rôle que les organismes mêmes peuvent jouer, indique la jeune scientifique d'origine italienne. Il existe d'ailleurs très peu de publications scientifiques basées sur le rôle du phytoplancton dans le devenir des contaminants. Pourtant, c'est une vraie question sociétale car les contaminations liées aux produits chimiques se retrouvent en continu, même dans des environnements éloignés comme les lacs d'altitudes, distants de toutes activités humaines. »

Encore méconnus, les phytoplanctons sont présents dans tous les environnements aquatiques : océans, rivières, lacs,... Représentant la base de la chaîne trophique, ces microalgues, consommées par d'autres organismes comme le zooplancton, les mollusques, les poissons, jouent ainsi un rôle majeur au niveau de l'écosystème aquatique. Mais surtout, à l'instar des plantes et forêts, elles sont capables de synthétiser la matière organique grâce à la photosynthèse, transformant le CO2 en O2.

«  Si on pouvait mettre ensemble tous les phytoplanctons présents dans les environnements aquatiques et mesurer leur production d'oxygène, on s'apercevrait qu'à eux seuls, ils peuvent produire jusqu'à 40% de l'oxygène de la planète », assure Giulia Cheloni.

Etude des diatomées

Dans son laboratoire, la scientifique étudie la capacité pour un groupe de microorganismes, en l'occurrence les phytoplanctons, à transformer les contaminants pour potentiellement réduire leur durée de vie et/ou les rendre moins toxiques. Des contaminants générés par les activités humaines (industrie, agriculture, domestique) qui se retrouvent dans l'environnement naturel (air, eau, sol).

La chercheuse a sélectionné un modèle de phytoplancton, les diatomées, algues unicellulaires microscopiques, qu'elle teste avec trois types de contaminants : le Diuron, herbicide interdit en France depuis 2008 mais encore très présent dans les milieux aquatiques, et deux produits pharmaceutiques, le diclofenac, anti-inflammatoire non stéroïdien, et l'éthynylestradiol, entrant dans la composition de la pilule contraceptive.

Les premiers résultats sont variés, dépendant du type de molécule chimique utilisé.

« J'ai réussi à identifier des processus de transformation pour le diclofenac, détaille Giulia Cheloni. C'est une piste prometteuse car si on arrive à décrire les mécanismes par lesquels les microalgues digèrent ou transforment le contaminant, on pourra concevoir de nouvelles molécules qui sont moins persistantes dans les milieux aquatiques naturels. On pourra également utiliser le processus de biodégradation en aval pour le traitement des eaux usées. »

Après avoir scruté la croissance et les réactions des diatomées, la scientifique va étudier d'autres organismes du même groupe de manière à voir s'ils sont capables de faire encore mieux.

Sous-représentation des femmes

Le projet PHYCOCYP a fait l'objet de financements européens via la bourse Marie Sklodowska-Curie (150.000 euros). En parallèle, la scientifique s'est vue décerner le prix Jeunes Talents L'Oreal-Unesco.

« C'est un soutien spécifique à un moment-clé de ma carrière mais aussi une immense reconnaissance pour les Femmes et la science, se réjouit Giulia Cheloni. Aujourd'hui en France, les femmes sont encore sous-représentées dans la recherche scientifique et leurs parcours sont jalonnés d'obstacles. Elles ne représentent que 28% des chercheurs, contre 33,3% au niveau mondial. Elles ont également du mal à accéder à des hautes fonctions académiques : elles sont moins de 14% en Europe. J'ai la chance de pouvoir mener de front carrière professionnelle et vie. Ce prix va me permettre de mieux affronter le plafond de verre et m'aider à valoriser mes recherches scientifiques. »

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