L'ambiance sur le prochain salon Millésime bio, qui ouvrira ses portes du 29 au 31 janvier au parc des expositions de Montpellier, sera un indice révélateur de l'état du marché des vins bio qui, jusqu'ici, a plutôt bien résisté à la déconsommation du vin. Selon les chiffres annoncés par SudVinBio, association interprofessionnelle des vins bio d'Occitanie, les ventes ont progressé de 6,3% en 2022, mais avec une inflation à 5,2% sur l'année. Alors que les résultats de l'année 2023 ne seront connus qu'en juin 2024, sur le terrain, les producteurs en Languedoc témoignent d'un marché plus difficile.
Anne et François Collard, qui exploitent à Beaucaire un vignoble de 65 ha, certifié bio depuis 2014, ont nettement senti une contraction du marché en 2023 : « Nous accusons une petite érosion de nos ventes. Nous avons un gros ralentissement de nos exportations au Japon et aux USA. Par contre, nous nous sommes démenés sur le marché français et avons réussi à gagner de nouveaux clients grossistes. C'est grâce à cet investissement décuplé que nous avons fini l'année 2023 en très légère baisse », confient-ils.
Du bio vendu en conventionnel
A la coopérative gardoise des Vignerons d'Héraclès, premier producteur français de vin bio, l'année 2023 a marqué un réel tournant dans la commercialisation des vins, essentiellement vendus en vrac. Seul 40% du volume de la récolte 2022 a trouvé preneur en bio, les 60% restant ont été vendus en conventionnel. La mise en marché de la récolte 2023 ne se présente guère mieux : à ce jour, seuls 50% de la production sont vendus, mais seulement 35% en bio.
« Maintenant, nous sommes sur les deux marchés : bio et conventionnel alors que jusqu'en 2022, tout était vendu en bio, souligne Jean-Fred Coste, le président de la coopérative gardoise. Nous avons perdu des marchés à l'export, notamment en Allemagne et en Belgique du fait de l'inflation. Le marché vrac du vin bio est planté. Les volumes disponibles ont fortement progressé grâce à la bonne dynamique des conversions. Cet afflux de production survient alors que la demande s'effrite du fait de l'inflation. »
Louis Servat, courtier en vin dans l'Aude, confirme le renversement du marché vrac du vin bio : « C'est un marché qui est passé brutalement de la pénurie à l'abondance. Jusqu'en 2020-2021, le marché était très tendu, les metteurs en marché avaient du mal à s'approvisionner. Beaucoup ont donc renoncé à développer des marchés en bio. Du coup, aujourd'hui, avec l'augmentation des volumes, la demande n'est pas là ».
60% d'augmentation de la production en un an
La production régionale de vins bio a bondi de 600.000 hectolitres en 2022, passant de 1 à 1,6 million d'hectolitres. Cette année, malgré la progression des surfaces certifiées, elle s'est maintenue au même niveau du fait de la sécheresse qui a sérieusement écorné les rendements. Mais en 2024, au vu des nouvelles surfaces qui décrocheront leur certification (7.700 ha), la récolte pourrait atteindre les 2 millions d'hectolitres.
Dans ce contexte, certains font marche-arrière. C'est le cas Christophe Mugard, président de la cave de Monfrin, dans le Gard. A la tête d'une exploitation mixte en viticulture et arboriculture, il préfère se recentrer sur l'arboriculture, compte tenu de l'état du marché du vin bio. Sur ces 50 hectares de vigne, 20 hectares auraient décroché la certification pour la récolte 2024, 27 sont en première ou seconde année de conversion et 3 hectares de blanc sont déjà certifiés.
« Le bio est très gourmand en temps de travail, et je préfère revenir au conventionnel pour me dégager du temps pour l'arboriculture, confie-t-il. Je ne vais conserver que les 3 hectares de blanc, le marché étant plus porteur en blanc. »
Montée en gamme
A SudVinBio, les responsables restent pourtant optimistes. Une étude menée avec le cabinet spécialisé Circana, sur les dynamiques d'achat des acheteurs de vin bio esquisse des tendances favorables pour l'évolution des vins bio : parmi les acheteurs de vin bio au cours des douze derniers mois, 39% sont des néo-acheteurs avec des profils plus jeunes et plus diversifiés socialement. Autre chiffre encourageant : 37% des acheteurs ont augmenté leurs achats de vin bio au cours de l'année (11% les ont réduits), et 32 % des acheteurs prévoient d'augmenter leurs achats de vin bio à l'avenir (12% pensent les réduire).
Carole Frelin, directrice commerciale de Jacques Frelin Vignobles, spécialiste des vins bio, veut voir le bon côté des choses : « Nous disposons maintenant des volumes nécessaires pour nous positionner sur des marchés plus importants, notamment les appels d'offres des monopoles. Mais il nous faut un peu de temps pour concrétiser les premières commandes. Nous pouvons également être plus sélectifs sur la qualité des vins. Cette hausse de la production nous permet une montée en gamme ».
Première place de marché mondiale des vins bio avec 1.500 exposants et 11.000 visiteurs attendus, Millésime bio donnera la tendance du marché en 2024, pour le moment incertain.
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