Crise dans la viticulture : « La filière est résiliente mais on arrive au bout »

Confrontés aux aléas climatiques qui impactent leur récolte et à la mévente de leurs vins, les viticulteurs sont fragilisés. Certaines coopératives risquent de plier boutique. La profession réclame le soutien des pouvoirs publics pour les aider à surmonter cette crise. Elle manifestera ce samedi 25 novembre à Narbonne.
L’équipe des Vignerons Coopérateurs d’Occitanie lors de Conférence de presse le 23 novembre près de Montpellier (de gauche à droite) : Fabien Castelbou (Hérault) Valérie Bastoul (directrice), Ludovic Roux (région), Guillaume Ribes (Pyrénées Orientales).
L’équipe des Vignerons Coopérateurs d’Occitanie lors de Conférence de presse le 23 novembre près de Montpellier (de gauche à droite) : Fabien Castelbou (Hérault) Valérie Bastoul (directrice), Ludovic Roux (région), Guillaume Ribes (Pyrénées Orientales). (Crédits : Michèle Trévoux)

Alerte rouge sur la viticulture régionale. Au lendemain des vendanges, l'ambiance est loin d'être à la fête dans les caves et domaines de la région Occitanie. Malgré une petite récolte, qui selon les estimations du ministère de l'Agriculture, devrait avoisiner les 10,7 millions d'hectolitres (contre 12,6 millions d'hectolitres en 2022), les acheteurs ne se bousculent pas dans les caves pour s'approvisionner en vins de ce nouveau millésime.

Baisse de la consommation du vin en France, mévente des vins rouges, inflation et baisse du pouvoir d'achat.... Les nuages s'accumulent au-dessus de la filière viticole régionale.

« La situation est alarmante, alerte Ludovic Roux, président des Vignerons coopérateurs d'Occitanie. En quelques années, nous avons subi la taxe Trump, la fermeture du marché chinois, le Covid, le gel de 2021, la sécheresse... Tous ces événements qui sont conjoncturels, mis bout à bout, aboutissent à une crise structurelle. La filière est résiliente mais on arrive au bout. Nos coopératives ont de gros problèmes de trésorerie. Une de nos caves adhérentes est déjà en cessation de paiement et d'autres le seront dans les prochaines semaines. Les plus touchées sont celles qui sont en zone d'AOP rouge et qui sont touchées par les aléas climatiques, notamment la sécheresse. »

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Risque de déconversion bio

Aux Vignerons de Tornac, petite coopérative gardoise qui compte 45 adhérents, la récolte 2023 a été catastrophique : 16.000 hl contre 22.000 hl en moyenne.

« C'est la plus petite récolte depuis la création de la cave en 1924, confie Jonathan Dupont, coopérateur et membre du conseil d'administration. Le gros coup de chaleur survenu à partir du 20 août a séché les raisins et réduit les volumes. Par contre, ce millésime est exceptionnel en qualité. »

Cela suffira-t-il à relancer les ventes ? Rien n'est moins sûr. L'an dernier, cette petite coopérative, en bio depuis 2002, a dû envoyer à la chaudière 5.000 hl de vin (sur les 22.000 hl produits en 2022) qui n'avaient pas trouvé preneur. Du coup, la cave a dû réduire de 20% le montant des acomptes payés à ses adhérents. Et rien ne dit que la petite récolte de 2023 soit compensée par une hausse des prix.

« Le marché des vins bio est saturé du fait de la hausse massive de la production, poursuit le viticulteur. Les prix sont quasiment au niveau des vins conventionnels. Nous allons avoir des déconversions... »

Non loin de là, à Massillargues-Attuech, la coopérative Les Portes des Cévennes, connaît les mêmes déboires : sa récolte 2023 a fondu à 20.000 hl contre 25.000 à 29.000 hl en année moyenne, et l'an dernier, elle a distillé 10.000 hl qui lui restaient sur les bras. Là aussi, les acomptes ont été réduit de 20%.

« Si les prix ne remontent pas, cela va accélérer le départ des adhérents en fin de carrière, prédit Christian Vigne, le président. Il faut s'attendre à 30% de perte en surfaces car ceux qui vont rester n'ont pas l'intention de s'agrandir. Et il est à craindre que ces vignes soient abandonnées car les viticulteurs n'ont même plus les moyens d'arracher. »

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« Nos productions jouent le rôle de pare-feu »

Pour Ludovic Roux, la filière aura du mal à se relever sans le soutien des pouvoirs publics : « Investir dans le vignoble, c'est un investissement rentable pour le pays. Grâce à nos exportations, nous contribuons à la réduction du déficit commercial. Et nos productions, qui ne sont pas délocalisables, font vivre des territoires où il n'y a pas d'autres alternatives agricoles et jouent le rôle de pare-feu ».

Il réclame donc des mesures d'urgence pour éviter trop de faillites : exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB), une année bancaire blanche tout comme pour les cotisations MSA, des aides au stockage privé sur deux ou trois ans. Il souhaite également une action forte des pouvoirs publics vers la grande distribution : « On ne peut pas nous demander de ne pas tenir compte de l'inflation dans nos tarifs. La grande distribution veut nous acheter nos vins au même prix qu'il y a deux ans, ce n'est pas tenable ».

Pour une bonne régulation du marché, il pointe la nécessité pour les interprofessions de définir un prix plancher au-dessous duquel les contrats d'achat ne seraient pas validés. Une disposition aujourd'hui interdite car considérée comme contraire à la libre concurrence prônée par Bruxelles.

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Suggestion d'arrachage temporaire

Enfin pour faire face à l'engorgement actuel du marché, le patron de la coopération viticole, appuyé par les organisations professionnelles membres de l'Association générale de la production viticole (AOP, IGP, vignerons indépendants et coopération) suggère une mesure d'aide à l'arrachage temporaire. Les viticulteurs pourraient ainsi arracher une partie de leur vignoble avec obligation de ne pas replanter pendant trois ans.

« Cela représenterait une pause de production de six ans, puisqu'il faut trois ans après plantation pour que la vigne produise, souligne le président des Vignerons coopérateurs d'Occitanie. C'est un moyen de diminuer nos excédents sans perdre notre potentiel de production. »

Des revendications qui seront reprises lors de la manifestation organisée ce samedi 25 novembre, à Narbonne (Aude), par le Syndicat des Vignerons de l'Aude avec le soutien de la plupart des syndicats : vignerons coopérateurs, vignerons indépendants, FDSEA ET CDJA. Le niveau de mobilisation en dira long sur le désarroi de la viticulture régionale.

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