Sur le salon Millésime Bio, les vignerons sceptiques après les annonces gouvernementales

Les mesures annoncées vendredi soir par Gabriel Attal pour calmer la colère paysanne ne semblent pas avoir convaincu la filière viticole du Languedoc-Roussillon. Sur le salon Millésime Bio, qui a ouvert ses portes le 29 janvier à Montpellier, les réactions des viticulteurs oscillent entre colère et scepticisme.
François Douville, viticulteur au Domaine des Conques à Villemolaque (Pyrénées-Orientales), défend la transition écologique : Ce n'est pas de la rigolade, il faut y aller, même si ça va être douloureux. Mieux vaut réfléchir à de nouveaux itinéraires techniques pour faire moins de passages tracteurs plutôt que d'alléger la fiscalité sur le GNR.
François Douville, viticulteur au Domaine des Conques à Villemolaque (Pyrénées-Orientales), défend la transition écologique : "Ce n'est pas de la rigolade, il faut y aller, même si ça va être douloureux. Mieux vaut réfléchir à de nouveaux itinéraires techniques pour faire moins de passages tracteurs plutôt que d'alléger la fiscalité sur le GNR". (Crédits : Michèle Trévoux)

Sur le salon Millésime Bio, qui a ouvert ses portes le 29 janvier à Montpellier, les annonces faites deux jours plus tôt par le Premier ministre Gabriel Attal pour calmer la colère paysanne ne sont pas la préoccupation du moment. Certains vignerons, tout à la préparation de leur salon, n'avaient même pas pris le temps d'étudier les mesures promises. Les autres oscillent entre colère et scepticisme...

« L'agriculture devrait être la priorité de notre pays, on peut se passer de tout sauf de l'agriculture qui nourrit la population, tempête Blaise Saint-Germain, ex-propriétaire du Domaine des Aurelles, à Nizas, dans l'Hérault. Et il ne suffit pas de faire de la com' en disant que la cause des agriculteurs est au-dessus de tout, il faut le prouver en attribuant un ministre d'Etat à l'Agriculture. Il faut donner un message fort et accompagner les agriculteurs dans la transition écologique. Plutôt que d'annuler la hausse des taxes sur le GNR, on ferait mieux de détaxer la main d'oeuvre chez les agriculteurs bio, comme ils le font en Allemagne. »

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« Les mesures annoncées sont à côté de la plaque »

La simplification administrative annoncée par le Premier Ministre a du mal à convaincre. Louise Tangy et Léo Hemmer-Bury, deux jeunes ingénieurs en agriculture qui se sont installés en 2022 sur 20 hectares à Maury (Pyrénées-Orientales), sont plus que sceptiques.

« L'administration est trop dans une logique de contrôle pour que ça change du jour au lendemain, se désolent-ils. Du contrôle, il en faut, mais l'administration doit également être là pour nous renseigner. Nul n'est censé ignorer la loi, mais on ne peut pas tout savoir, d'autant que la réglementation évolue constamment. Et quand on tente de se renseigner, on nous balade d'un bureau à l'autre sans qu'on obtienne une réponse claire et précise. On se sent totalement incompris. Il n'est donc pas étonnant que les mesures annoncées soient à côté de la plaque. »

Louise Tangy et Léo Hemmer-Bury se sont installés en 2022 sur 20 hectares à Maury, dans les Pyrénées-Orientales

Louise Tangy et Léo Hemmer-Bury se sont installés en 2022 sur 20 hectares à Maury, dans les Pyrénées-Orientales (© Michèle Trévoux).

Florian Bruneau, régisseur du domaine La Lauzeta en AOC Saint-Chinian, est également excédé par « la paperasserie astronomique » qui est exigée pour le vin : « Avec un produit transformé, qui plus est qui contient de l'alcool, nous avons trois fois plus de paperasserie que d'autres filières. Et quand on vend à l'export, c'est le summum. Récemment, lors d'une réunion avec les douanes, on nous a exhorté à "harceler" les transporteurs pour obtenir les documents qui prouvent que le vin est bien sorti du territoire. Mais est-ce à nous, vignerons, de faire ça ? C'est du temps que nous n'avons plus pour travailler nos vignes et nos vins, visiter nos clients et en démarcher de nouveaux... ».

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Plus de liberté pour communiquer sur le vin

Thibaud Vermillard, vigneron bio à Lunel-Viel (Hérault), est également dubitatif : « La simplification administrative, on l'attend effectivement, mais on n'y croit pas trop. Que feront-ils des 20.000 fonctionnaires affectés à cette tâche ? », s'interroge le viticulteur qui, lui, souhaiterait un assouplissement de la loi Evin afin de pouvoir communiquer plus librement sur le vin, en insistant sur sa dimension culturelle, plus que sur sa teneur en alcool.

« Le vrai sujet pour nous, vignerons du Roussillon, c'est le manque d'eau. Depuis deux ans, il ne pleut quasiment plus. Certains pieds de vigne commencent à dépérir. C'est là le véritable enjeu pour l'avenir de la viticulture dans notre région, soutient François Douville, du Domaine des Conques à Villemolaque dans les Pyrénées-Orientales, tout en s'élevant contre la suppression de la hausse de la taxe sur le GNR. Ça ne va pas dans le bon sens. La transition écologique, ce n'est pas de la rigolade. Il faut y aller, même si ça va être douloureux. Mieux vaut réfléchir à de nouveaux itinéraires techniques pour faire moins de passages tracteurs plutôt que d'alléger la fiscalité sur le GNR. »

Karine Mirouze, vigneronne au château Beauregard Mirouze

Karine Mirouze, vigneronne au château Beauregard Mirouze (© Michèle Trévoux)

De son côté, Karine Mirouze, vigneronne au château Beauregard Mirouze, dans les Corbières (Aude), ne soutient pas toutes les revendications exprimées ces derniers jours, même si elle a appelé à manifester : « Le malaise agricole existe, c'est certain, je partage ce constat mais les solutions évoquées - moins de contraintes environnementales, plus de libéralisme -, ne me paraissent pas appropriées. Il faut que les agriculteurs puissent vivre dignement de leur métier. Il faut développer les filières locales et le pouvoir d'achat. Nous proposons la création d'une sécurité sociale de l'alimentation, pour permettre à chacun de s'alimenter correctement avec des produits locaux ».

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« 50 millions d'euros pour le bio, c'est du saupoudrage »

Du côté de Sudvinbio, organisateur du salon Millésime bio, c'est également l'insatisfaction qui domine après les annonces gouvernementales.

« Parmi la production bio, la filière vin s'en sort plutôt bien, même si certaines exploitations sont en difficulté du fait de la forte hausse des volumes produits, estime Jeanne Fabre, présidente du salon. Mais nous sommes solidaires des autres filières et nous estimons que l'enveloppe de 50 millions d'euros pour le bio est insuffisante. Ramené aux nombres d'exploitations bio en France, ça représente une aide de 833 euros par ferme, c'est du saupoudrage ! »

Nicolas Richarme, président de SudVinBio, prône un autre genre de soutien : « Il faudrait un plan par filière. Pour le vin, l'urgence, c'est de convertir les consommateurs au bio pour trouver des débouchés aux surplus de production qui engorgent le marché. Il nous faut donc des aides pour un ambitieux plan de communication ».

Le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, devrait faire de nouvelles annonces dès ce 30 janvier. Initialement annoncée le 2 février, mais pas confirmée à ce jour, sa venue à Montpellier est attendue avec impatience par toute la filière viticole régionale.

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Commentaire 1
à écrit le 30/01/2024 à 12:30
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nous en bourgogne les vignerons roulent sur l or !

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