« Il est temps de mieux communiquer sur l’emploi agricole afin d’attirer apprenants et salariés »

Face aux difficultés de recrutements, la délégation Occitanie de l’Apecita, association spécialisée dans l’emploi et la formation en agriculture, agroalimentaire et environnement, se mobilise pour aider les entreprises, les filières et les établissements de formation à mieux communiquer et attirer de nouveaux talents. Un défi car le secteur souffre d’un vrai manque de connaissance et de reconnaissance auprès des jeunes diplômés.
En Occitanie, sur les 3.035 postes à pourvoir en 2023, les métiers de la recherche et de l'expérimentation agronomique arrivaient en tête, suivis des métiers de la production agricole ou agroalimentaire et des métiers du conseil et de l'animation.
En Occitanie, sur les 3.035 postes à pourvoir en 2023, les métiers de la recherche et de l'expérimentation agronomique arrivaient en tête, suivis des métiers de la production agricole ou agroalimentaire et des métiers du conseil et de l'animation. (Crédits : Blue Whale)

Malgré une croissance en berne, les intentions d'embauche des cadres continuent d'accélérer en 2024 (sources Apec). Pour autant, les difficultés de recrutement génèrent de fortes tensions. L'Apecita (Association pour l'emploi des cadres, ingénieurs et techniciens de l'agriculture) vient de fêter ses 70 ans. A cette occasion, un œil dans le rétroviseur, ses spécialistes de l'emploi en agriculture, agroalimentaire et environnement tentent de donner un coup de neuf et de boost aux campagnes de recrutement des entreprises et des établissements de formation.

« Le marché reste très tendu et on constate une difficulté à remplir les formations, note Morgane Prost, déléguée régionale Apecita Occitanie Montpellier. Par ailleurs, les métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire apparaissent comme peu connus du grand public. Il est temps de mieux communiquer sur l'emploi agricole afin d'y attirer de futurs apprenants et salariés. »

Lire aussiEmploi : dans l'agriculture, « il y a beaucoup de métiers périphériques méconnus »

Déficit d'image

L'Apecita (14 délégations territoriales réparties sur 19 bureaux, une cinquantaine de salariés) a trois missions majeures : accompagner les employeurs dans leur recrutement, conseiller et orienter les candidats, et contribuer à l'insertion professionnelle en appui aux organismes de formation. Pour mieux comprendre le manque d'attractivité de la filière agricole et agroalimentaire, Morgane Prost s'est récemment prêtée à l'exercice du micro-trottoir.

« Bien souvent réduite au seul métier d'agriculteur exploitant, l'agriculture reste associée à une filière d'échec ou dans laquelle on ne s'épanouit pas, observe-t-elle. La vision de l'agriculteur avec sa fourche et son chapeau de paille perdure, et avec le mouvement des agriculteurs en colère, confrontés à la pénibilité du travail, aux horaires contraignants, aux faibles revenus, aux aléas climatiques, etc., le raccourci est vite fait. Le souci est le même dans l'agroalimentaire, assimilé à une industrie de grande taille alors que notre région est principalement structurée par des TPE et PME ! A cela s'ajoute une vision du travail négative, avec des opérateurs à la chaîne et des scandales sanitaires. Seul le secteur environnemental jouit d'une meilleure attractivité car assimilé à la gestion et protection de la nature, ce qui n'est pourtant pas forcément le cœur des recrutements. »

Pourtant, comme le rappelle l'Apecita, l'agriculture est loin de se limiter aux métiers des champs. Elle englobe même un large panel de professions aux compétences variées, allant de la recherche scientifique au conseil, en passant par le commerce ou l'administratif.

En Occitanie, sur les 3.035 postes à pourvoir en 2023 (même ratio cette année), les métiers de la recherche et de l'expérimentation agronomique arrivaient en tête (portés notamment les nombreux organismes en région comme l'Inra ou le Cirad), suivis des métiers de la production agricole ou agroalimentaire (chefs de culture, responsables de production, conducteurs de travaux dans le milieu paysager) et des métiers du conseil et de l'animation. Autant de secteurs qui requièrent « une foultitude de compétences variées », assure Morgane Prost.

« En mode entreprenariat »

Spécialisé dans la fourniture de produits, services et matériels pour les agriculteurs et professionnels des espaces verts, le groupe gardois Perret (270 millions d'euros de chiffre d'affaires, une vingtaine de filiales et 60 sites) emploie 680 collaborateurs et recherche régulièrement des profils (une vingtaine en ce moment).

« Nous avons quelques difficultés à recruter sur le pôle opérationnel, c'est à dire des préparateurs de commande ou des caristes, car ce sont des métiers qui demandent de la manutention, une cadence soutenue et de la flexibilité, indique Charlotte Martin chargée de recrutement et développement RH. En revanche, a contrario d'autres sociétés du secteur, nous n'avons pas de difficultés sur les postes d'ingénieurs agronomes ou de R&D. Cette facilité à recruter sur des profils spécifiques s'explique notamment par notre marque employeur reconnue de tous. Nous mettons également en place des partenariats avec un panel d'écoles agricoles ou agroalimentaires et des BTS agricoles pour faire découvrir les postes variés proposés au sein du groupe. Perret reste une entreprise familiale qui prône l'entreprenariat : le fait de pouvoir mettre en pratique sa créativité ou travailler en mode projet correspond, je pense, aux attentes des nouvelles générations. »

Lire aussiAgriculture et industrie : faute d'emplois, des territoires se sont dépeuplés en Occitanie

Raconter le quotidien

Pour gagner en attractivité, Léo Bernard, créateur de contenu et expert du Lab'by Welcome to the jungle (plateforme qui explore le monde du travail), prône, sur son site internet, une modernisation des campagnes de recrutement : « Aujourd'hui les candidats et actifs en poste veulent rejoindre une mission qui leur tient à cœur et leur apporte épanouissement. Idem pour les entreprises : terminée, l'ère du recrutement passif, standardisé avec des offres d'emploi à rallonge ! Sans être pour autant un pro de la communication, il est tout à fait possible d'être plus attractif en menant, notamment sur les réseaux sociaux, des campagnes impactantes, prenant réellement en compte le quotidien de l'entreprise ».

Ainsi, Thomas Vidal, le directeur de la coopérative Origine Cévennes (17 salariés) regroupant une soixantaine de producteurs spécialisés dans l'oignon doux, communique-t-il énormément, via les réseaux, sur l'activité quotidienne de l'entreprise, racontant le lancement de la production, la récolte ou le conditionnement des oignons.

« Ce buzz peut faire naître des vocations, espère-t-il. Mais notre problème majeur reste lié aux deux pics d'activité, le repiquage en mai et l'arrachage en août, qui nécessitent de recruter 150 à 200 saisonniers sur un secteur excentré, à 1h30 de Nîmes ou de Montpellier. »

« Montrer la modernité de ces filières »

Au-delà de l'accompagnement des entreprises et des candidats, l'Apecita intervient au sein des établissements de formation. En 2023, plus de 150 centres de formation ont eu recours à ses services. En parallèle, l'association développe tout un programme de webinaires disponibles en replay afin de permettre aux enseignants de faire découvrir le marché de l'emploi et les métiers dans les filières. Morgane Prost intervient également dans des salons locaux comme le Scène d'Expression Végétale Ephémère (SEVE) à Montpellier ou le Salon des Agricultures méditerranéennes.

« Lorsque j'interviens dans des salons, j'essaie de montrer la modernité de ces filières : utilisation de drones, robots, tracteurs avec GPS, portables avec outils d'aide à la décision pour mieux produire, raconte la déléguée régionale. L'agriculture est en pleine mutation technologique et sociale. Des opérations nationales dédiées à l'agriculture durable comme "De ferme en ferme" favorisent les rencontres et éclairent sur les modes de production. Il faut multiplier les initiatives en ce sens, les portes ouvertes en entreprises, pour collectivement raconter une nouvelle histoire pour notre secteur et lui donner un cap. »

Lire aussiEmploi : en Occitanie, la filière agroalimentaire sonne la mobilisation générale pour séduire à nouveau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.