Chez Dell France, 270 salariés partent en rupture conventionnelle collective et l’inquiétude grandit chez ceux qui restent

En février 2023, le fabricant américain d’ordinateurs Dell annonçait la suppression de 6.650 postes dans le monde, sans indiquer leur répartition. Une rupture conventionnelle collective a finalement été signée à la mi-décembre 2023, portant sur 270 salariés sur les deux sites français du groupe, à Paris et Montpellier. Les premiers quittent l’entreprise ce mois d’avril, laissant derrière eux une forte inquiétude pour l’avenir.
Cécile Chaigneau
En France, l'Américain Dell allège ses effectifs de 270 salariés par le biais d'une rupture conventionnelle collective.
En France, l'Américain Dell allège ses effectifs de 270 salariés par le biais d'une rupture conventionnelle collective. (Crédits : DR)

Le groupe américain Dell employait l'an dernier quelque 133.000 personnes dans le monde, dont près d'un tiers aux Etats-Unis. Sur ses deux implantations en France, les effectifs étaient d'environ 900 salariés à Montpellier (siège social de Dell Technologies France et Europe du Sud, piloté, depuis septembre 2022, par Laure Benezeth et Nicolas Guétin) et 800 salariés à Bezons, près de Paris. En février 2023, le groupe avait annoncé la suppression de 5% de ses effectifs mondiaux, soit environ 6.650 postes. Une nouvelle qui s'inscrivait dans un vaste mouvement touchant le secteur de la tech, où plusieurs piliers comme Alphabet (Google, YouTube), Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp), Microsoft, Amazon ou Twitter, annonçaient eux aussi d'importantes réductions d'effectifs.

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Une rupture conventionnelle collective (RCC) a finalement (et précipitamment, estiment les syndicats) été signée le 15 décembre 2023, portant sur 270 salariés en France, au lieu des 323 initialement prévus. Dont environ la moitié à Montpellier et la moitié en région parisienne, « où il n'y a quasiment que des cadres », précise Pascal Dumarcel, délégué syndical FO chez Dell à Montpellier. Il indique que l'accord n'a été signé par aucun syndicat à l'exception de la CFE-CGC, majoritaire au sein de l'entreprise.

« Cela fait environ deux ans qu'on limitait les recrutements pour éviter une RCC, déclare le délégué syndical. Mais tout ça est géré à l'américaine... Ils ont fait en sorte d'enclencher la RCC avant les vacances de Noël ! »

« L'entreprise est riche »

La direction de l'entreprise, sollicitée par La Tribune, fait répondre par le biais d'un mail de son prestataire en communication, qu' « un accord de rupture conventionnelle collective a été signé au sein de Dell France. Il concerne les deux sites de Montpellier et de Bezons et envisage uniquement des départs volontaires. Il n'y a aucun départ contraint dans ce cadre. Dell Technologies évalue en permanence ses activités afin de rester compétitifs. Dell ne souhaite pas communiquer d'autres informations sur ce sujet ».

« Dell faisait des ruptures conventionnelles individuelles, mais était limité à dix départs par mois, précise le délégué FO. La RCC a permis de booster les départs. Pour ceux qui ne sont pas partis avec la RCC, si leurs postes disparaissaient, ça serait des licenciements économiques déguisés... »

Comment le groupe américain en est-il arrivé là ? Pascal Dumarcel contextualise : « Dell a connu une forte progression avec le Covid car il a fallu équiper tout le monde, mais chez Dell, on est très "challenging" sur les objectifs commerciaux : ils veulent toujours faire plus que l'année d'avant. Sauf qu'en période post-Covid, c'était difficile car les entreprises s'étaient déjà équipées. Donc les objectifs n'ont pas été atteints. En 2023, ce sont 65% des commerciaux qui ne les ont pas atteints, ce qui est bien le signe d'un marché qui a ralenti. Mais malgré ça, l'entreprise n'est pas en difficulté, elle est même très riche puisqu'elle a distribué 140 millions d'euros de dividendes l'an dernier ! Mais si elle a une stratégie à vingt ans, on y travaille à vue sur six mois à un an : cela fait 22 ans que je suis chez Dell, et j'ai connu le PSE de 2009 en France, or un an après, on était revenu au même nombre de personnes ! Dell s'adapte au contexte... Aujourd'hui, Dell reste compétitif dans le sens où ils font le même chiffre d'affaires avec moins de personnes. D'autant qu'ils ont pour stratégie de travailler avec l'IA, ce qui peut signifier moins de monde pour faire le tout venant, et de travailler en indirect, ce qui nécessite moins de salariés ».

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« L'ambiance est assez lourde »

La RCC prend effet dès ce mois d'avril, au cours duquel les premiers salariés concernés commencent à partir. Pascal Dumarcel estime que « début septembre, tous les salariés concernés par la RCC seront partis ».

« Sur les 270 salariés, 60 partent sans projet et vont pointer à France Travail, regrette le délégué FO. Parmi les autres, certains avaient des projets individuels de création d'entreprise ou avaient trouvé un autre emploi, d'autres étaient en pré-retraite... Beaucoup, parmi ceux qui n'ont pas pu bénéficier de la RCC, sont en arrêt maladie. »

Car l'inquiétude est vive chez ceux qui restent : « On avait demandé un geste, une prime, une réorganisation de la charge de travail, mais on n'a rien obtenu ! Donc ceux qui restent en effectifs réduits vont faire face à la même charge de travail. Certaines équipes sont passées de dix personnes à deux ou trois... Aujourd'hui, la question des salariés chez Dell, c'est "comment on va faire cette année ?". La conséquence, en termes de risques psycho-sociaux, est réelle. L'ambiance est assez lourde. Les gens continuent de travailler avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête ! On a été lanceurs d'alerte, maintenant, on reste vigilants ».

Dans ce contexte, un autre élément vient tendre l'ambiance de travail : la direction américaine commencerait à rechigner sur le télétravail. Comme beaucoup d'entreprises, la règle est revenue à trois jours de télétravail par semaine en moyenne, selon les postes. Mais les délégués syndicaux soulignent une incitation à peine dissimulée à revenir plus souvent au bureau.

« Ils évoquent une perte de dynamique à ne pas se voir au bureau, mais on pense qu'il pourrait aussi s'agir de justifier la raison d'être des sites », analyse Pascal Dumarcel.

Dans ce contexte, certains imaginent aussi que des réticences à revenir au bureau pourraient leur coûter des évolutions de carrière...

Lire aussi« On voit émerger deux tendances : le multi-cloud et la cybersécurité » (Stéphane Huet, Dell Technologies France)

Cécile Chaigneau

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Commentaire 1
à écrit le 06/04/2024 à 9:56
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