Flexitanie : les vertus attendues des bornes de charge bi-directionnelles et intelligentes

Enquête (2/5). Deuxième volet de notre série de cinq enquêtes sur le business complexe des bornes de recharge électrique, qui sont publiées chaque jour depuis hier jusqu'à vendredi. La Tribune a sélectionné plusieurs pépites françaises qui dynamisent le marché des bornes. C'est notamment le cas du projet "Flexitanie", un démonstrateur initié par EDF, la région Occitanie et l'Ademe qui comptera, à terme, une centaine de bornes de charge bi-directionnelles pour transformer les véhicules électriques en capacité de stockage et donner de la flexibilité sur le réseau.
Cécile Chaigneau
DREEV (filiale d'EDF) a développé une technologie de pilotage de bornes de charge bi-directionnelles intelligentes pour les véhicules électriques.
DREEV (filiale d'EDF) a développé une technologie de pilotage de bornes de charge bi-directionnelles intelligentes pour les véhicules électriques. (Crédits : DREEV)

Et si les bornes de recharge servaient d'outil de stockage de l'énergie pour la restituer dans le réseau électrique quand on en a besoin ? Et si elles permettaient de faciliter l'intégration des énergies renouvelables en proposant justement de stocker cette énergie intermittente dans les batteries des véhicules électriques en stationnement ? L'outil : la technologie vehicule-to-grid (V2G) et des bornes de charge bi-directionnelles intelligentes.

C'est l'expérimentation que fait le projet Flexitanie en Occitanie grâce au déploiement d'une centaine de bornes de charge bi-directionnelles pour tester, à grande échelle et sur une unité de lieu géographique, le service de pilotage de ces bornes. Le projet a été lancé fin 2020 par EDF, la Région Occitanie (et son agence de développement Ad'Occ) et l'ADEME, en partenariat avec le pôle de compétitivité DERBI, Leader Occitanie, l'association nationale pour le développement de la mobilité électrique (AVERE) et la CleanTech Vallée dans le Gard.

Cette nouvelle technologie V2G, développée par DREEV, une co-entreprise créée par EDF et la startup californienne NUVVE, permet ainsi d'alimenter le réseau électrique en fonction de ses besoins tout en lui offrant de la flexibilité.

Si le démonstrateur permettra, à terme, d'observer le comportement des utilisateurs face à cette nouvelle technologie, il a aussi et surtout vocation à valider la pertinence de la technologie V2G pour l'intégration des énergies renouvelables.

Plus de résilience, moins de gaspillage d'ENR, moins de CO2

« Nous travaillons, au niveau national, sur une soixantaine de projets innovants sur les systèmes électriques intelligents, mais jamais à cette échelle-là d'une centaine de bornes, souligne Céline Vachey, directrice régionale adjointe de l'Ademe Occitanie. Sur ce sujet, il y a trois enjeux : favoriser l'intégration des ENR sur le réseau, trouver des solutions de stockage à bas coût, et intégrer de l'électro-mobilité. »

Une étude, réalisée par EDF et partiellement financée par l'Ademe, a modélisé le parc de véhicules électriques et la production d'énergies renouvelables dans différents scenarii. Elle permet d'ores et déjà d'avoir une idée des vertus de la technologie V2G.

« Sur l'hypothèse haute d'un parc de véhicules élargi, c'est-à-dire la moitié du parc en véhicules électriques (soit 1,5 millions en Occitanie) et 20% pilotés en bi-directionnel, on observe que, sur les pointes de consommation, on augmente la résilience du réseau, nous apprend Samuel Puygrenier, chargé de mission à l'Ademe Occitanie. Je m'explique : les marges du système électrique, c'est-à-dire ce que le réseau peut fournir avant d'atteindre sa capacité maximale de production, est à 500 MW du black-out en Occitanie, même si le réseau ne se résume pas aux portes de l'Occitanie. Avec la technologie V2G, on remonte à 2.000 MW... L'autre question, c'est comment on évite de perdre de la production d'ENR. En 2035, on serait à 2,6% des ENR qui ne sont pas utilisées. Grâce à ce système V2G, on arrive à descendre à 0,3% des ENR non utilisées. Enfin, on peut espérer une amélioration du point de vue des émissions carbone : les actifs de production activés en pointe de consommation, c'est du thermique. Or, avec cette technologie V2G, on peut réduire de 50% à 60% le recours aux centrales thermiques et donc réduire le CO2. Dans le parc de véhicules électriques, on émettrait 140.000 t. de CO2 en Occitanie, et grâce à l'utilisation de la charge pilotée, on éviterait 15.000 t, dont les deux-tiers, 9.500 t., grâce à l'aspect bi-directionnel. »

Le retour d'expérience nécessitera un système plus chargé

Les bornes intelligentes du projet Flexitanie, fabriquées par l'entreprise helvético-suédoise ABB et embarquant la technologie DREEV, vont alimenter une flotte de 100 véhicules Nissan LEAF 100% électriques répartis chez des industriels. Soit l'équivalent d'une centrale de production de 1 MW.

Le déploiement des véhicules et des bornes est encore en cours, soit un investissement de 7.000 à 8.000 euros par borne, financé pour moitié par l'industriel et pour moitié par la Région Occitanie.

« Le déploiement a été un peu perturbé par le contexte sanitaire et, aujourd'hui, il y a une dizaine de véhicules en circulation et une cinquantaine de bornes installées ou en cours d'installation, indique Sylvain Vidal, délégué régional EDF Occitanie. Mais le parc est insuffisant pour avoir un retour d'expérience, il faut que le système soit plus chargé. On aimerait être à pleine charge mi-2022. »

Une appli pour piloter le degré de déchargement du véhicule

Le groupe D&S (200 salariés), dans le Gard rhodanien à Bagnols-sur-Cèze, est spécialiste de la maîtrise du risque en milieu nucléaire, et accompagne les exploitants et les prestataires du secteur sur la sûreté, le démantèlement, la radioprotection, les déchets nucléaires, le désamiantage ou encore les mesures radiologiques. Il est le premier industriel partenaire du démonstrateur. L'entreprise, qui a déjà des véhicules électriques et des bornes de charges classiques, a fait installer sur son site, en janvier 2021, une première borne bi-directionnelle.

« Nous avons investi dans un véhicule utilitaire Nissan NV200, qui sert à aller sur nos différents sites d'intervention dans un rayon de 50 km, explique Julien Feja, le dirigeant de D&S. Le véhicule doit être retourné le soir et branché. Parfois, il est branché en journée et stocke l'énergie solaire puis la renvoie sur le réseau quand c'est nécessaire. L'application smartphone nous permet d'enregistrer les horaires d'utilisation, d'indiquer jusqu'où il peut être déchargé, et d'intervenir sur la planification. »

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LES ONZE PÉPITES SÉLECTIONNÉES PAR LA TRIBUNE

Freshmile, la pionnière de la recharge électrique qui veut se frotter à TotalEnergies

  • La PME, qui sait gérer la puissance des bornes pour assurer un maillage intelligent du territoire, a été choisie pour équiper la capitale strasbourgeoise d'environ 1.000 bornes de recharge d'ici à 2035.

Avec les bornes de SGA Mobility, une recharge électrique simple comme un plein à la pompe

  • Ce fabricant rouennais est l'un des très rares opérateurs de mobilité à proposer des bornes de recharge électrique sans obligation d'abonnement, avec un paiement par simple carte bancaire.

GNV, hydrogène, biométhane, électricité... Proviridis invente la station multi-carburants verts

  • Avec ses stations-services proposant un mix de solutions vertes, pour son compte ou pour le compte de tiers, la PME des Bouches-du-Rhône a l'ambition de ne laisser aucun trou dans la raquette.

EVBox Bordeaux dans la course mondiale du marché des bornes de recharge rapide

  • Montée en puissance après son rachat en 2018 par EVBox, l'ex-EVTronic, adossée à un grand pôle R&D, affiche un bilan de 5.000 bornes de recharge rapide et ultra-rapide fabriquées et exportées dans 70 pays.

Gulplug, ce grenoblois qui crée la recharge 100% automatique des véhicules électriques

  • Cette spin-off de Schneider Electric est en phase de pré-industrialisation d'un nouveau mode de branchement automatique, en partenariat avec des acteurs majeurs comme Navya (navettes autonomes).

Avec Wesk, l'ancien président de Navya vise l'autopartage... sans bornes de recharge

  • Ce spécialiste de l'autopartage proposer une mobilité électrique avec des batteries dites "swappables" (échangeables). Deux objectifs : réduire les coûts d'accès aux infrastructures de recharge, faciliter le déploiement de solutions d'autopartage.

Bornes de recharge : IES Synergy prépare la nouvelle génération

  • La PME héraultaise travaille sur une technologie nouvelle capable de doubler la puissance de charge avec la même taille de câbles.

Bornes de recharge : Ze-Watt cherche désormais partenaire(s) particulier(s)

  • La startup toulousaine, qui gère aujourd'hui un réseau d'environ 5.000 points de charge en France pour de grands groupes, des ETI, des administrations ou des plateformes logistiques, se déploie désormais sur le marché des particuliers.

Bornes de recharge : Bolloré fabrique mais n'exploite plus

  • Où en est l'activité électrique du groupe Bolloré qui nourrissait il y a quelques années de grandes ambitions? Transférée au sein de la filiale BlueSystems, via l'entité IER Électromobilité, l'activité des bornes électriques est désormais centrée sur la fabrication et la commercialisation de systèmes de recharge à des clients extérieurs.

Savoir-faire et "made in France"... les atouts de la nordiste DBT sur le marché des bornes de recharge

  • La PME, spécialiste des bornes de recharge et du « made in France », a été choisie dès 2011 par Nissan pour lancer un tout nouveau concept de chargeur rapide en Europe.

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AU SOMMAIRE de notre DOSSIER de la SEMAINE

Lundi 13 septembre, premier épisode de notre enquête en 5 volets :
Bornes de recharge : le maillon faible de la révolution électrique de l'automobile

Mardi 14 septembre, deuxième volet destiné au décryptage d'un écosystème complexe, avec en supplément le portrait de 11 pépites hexagonales : 
Voiture électrique : la bataille des bornes de recharge fait rage

Mercredi 15 septembre, le troisième volet de notre enquête abordera la problématique des "zones blanches", les aires d'autoroutes, les voieries, les copropriétés..., des espaces jugés prioritaires par le gouvernement. Mais les besoins sont partout, sur les parkings des entreprises, des supermarchés....

Voiture électrique : le casse-tête des bornes de recharge dans les "zones blanches"

Jeudi 16 septembre, le quatrième volet détaille les spécificités régionales du déploiement de l'électromobilité. C'est pour cela que nous avons mobilisé l'ensemble de nos bureaux présents dans les 13 régions françaises pour dresser un état des lieux de chaque région en présentant leur feuille de route.  Dont celle de l'Occitanie.

Vendredi 17 septembre, le cinquième et dernier volet de notre enquête est centré sur le consommateur, que nous n'avons pas oublié. Car le passage à la voiture électrifiée entraîne de nouveaux usages et de nouveaux comportements. Mais tourne aussi au casse-tête quand il est confronté à la multitude de cartes d'abonnement des opérateurs, la différence de prises, sans parler de la jungle tarifaire. Une nouvelle expérience-client et une nouvelle façon de consommer de l'automobile que nous vous présenterons sur la base de témoignages de conducteurs.

Voiture électrique : le grand bazar des cartes d'abonnement aux bornes de recharge

Cécile Chaigneau

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