Pourquoi La TeleScop entre au capital du spécialiste toulousain de la pollution lumineuse DarkSkyLab

La startup coopérative montpelliéraine La TeleScop rentre, en mars 2022, dans le capital de DarkSkyLab, bureau d’études toulousain, spécialisé dans l'expertise scientifique de la pollution lumineuse. Pourquoi une entreprise de l’économie sociale et solidaire fait-elle le choix de ce modèle de développement économique ? Son fondateur Bastien Nguyen Duy-Bardakji, et Sébastien Vauclair, le fondateur de DarkSkyLab, s’expliquent. Leur objectif à terme : produire une cartographie de pollution lumineuse de référence.
Cécile Chaigneau
La TeleScop et DarkSkyLab ont déjà produit, en 2021, la première cartographie régionale de pollution lumineuse pour la Région Occitanie à partir des données satellitaires.
La TeleScop et DarkSkyLab ont déjà produit, en 2021, la première cartographie régionale de pollution lumineuse pour la Région Occitanie à partir des données satellitaires. (Crédits : DR)

Acteur de référence pour l'étude des impacts de l'éclairage sur l'environnement nocturne, DarkSkyLab a proposé à La TeleScop d'entrer à son capital afin de renforcer une collaboration de longue date sur le sujet de la pollution lumineuse, portée par les deux fondateurs respectifs, Sébastien Vauclair et Bastien Nguyen Duy-Bardakji.

La TeleScop, créée en 2018 à Montpellier, est une société coopérative et participative (Scop) spécialisée en télédétection, cartographie et appui aux politiques publiques. Elle répond aux besoins des acteurs publics et privés en acquisition, production et exploitation de données spatialisées dans les domaines de l'environnement et l'aménagement du territoire. La TeleScop est partenaire de distribution des principaux fournisseurs internationaux de données satellitaires : Airbus (France), Planet (USA), CG Satellite (Chine).

Créé en 2014, DarkSkyLab est un bureau d'études toulousain spécialisé dans l'expertise scientifique de la pollution lumineuse et de ses impacts sur les écosystèmes. Ses deux outils de mesure et de caractérisation de la pollution lumineuse, le moteur de simulation de pollution lumineuse Otus et le système de mesure de la pollution lumineuse en continu Ninox, permettent à DarkSkyLab de proposer des services de diagnostics d'éclairage public et privés afin d'en optimiser l'usage, de protéger l'environnement nocturne et de réaliser des économies sur les dépenses énergétiques.

Sobriété lumineuse

La pollution lumineuse n'est plus, aujourd'hui, l'apanage des astronomes en quête d'un ciel non pollué par l'éclairage produit par l'activité humaine. Sébastien Vauclair, astrophysicien de formation, en explique les enjeux.

« Jusqu'en 2010 environ, cette question de la pollution lumineuse n'intéressait que les astronomes, puis la crise économique est passée par là et on a réalisé que 40% de la dépenses d'électricité part dans éclairage public, rappelle-t-il. La sobriété lumineuse est une source d'économie d'énergie mais aussi d'économie financière. Aujourd'hui, DarkSkyLab propose 70% d'économie aux collectivités en revoyant leur éclairage public. A titre d'exemple, l'éclairage à Toulouse, ce sont 4 millions d'euros de dépense par an... C'est aussi une économie énergétique, or le niveau de pression est énorme sur la biodiversité : toute la vie sur Terre a évolué avec le cycle jour/nuit sur lequel l'Homme interfère, perturbant la faune, la flore et tout ce qui vit sur Terre. Et pas seulement les chauve-souris, puisqu'il faut savoir que 150 insectes meurent par lampadaire et par nuit ! Enfin, il y a également un point de santé publique, l'Homme ayant besoin d'obscurité totale pour bien dormir. »

Extinction de l'éclairage nocturne, pour quel effet ?

Les deux structures ont notamment déjà produit ensemble, en 2021, la première cartographie régionale de pollution lumineuse pour la Région Occitanie à partir des données satellitaires.

« Nous observons, sans surprise, que les grandes zones métropolitaines et le littoral sont très impactés, et que le Lot, les Pyrénées ou Cévennes pas mal préservés, souligne Sébastien Vauclair. Si on analyse l'impact des extinctions d'éclairages publics dans les communes la nuit, on voit que plus on va du nord-ouest au sud-est et moins les communes pratiquent l'extinction des lumières la nuit. C'est notamment une question culturelle qu'on retrouve à l'échelle de la France... Nous avons produit une carte dynamique de l'évolution de la pollution lumineuse depuis 2014 et observé qu'en cœur de nuit (après minuit, NDLR), au regard des pratiques d'extinction des éclairages publics, on a multiplié par trois les zones d'obscurité naturelle préservées. Ce qui est un progrès même si ce n'est pas suffisant car l'impact de l'éclairage public est surtout important sur les extrémités de nuit. »

La TeleScop et DarkSkyLab travaillent aussi sur un projet avec la Métropole de Montpellier et l'INRAE-Tetis (unité de recherche pour les territoires et l'environnement par la télédétection et l'information spatiale) « pour cadrer l'évaluation des images en vue de définir des indicateurs pertinents », précise Bastien Nguyen Duy-Bardakji.

Une étude similaire est en cours à l'échelle de la Métropole du Grand Paris en collaboration avec TerrOïko, qui fait également son entrée au capital de DarkSkyLab. Créé en 2012 et basé à Sorèze (Tarn), TerrOïko développe des outils numériques innovants destinés à l'analyse et à la modélisation de données pour mesurer l'impact des différents niveaux de pression sur la biodiversité (simulation des dynamiques de populations d'espèces).

Une  stratégie duplicable

Sébastien Vauclair précise ainsi la nouvelle répartition du capital de DarkSkyLab : 10% pour La Telescop et 39% pour TerrOïko.

Grâce à son partenariat de distribution avec CG Satellite, fournisseur d'images satellitaires de nuit à haute définition, La TeleScop va permettre au moteur de simulation Otus de DarkSkyLab de disposer de nouveaux types de données pour produire des cartes de diffusion de la lumière à l'échelle de territoires toujours plus fins. DarkSkyLab et La TeleScop collaboreront également à la recherche et au développement sur les biais de la modélisation de la pollution lumineuse : halo lumineux, effets barrière, lumière bleue...

« Nous répondions déjà à des appels d'offres avec La Telescop et TerrOïko, indique Sébastien Vauclair. Ce partenariat est une valeur ajoutée en termes d'acquisition de données. Et nous avions besoin d'oxygène en matière de compétences pour donner plus de capacités de à notre bureau d'études. »

De son côté, Bastien Nguyen Duy-Bardakji explicite les raisons de ce modèle de développement économique pour sa Scop, qui pourrait bien se dupliquer sur d'autres thématiques que la pollution lumineuse : « A La TeleScop, nous sommes des ingénieurs généralistes. Nous avions envisagé de créer une entreprise spécialisée sur la pollution lumineuse mais DarkSkyLab est leader sur le sujet et nous travaillons déjà ensemble, donc l'idée de rentrer dans leur capital est apparue. C'est un modèle que nous n'avions pas imaginé en terme de stratégie. Cette synergie avec DarkSkyLab va nous permettre d'être hyper compétitifs sur la pollution lumineuse et de travailler à l'export. C'est très gratifiant pour La TeleScop et nos travaux démontreront que ce modèle-là peut se dupliquer sur d'autres services ».

Car leur ambition est de produire une cartographie de pollution lumineuse de référence, qui pourrait aller au-delà des frontières nationales.

Enfin, l'astrophysicien et l'ingénieur en capteurs satellitaires souhaitent lancer une réflexion avec les agences spatiales et industriels français et européens autour du développement de technologies spatiales dédiées à l'acquisition d'images nocturnes.

« On rêve de lancer nos propres nanosatellites pour des solutions dédiées à la pollution lumineuse », lance Bastien Nguyen Duy-Bardakji.

Cécile Chaigneau

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