« Le travail en temps partagé est une formule gagnant-gagnant pour l’entreprise et le salarié »

ENQUÊTE (2/3) – A Montpellier, le groupement d’employeurs GEMME Hérault développe le travail en temps partagé dans différents secteurs et sur différents métiers. Créé il y a trois ans, un peu avant la crise sanitaire du Covid, il est encore en phase d’évangélisation des entreprises (une trentaine sont adhérentes aujourd’hui).
Cécile Chaigneau
Le GEMME Hérault a été créé il y a trois ans à Montpellier et compte aujourd'hui 31 TPE-PME adhérentes et 11 contrats de salariés en travail partagé.
Le GEMME Hérault a été créé il y a trois ans à Montpellier et compte aujourd'hui 31 TPE-PME adhérentes et 11 contrats de salariés en travail partagé. (Crédits : DR)

Frédéric Bécamel et Sébastien Gleyze sont les cogérants de Sud Fromage, basée au marché-gare de Montpellier, distributeur de fromages et produits laitiers auprès du réseau traditionnel épicerie fine, fromagers, bouchers-charcutiers, primeurs (200 clients, 6 millions d'euros de chiffre d'affaires). Parmi leurs sept salariés, il y a Marie-Josée, leur secrétaire administrative arrivée en novembre 2021. Recrutée par le GEMME Hérault, groupement d'employeurs multi-métiers et multi-secteurs, elle a démarré avec un contrat de 20 heures par semaine.

« Notre entreprise a été créée fin 2016 donc c'est encore une jeune structure et c'est difficile d'embaucher une personne à plein temps tant qu'on n'a pas suffisamment d'activité, explique Sébastien Gleyze. Nous avions aussi un manque d'expérience sur le recrutement. Alors nous avons fait appel au GEMME Hérault. Nous connaissions le principe du groupement d'employeurs car il y en avait eu un sur le marché-gare, qui était tombé aux oubliettes... L'autre intérêt du groupement d'employeurs, c'est qu'il gère le contrat et apporte un soutien et un suivi, au contraire de l'intérim où on est livré à nous-mêmes. »

Le GEMME Hérault a présélectionné les candidats et l'entreprise a retenu Marie-Josée sur un temps partiel choisi (et non partagé, selon son choix). Progressivement, son contrat est monté à 25 heures, puis 30 et aujourd'hui 32. Au 1er juin, elle passera sur un contrat de 35 heures, annonce Sébastien Gleyze : « Cette formule permet de connaître la personne sur une plus longue durée. C'est vraiment une formule gagnant-gagnant pour l'entreprise et le salarié. Et c'est un levier pour embaucher. Aujourd'hui, le GEMME recherche pour nous des profils de préparateur de commandes pour 25 heures dans un premier temps ».

« Peu connus car peu visibles »

Le GEMME Hérault a été créé il y a trois ans à Montpellier, par les administrateurs du GEIQ (Groupement d'Employeurs pour l'Insertion et la Qualification) BTP Hérault.

« Aujourd'hui, le GEMME Hérault compte 31 TPE-PME adhérentes et 11 contrats de personnes en travail partagé, indique François de Cazenove, le président de la structure, lui-même adhérent avec son entreprise d'installation d'électricité. Il existait déjà des tensions sur les recrutements avant le Covid, et le travail en temps partagé peut être une réponse. Mais les groupements d'employeurs souffrent d'un déficit d'image et on rencontre encore des réticences, notamment concernant des questions de confidentialité quand un salarié travaille pour plusieurs entreprises... Le GEMME n'a bien sûr pas vocation à bloquer les embauches directes mais il aide les entreprises qui ne peuvent pas recruter quelqu'un à temps plein. Et il ouvre les horizons aux salariés qui veulent se diversifier et leur permet de ne pas avoir tous leurs œufs dans le même panier. »

La directrice du GEMME Hérault, Barbara Atlan, est la cheville ouvrière du groupement d'employeurs et a entamé un gros travail d'évangélisation pour faire mieux connaître ce dispositif et en gommer les idées préconçues : « On croit que c'est une solution ponctuelle alors que le temps partagé peut créer et pérenniser des emplois, et permet à des TPE d'accéder à des ressources auxquelles elles n'auraient pas accès seules. Mais les groupements d'employeurs sont peu connus car peu visibles. Il y a clairement encore une acculturation à faire des entrepreneurs et des salariés. Les têtes de réseaux comme le Medef ou la CPME commencent à nous identifier et trouvent le dispositif intéressant pour répondre à des besoins du territoire ».

Viser les startups et les grands groupes

« Quand les TPE-PME parlent temps partiel, elles pensent intérim, ajoute la dirigeante. Or le travail en temps partagé se met en place sans que les entreprises n'aient rien à gérer sur le plan administratif puisque c'est le GE qui le fait... La crainte autour de la confidentialité n'est pas un frein réel : on intègre des clauses de confidentialité dans le contrat de travail si un salarié travaille pour des entreprises du même secteur. Mais notre objectif est plutôt d'avoir une diversité de secteurs. »

Du côté des salariés candidats, la méconnaissance est identique mais les freins moindres. Alors l'ambition du GEMME Hérault, c'est bien de grossir les rangs des employeurs et des salariés qui recourent au travail en temps partagé.

« Notre objectif est d'atteindre le seuil de 35 à 40 contrats gérés et de 80 à 100 entreprises adhérentes, vise François de Cazenove. Nous aimerions notamment intégrer des startups, des grandes entreprises, des entreprises de l'agroalimentaire. »

« Nos cibles principales, chez les salariés, sont les seniors qui ont beaucoup de compétences mais peinent à trouver des emplois, mais aussi les jeunes diplômés qui n'ont pas d'expérience, les personnes en situation de handicap et toutes les personnes qui font temps partiel choisi, ajoute Barbara Atlan. Autant de profils qui peuvent intéresser les grandes entreprises. »

De bonnes pratiques profitables

A Montpellier, Bruno Tezenas du Montcel, le CEO de Netia (éditeur de logiciels audionumériques pour les métiers de la radio), dirige une trentaine de salariés. Il est passé par le GEMME Hérault pour recruter un salarié à temps plein.

« J'avais besoin de renfort pour un temps que je ne maîtrisais pas en raison de l'absence de deux salariés en arrêt maladie, explique-t-il. Ça fait partir de la stratégie de Netia de s'appuyer sur l'écosystème local et j'ai apprécié la démarche très inclusive du GEMME dans les profils proposés. Si j'étais dans une phase de croissance rapide, j'aurais pu embaucher directement, mais ce n'est pas le cas. Passer par le GEMME Hérault n'est pas plus onéreux que de recourir à l'intérim, et il peut y avoir d'autres opportunités pour d'autres compétences, par exemple les RH dont j'ai pas besoin à temps plein, ou sur des postes de testeurs qui peuvent être partagés avec d'autres boîtes. Je n'ai aucune inquiétude concernant la concurrence : les bonnes pratiques qu'un testeur va développer dans une autre entreprise me profiteront peut-être et inversement. Ça peut contribuer à faire monter le niveau de compétence à Montpellier... »

Lire aussi le volet 1 et 3 de ce dossier :

Cécile Chaigneau

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