Trafic aérien 2023 : pas de croissance pour l’aéroport de Montpellier, une première depuis sept ans

L’infrastructure aéroportuaire de Montpellier dresse un bilan à l’étal par rapport à 2022. Une année sans croissance, une première en sept ans, indique le président du Directoire Emmanuel Brehmer. Si le trafic aérien s’est globalement maintenu, l’aéroport peut heureusement commencer à compter sur des recettes extra-aéronautiques non négligeables.
Cécile Chaigneau
En 2023, l'aéroport de Montpellier, où la compagnie Transavia a installé une base régionale  (pour la période 2021-2026), a enregistré 1,747 millions de passagers, soit à peine moins qu'en 2022, ce qui porte son trafic à 90% du trafic 2019.
En 2023, l'aéroport de Montpellier, où la compagnie Transavia a installé une base régionale (pour la période 2021-2026), a enregistré 1,747 millions de passagers, soit à peine moins qu'en 2022, ce qui porte son trafic à 90% du trafic 2019. (Crédits : Frédéric Reglain)

En janvier 2023, les dirigeants de l'aéroport de Montpellier affichaient un optimisme prudent... Un an plus tard, la tension est montée d'un cran. Si les résultats ne sont pas mauvais pour l'infrastructure montpelliéraine, ils auraient pu être meilleurs et la trajectoire dessinée pour les années à venir a subi quelques coups de frein.

Pourtant, l'activité aéroportuaire a, en France comme ailleurs, retrouvé un niveau très semblable au niveau pré-crise sanitaire, selon les statistiques mensuelles de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), publiées le 22 janvier dernier : le trafic aérien a retrouvé en 2023 94,5% de ses passagers de 2019, et même, en décembre, 100% de son niveau de décembre 2019.

L'aéroport de Montpellier avait, quant à lui, pris un peu d'avance puisqu'il avait renoué dès 2022 avec 91% de son trafic de 2019 (contre 83% au niveau national). Soit 1,76 million de passagers sur toute l'année 2022. En 2023, le bilan est... à l'étal. L'infrastructure aéroportuaire annonce une fréquentation de 1,747 millions de passagers, soit une perte de quelque 13.000 passagers et 90% du trafic 2019.

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« Orly, c'était notre rente »

« Les ouvertures de lignes qu'on a pu réaliser sur le réseau européen compensent ce qu'on a perdu sur Orly, mais c'est quand même la première fois depuis sept ans qu'on n'enregistre pas de croissance, souligne Emmanuel Brehmer, le président du directoire, auprès de La Tribune. Heureusement que nous avons la base régionale Transavia (signée pour la période 2021-2026, NDLR), et la compagnie Volotea qui augmente ses fréquences. On doit être cinq aéroports en France à avoir récupéré 90% du trafic 2019. Mais nous subissons toujours la perte sur la destination Paris-Orly, soit 300 000 passagers en moins... Quand on sait qu'un vol qu'on ouvre pour l'été, c'est 10.000 à 15.000 passagers, il nous faudrait une vingtaine de lignes pour compenser la perte sèche sur Orly ! Paris-Orly, c'était notre rente ! Et encore, l'aéroport de Montpellier n'est pas le plus impacté... »

Air France a annoncé en 2023 qu'elle quittera son aéroport historique d'Orly en 2026 pour concentrer son activité sur Roissy. Ce qui entraînera l'arrêt de la Navette avec Toulouse, Marseille et Nice. Il y a deux ans, en novembre 2021, la compagnie avait mis un terme à cette Navette depuis Montpellier (dix vols quotidiens), au profit de sa filiale low-cost Transavia (quatre puis trois vols quotidiens). Avec pour conséquence mathématique un nombre de passagers entre Montpellier et Paris tombé de 600.000 par an à 300.000.

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En 2023, l'aéroport languedocien a ainsi enregistré 725.000 passagers de et vers Paris (257.468 pour Orly) soit 41,5% du trafic total, 301.259 passagers sur le réseau national hors Paris, 269.248 passagers sur l'Europe, et 451.614 passagers sur l'international hors Europe. Le trafic national pèse ainsi pour 58,7% du trafic total, et le trafic international pour 41,3%.

Trafic affaires en baisse

Comme au niveau national, en 2023, c'est donc le trafic international qui a tiré la reprise du secteur aérien français (97% des niveaux de 2019) : par rapport à 2022, tous les segments sont à la baisse à Montpellier, à l'exception du trafic international hors Europe, qui est passé de 331.000 à 451.614 passagers.

Le transport aérien se confronte chaque année un peu plus au défi d'une injonction paradoxale : répondre aux enjeux de la transition écologique et préserver sa compétitivité. D'autant que certains comportements apparus depuis la crise sanitaire semblent désormais structurels. Selon la DGAC, les liaisons intérieures ont souffert, en 2023, de la concurrence du train et du recours aux visioconférences par les entreprises. Ainsi, la liaison Paris-Toulouse n'a-t-elle retrouvé qu'à peine plus des deux-tiers de son niveau d'avant-crise (68,7%)...

« Le trafic affaires est en baisse tous les ans, analyse Emmanuel Brehmer. On subit indéniablement l'impact du télétravail, de la visioconférence et surtout des objectifs RSE des groupes : aujourd'hui, les déplacements vers Paris sont proscrits ou limités. Les dirigeants d'entreprises continuent de prendre l'avion car c'est plus rapide, mais les salariés n'ont pas le choix et prennent le train. C'est dur pour les aéroports... Nous essayons de compenser sur Transavia, bien moins cher que train, par une nouvelle clientèle, et nous avons un petit espoir avec le prolongement de la ligne 14 du métro parisien, opérationnel à la mi-2024 et qui va mettre Orly à moins d'un quart d'heure de l'épicentre de Paris. »

Et le dirigeant enfonce le clou des regrets : « Si nous n'avions pas cette pression et s'il n'y avait pas eu la crise Covid,, nous aurions déjà dépassé les 2 millions de passagers à Montpellier ».

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Des recettes extra-aéronautiques

Le 2e aéroport d'Occitanie, derrière Toulouse, annonce 35 destinations saisonnières (l'été) et 25 à l'année, opérées par une douzaine de compagnies aériennes qui toutes, mettent une forte pression sur les coefficients de remplissage des avions, « ce qui nous laisse peu de temps pour prouver qu'une ligne est rentable », souligne Emmanuel Brehmer. En 2023, l'infrastructure aéroportuaire a ainsi fermé la ligne Montpellier-Berlin, opérée par Transavia.

« Il y a vraiment une exigence de rentabilité et les compagnies regardent à la fois le remplissage de l'avion et les revenus par siège : peut-être que ce dernier était meilleur ailleurs... », analyse Emmanuel Brehmer.

En 2023, 63,6% des passagers de l'aéroport de Montpellier ont voyagé sur des lignes low-cost, soit une proportion inversée par rapport à 2019, précise le président du Directoire. Dans le top destinations (hors Paris), on trouve Nantes sur les vols domestiques et Amsterdam sur les vols internationaux.

En 2022, les résultats financiers de l'aéroport montpelliérain étaient qualifiés d'« excellents ». A ce jour, le dirigeant indique ne pas encore détenir les chiffres consolidés et annonce déjà une amélioration du chiffre d'affaires, mais pas grâce au trafic aérien... L'infrastructure aéroportuaire mise en effet sur sa stratégie extra-aéronautique, s'appuyant sur le développement de son potentiel foncier et des loyers attenants.

« En 2022, nous avions réalisé un chiffre d'affaires de 30,5 millions d'euros, et en 2023, on devrait atteindre les 32 millions d'euros, dont 14 millions d'euros de recettes extra-aéronautiques, déclare-t-il. Sur le programme Tarmac I, tout est commercialisé, et sur Tarmac II (soit 7 lots sur 10 pour 4,5 ha - NDLR), nous avons lancé l'appel à projet sur trois lots, la sélection est terminée sur deux d'entre eux et le sera aussi sur le troisième cette semaine... Nous aurons commercialisé 90% de nos parcelles dans deux ans. En 2024, nous devrions monter à 34 millions d'euros de chiffre d'affaires, dont 16 millions d'euros de recettes extra-aéronautiques. »

Le dirigeant se refuse à préciser le nom des entreprises qui vont venir s'y installer, préférant attendre la fin du premier semestre pour les révéler.

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Istambul, Minorque, Palma et Oslo

Pour 2024, des incertitudes planent sur les perspectives du trafic aérien en général. Parmi les facteurs d'inquiétudes, l'environnement économique et un contexte général d'inflation. Le secteur mise pourtant sur un dynamisme qui pourrait être porté par le redémarrage du tourisme.

« Pour 2024, nous craignons une poursuite légère de l'érosion sur la destination Paris-Orly mais nous avons déjà annoncé l'ouverture de quatre nouvelles lignes pour l'été : Istambul, Minorque, Palma et Oslo, et nous espérons en annoncer d'autres, répond Emmanuel Brehmer. Nous visons une croissance de plus de 100.000 passagers, ce qui resterait néanmoins insuffisant. Pour le moment, l'aéroport de Montpellier ne compte qu'un seul avion basé pour Transavia et nous espérons voir un 2e s'installer d'ici 2026... »

Selon le plan de développement de l'aéroport, l'objectif 2026 reste d'atteindre les 2,3 millions de passagers.

L'aéroport montpelliérain n'est pas concerné par la taxe sur les grands aéroports qui va peser sur les budgets des plateformes aéroportuaires. Alors que les redevances appliquées aux compagnies aériennes sont gelées depuis plus de douze ans maintenant, Emmanuel Brehmer confirme cette stratégie de compétitivité : « Oui nous maintenons ce gel. Ce sera possible grâce aux recette extra-aéronautiques... ».

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Cécile Chaigneau

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