A Montpellier, la filière de l’événementiel (encore) sur la ligne de crête…

Près de deux ans après le début de la crise sanitaire, le secteur de l’événementiel continue de payer un lourd tribut. A Montpellier comme ailleurs, soumis à un stop and go sans visibilité ni garantie, les professionnels jonglent comme ils peuvent. Et les salles de spectacles et autres congrès jouent la carte de l’adaptation permanente en fonction des consignes gouvernementales. Décryptage.
Cécile Chaigneau
Le salon Millésime bio, salon mondial du vin biologique, est reporté : il aura lieu à Montpellier du 28 février au 2 mars pour le salon physique et du 24 et 25 janvier pour la session digitale.

En décembre dernier, le rideau était une nouvelle fois tombé sur le secteur événementiel, privant de nombreuses professions et des salles de congrès, de sport ou de spectacle de leur activité. Un Noël sans fête et une nouvelle année qui commençait dans l'inquiétude et l'incertitude.

« Tout s'est vraiment arrêté après la prise de parole du gouvernent fin novembre : la semaine du 30 novembre, nous avons fait nos derniers événements, se souvient Grégory Blanvillain, dirigeant de l'agence montpelliéraine spécialisée en événementiel, Com'Event, et président de du collectif régional Repère engagé pour le développement de la filière événementielle sur l'arc méditerranéen (novembre 2020). On a essayé de reporter ce qu'on pouvait mais ce n'est pas facile... En janvier 2022, avec les nouvelles restrictions, c'est l'arrêt total ! Aucune cérémonie de vœux, notamment institutionnelles. C'est même le premier trimestre où il n'y a plus rien ! »

« L'enjeu 2022-2023, c'est de dégager de la marge »

Selon le dirigeant, qui connaît bien sa filière régionale, le moral des troupes est au plus bas, notamment en raison d'un manque de visibilité, « avec ce que ça entraîne sur le personnel, c'est à dire de la lassitude et des salariés qui se posent des questions sur leur intérêt à rester dans cette branche ».

« Les entreprises de l'événementiel ont été bien soutenues à partir de fin 2020 et jusqu'à mai 2021 par le fonds de solidarité, ajoute Grégory Blanvillain. Le problème, c'est le manque à gagner de la fin 2021 qui va poser problème au moment de rembourser les PGE et les dettes. La victoire, c'est de pouvoir amortir le PGE sur dix ans. Mais l'enjeu de 2022 et 2023, c'est de dégager de la marge, en sachant que le coût des matières premières a augmenté, tout comme le coût du personnel si on veut en trouver. Et tout ça dans un système sans visibilité. »

Dans son agence, l'année 2021 a été bonne grâce aux aides de l'Etat malgré un chiffre d'affaires « à la hauteur... d'il y a dix ans, soit 340 000 euros contre 1,6 million d'euros en 2019 et 640.000 euros en 2020 ». Avec aucune activité depuis fin novembre dernier et encore quatre ou cinq mois sans travailler, les perspectives sont peu réjouissantes pour les quatre salariés de la petite agence.

« Il faut retrouver la motivation, soupire Grégory Blanvillain, qui ne se laisse pourtant pas abattre. Nous sommes devenus société à mission, et nous allons proposer de nouveaux produits pour des événements écoresponsables. C'est presqu'un redémarrage. »

En attendant, les professionnels doivent faire avec l'incertitude des jours, semaines et mois à venir.

« On se demande si on pourra bientôt refaire des cocktails et revenir à une convivialité, s'inquiète le dirigeant de Com'Event. Les porteurs d'événements reportent donc plutôt leurs décisions à avril. L'aspect psychologique joue beaucoup et s'ajoute à ça la crainte de la désorganisation des entreprises, qui ne veulent pas prendre le risque de créer un cluster interne. A quel moment les décideurs vont-ils basculer ? Si les décisions se prennent en avril, ça veut dire des événements pour la fin d'année seulement... »

Hybridation des événements

Montpellier Events (56 salariés), satellite de la Métropole de Montpellier, gère le Corum (palais des congrès) et le Zenith Sud sur trois marchés MICE (meetings, incentives, conferencing, exhibitions, essentiellement au Corum), spectacles vivants et culture (dont l'orchestre national de Montpellier).

« Depuis les annonces de début décembre, les demandes entrantes ont chuté sur notre activité MICE et tous les évènements de mi-décembre à fin janvier ont été reportés, souligne Sandra Vernier, directrice générale de Montpellier Events. Nous avions ainsi neuf événements MICE prévus en janvier 2022 : six sont reportés dont quatre ou cinq en 2022 et un ou deux en 2023, les nouvelles dates de report étant en cours de validation pour certains. Un événement, un concours d'étudiants, reste confirmé; Et deux événements sont encore incertains... Le plus gros événement, le Congrès de la CGT, arrive bientôt (du 31 janvier au 4 février, NDLR), avec 700 personnes attendues : à ce jour, il est maintenu dans le strict respect des règles sanitaires. »

Aux dires de la dirigeante, l'année 2022 se présentait plutôt de façon encourageante sur cette activité MICE. Elle observe que la décision de confirmer un événement se fait de plus en plus tardivement et que « l'international reste en marge, même sur 2023 ».

« Le phénomène réel, c'est l'hybridation, notamment dans le secteur médical, c'est à dire des événements qui sont organisés de manière mixte : en présentiel avec un accompagnement en distantiel, ajoute-t-elle. Ce qui n'est pas une mauvaise chose car cette formule offre un complément de public. Si on en fait un avantage, à la fin de l'histoire, ce sera un bénéfice pour tout le monde ! »

« On est dans une zone de flou »

Du côté des congrès, Montpellier Events peut compter sur le dispositif de garantie créé par la Métropole de Montpellier et qui a été prorogé d'un an fin 2021. Cette garantie congrès a vocation à limiter les frais de report, d'annulation ou de restrictions de jauge pour les inciter à signer de nouveaux événements en minimisant leurs risques. Objectif final : soutenir le tourisme d'affaires et de congrès local.

« En 2021, ce dispositif a été utilisé par 9 congrès soit environ 4.500 congressistes, et en 2022, il est pour l'instant prévu pour 16 congrès, soit environ 9.500 congressistes, précise Sandra Vernier. Dans le contexte actuel, la garantie congrès nous aide fortement à gagner plusieurs candidatures. »

Enfin, sur le volet spectacles et culture, « l'année 2022 se présentait bien, avec une très belle affiche », souligne la dirigeante, avant d'évoquer le coup de frein imposé par les restrictions en vigueur jusqu'au 23 janvier, pour le moment. Dès lors, les tampons "annulé" ou "reporté" s'affichent en gros sur le site internet du Zenith...

« La restriction de jauge à 2.000 personnes touche surtout les concerts au Zénith, où les jauges sont entre 3.000 et 6.000 personnes, pointe Sandra Vernier. Le spectacle de Chantal Goya a été maintenu (le 8 janvier, NDLR) mais Vitalic a été annulé ou le spectacle Pat Patrouille reporté en mars (sont également estampillés "annulés" le concert d'Alain Souchon du 19 janvier et Ofenbach le 12 février, ou "reporté" le concert de Julien Clerc du 27 janvier, NDLR). Le Zenith en reprend un coup ! Et on ne sait pas jusqu'à quand... Les producteurs sont dépités, interrogatifs. On est dans une zone de flou... Les annulations ou reports ne sont pas tous effectifs car tout le monde attend d'en savoir plus sur les futures autorisations. On a tous espoir de refaire une jauge assise non jaugée. Aujourd'hui, pour résumer, on ne sait pas où on va... Nous avons déjà des positionnements de dates pour 2023 mais le sujet, c'est l'immédiatement de 2022 ! »

Les spectacles du Corum, eux, sont maintenus, les salles étant à un maximum de 2.000 personnes.

« Pris entre le marteau et l'enclume »

La ville de Montpellier compte deux autres lieux d'accueil événementiels, le parc des expositions et la Sud de France Arena, gérés par Occitanie Events, satellite de la Région Occitanie. La mauvaise nouvelle est venue du côté du concert des Enfoirés qui devait donner six représentations du 20 au 24 janvier à la Sud de France Arena. Les Restos du Cœur évoque une perte de 4 millions d'euros de billetterie...

« Le concert aura lieu à huis clos, sans public donc, avec uniquement une captation TV, explique Cédric Fiolet, le directeur général de la SPL Occitanie Events. La jauge des 2.000 n'était pas pertinente puisqu'il y a 8.200 personnes par séances (soit près de 50.000 personnes au total, NDLR) donc ils ont choisi d'annuler les spectacles pour la 2e année consécutive. C'est une grosse perte pour eux... »

Également impacté, le spectacle du Cirque du soleil. Le site internet de l'Arena indique qu'« en raison de circonstances hors de son contrôle, le Cirque du Soleil annule toutes les représentations du spectacle CORTEO qui étaient prévues à Montpellier en avril 2020 puis reportées du jeudi 4 novembre 2021 au dimanche 7 novembre 2021 à la Sud de France Arena. L'équipe de planification de tournée du Cirque du Soleil travaille actuellement à l'organisation de la prochaine visite de l'un de ses spectacles à Montpellier ».

Avec 59 salariés et un chiffre d'affaires de 16 millions d'euros en année "normale", Occitanie Events accueille ou organise une grosse centaine d'événements par an, et Cédric Fiolet évoque, pour 2022, « un bon calendrier, notamment sur les spectacles qui repartaient bien, et peu de reports ».

Concernant le tournoi de tennis de l'Open Sud de France Montpellier, qui accueille habituellement 50.000 visiteurs et qui doit se tenir du 30 janvier au 6 février, une conférence de presse est attendue le 19 janvier. Mais les événements sportifs se déroulant en intérieur étant limité à 2.000 spectateurs, le site internet de l'Arena indique que décision a été prise d'arrêter temporairement la vente de places.

« Nous sommes pris entre le marteau et l'enclume, confie Cédric Piolet. Nous avons travaillé sur deux scenarii : soit la jauge est maintenue à 2.000 spectateurs et on organisera deux séances par jour avec 2.000 personnes chacune, soit les jauges évoluent favorablement et notamment proportionnellement à la capacité des sites, comme lors des précédentes restrictions. »

Quant aux Championnats du monde de patinage artistique, ils sont attendus du 21 au 27 mars prochains.

Pas de salon des vins sans dégustation

Moins d'inquiétude pour les salons, qui ne sont pas concernés par les restrictions de jauge. Le salon de l'enseignement supérieur a eu lieu du 13 au 15 janvier, mais Millésime Bio, salon mondial du vin biologique qui devait avoir lieu en présentiel les 24 et 25 janvier, précédé d'une session digitale les 17 et 18 janvier, est reporté : du 28 février au 2 mars pour le salon physique et du 24 et 25 janvier pour la session digitale.

« Nous avons rarement plus de 50% de la capacité occupés et nous contrôlons bien les flux lors des salons, mais il y a toutefois des contraintes : pas de restauration et de boissons debout », rappelle Cédric Fiolet.

Or un salon des vins sans dégustation, ça n'existe pas... La décision a été prise par les organisateurs après consultation des exposants et des visiteurs début janvier, la majorité étant favorable au report tout en maintenant une date en 2022.

« Le risque était trop important de faire un salon des vins sans dégustation, confirme Jeanne Fabre, présidente de la Commission Millésime Bio chez l'organisateur Sudvinbio. Etant le premier des salons viticoles dans l'année, nous n'avions aucun précédent sur lequel nous appuyer... Mais nous avons choisi de maintenir le salon digital en janvier car c'est plus adapté aux besoins des producteurs et acheteurs. »

Avec 1.450 exposants prévus (dont 19% venant de l'étranger), le salon enregistre une belle progression, liée notamment à la dynamique du marché du vin bio, indique Jeanne Fabre : « On affiche complet depuis un bon moment, et cette année, nous avons souhaité ouvrir le salon à d'autres boissons alcoolisées bio comme les spiritueux, le cidre ou la, bière. Et nous avons déployé une telle énergie en 2021 pour faire exister ce salon en mode digital qu'on ne voulait pas que ce soit pour une seule fois ! D'autant que c'est un réel complément pour les exposants et les acheteurs. Il était donc clair dès le début que l'édition 2022 serait un salon hybride ».

Les organisateurs estiment le nombre de visiteurs entre 8.000 et 9.000 sur les deux sessions cumulées, « avec une forte fréquentation des étrangers sur la session digitale mais un recul prévisible sur le présentiel lié aux contraintes sanitaires et contraintes de déplacement ».

« Nous n'avons pas de boule de cristal, mais ce qu'on sait, c'est que plus on organise le salon tardivement, plus le risque qu'il n'ait pas lieu augmente ! D'autant que plus tard dans l'année, ce sera trop tard car le business du vin sera fait ! », analyse Jeanne Fabre.

Et si les circonstances sanitaires les conduisaient à devoir annuler ?

« Une annulation serait dramatique pour les vignerons, les cavistes, les importateurs, répond Jeanne Fabre. C'est un pari que nous faisons mais nous sommes assez confiants. »

Cécile Chaigneau

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