Semaine de 4 jours : une douzaine d'entreprises l’expérimentent en Occitanie

En Occitanie, une expérimentation pilotée par le Centre des jeunes dirigeants et l’Agence Régionale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (Aract) a embarqué une douzaine d’entreprises privées vers le dispositif de la semaine de quatre jours. Retour d’expériences.
En Occitanie, une expérimentation de la semaine de quatre jours est menée avec une douzaine d'entreprises, accompagnées par l'Agence Régionale pour l'Amélioration des Conditions de Travail (Aract).
En Occitanie, une expérimentation de la semaine de quatre jours est menée avec une douzaine d'entreprises, accompagnées par l'Agence Régionale pour l'Amélioration des Conditions de Travail (Aract). (Crédits : DR)

Selon une récente enquête Ifop pour Politis, 77% des actifs, quel que soit le milieu social, l'âge ou le sexe, seraient favorables à la mise en place de la semaine de quatre jours...

Dans la fonction publique, la question de l'équilibre du temps de vie a récemment refait surface avec le lancement d'une expérimentation dans l'ensemble des ministères pour effectuer les 35 heures sur quatre jours. La note ministérielle était claire : « Le but est d'évaluer l'impact de ce nouveau mode d'organisation du temps de travail au regard du double objectif d'amélioration de l'efficacité du service public et des conditions de travail des agents publics en termes d'équilibre entre vie professionnelle et privée. L'expérimentation ne pourra pas donner lieu à des modulations de cette durée. » En d'autres termes, organisez-vous comme vous le souhaitez en quatre jours, quatre jours et demi, ou en alternance de semaines en quatre et en cinq jours, mais sans toucher à la durée.

Fin mars (bien avant le grand chambardement des Européennes et de la dissolution de l'Assemblée nationale), le Premier ministre Gabriel Attal plébiscitait ainsi « la semaine en quatre jours », c'est-à-dire une concentration des heures sur quatre journées, sans réduction globale du temps de travail : « Il faut sortir de ce carcan des 35 heures par semaine. Il faut donner plus de souplesse à ceux qui le souhaitent »... A ce moment-là, l'exécutif envisageait une généralisation du dispositif à l'été 2025.

Lire aussiInnovation sociale : RadioShop adopte la semaine des 4 jours

« Capitaliser sur leurs expériences »

Dans le secteur privé, l'adoption de la semaine de quatre jours reste encore marginale mais des initiatives émergent. C'est le cas en Occitanie où une expérimentation est menée avec une douzaine d'entreprises affiliées au Centre des Jeunes Dirigeants (CDJ) et accompagnées par l'Agence Régionale pour l'Amélioration des Conditions de Travail (Aract).

« Après la crise sanitaire, nous avons constaté qu'environ un adhérent sur quatre (le CDJ compte 6.000 dirigeants de TPE et PME, NDLR) avait engagé une réflexion sur la semaine en quatre jours, indique Christian Andreo, délégué général du CDJ. Certains étaient plus avancés et avaient déjà testé de nouveaux modes organisationnels du travail. Il nous paraissait intéressant de capitaliser sur leurs expériences en structurant un projet croisé avec la Région Occitanie dans le cadre de son Pacte pour l'embauche (programme d'accompagnement pour lutter contre la pénurie de main d'œuvre, NDLR). »

L'expérimentation a démarré en février 2023 après un sourcing interne lancé auprès de TPE et PME volontaires. Une première phase de diagnostic a été mise en place pour connaître leur motivation et la faisabilité du projet, suivie d'une phase d'accompagnement.

« Que ce soit dans le privé ou le public, la gestion au quotidien de la réorganisation du temps de travail peut être complexe à mettre en œuvre car on ne peut aborder la question de façon arithmétique, analyse Philippe Contassot, chargé de mission à l'Aract Occitanie. Il faut se poser les bonnes questions : savoir pourquoi on le fait, prendre le temps de réfléchir, étudier l'opportunité et la faisabilité en termes de modèle économique et d'engagement du management, comprendre les aspirations des salariés, la soutenabilité de leur travail et surtout ne rien faire sous la contrainte. »

Lire aussiAprès la semaine à 4 jours, LDLC multiplie par cinq le congé de ses salariés jeunes papas

Passage au 32 heures sans baisse de salaire

Dans le Gard, Profit Intelligence (11 salariés, 2 millions d'euros de chiffre d'affaires), spécialisé dans la conception et la commercialisation de solutions permettant aux professionnels de l'hôtellerie d'optimiser leur stratégie et leurs revenus, fait figure de précurseur.

« Cela faisait longtemps que je réfléchissais à la semaine de quatre jours afin de mieux articuler vie professionnelle et familiale, raconte le dirigeant Bastien Briole. En concertation avec mon associé et mon équipe, nous avons mis en place un board posant concrètement, pendant trois mois, les préoccupations, les freins et les avantages. Il y a eu de nombreuses questions de type : est-ce que je cumulerai les mêmes jours pour ma retraite ? Est-ce que mon Compte épargne temps sera impacté ? Et mes RTT ? En septembre 2022, nous avons mis en pratique les 32 heures, avec deux jours en commun les mardis et jeudis, sans baisse de salaire. En janvier 2023, nous avons fait un nouveau tour de table et avons inscrit ces 32 heures dans le contrat travail. Au final, cette réorganisation, transparente pour les clients, a fait gagner en efficacité, en motivation, le nombre d'arrêts maladie a même diminué. Notre système est de plus en plus sociocratique et nous réfléchissons même à passer à 28 heures par semaine ! »

Lire aussiLe CHU de Nantes va expérimenter la semaine de 4 jours

Gain de productivité

Autre retour d'expérience positif, celui de Maison Bruyère, biscuiterie familiale depuis trois générations, basée à Lagrave (Tarn) et employant 20 salariés à temps complet et entre 8 et 15 intérimaires (3,4 millions d'euros de chiffre d'affaires).

« Créer les meilleures conditions de travail est un pari toujours gagnant-gagnant, note la directrice Léa Bruyère. Passer à la semaine des quatre jours n'était pas une demande de mes salariés mais cela me trottait dans la tête depuis un moment. Je voulais néanmoins avoir l'aval de tous et ne pas perdre en productivité. Après plusieurs périodes d'essais, nous avons fini par opter pour 8h45 de travail quotidien avec un jour off, le vendredi. Même les fonctions support sont passées à ce rythme sauf deux personnes en horaires décalés. Le rallongement de la durée de la journée n'a pas impacté mes collaborateurs et la productivité a même légèrement augmenté. Mais je suis consciente que le dispositif était plus facile à mettre en place car je ne gère pas une société de 300 salariés. »

Des journées à rallonge

Sur la douzaine d'entreprises lancées dans l'expérimentation, quatre ont fait machine arrière, deux sont déjà passées à la semaine de quatre jours et les six autres travaillent actuellement à la co-construction d'un scénario organisationnel. C'est le cas de la société gardoise Genius Loci, spécialisée dans la rénovation (5,5 millions d'euros de chiffre d'affaires). Mais la PME, qui emploie 43 salariés, se heurte à un problème majeur : celui des déplacements inhérents à son activité.

« Nous intervenons sur un périmètre de 1h15 autour de Nîmes, donc rallonger le temps de travail sur quatre jours est très compliqué, que ce soit en termes de sécurité ou de vie familiale pour récupérer ou déposer les enfants à l'école, explique le dirigeant Vianney Dauney. Aussi, nous réfléchissons à une semaine de quatre jours alternée, de manière à répartir les sept heures non travaillées sur neuf jours. Nous testerons à la rentrée sur une durée de trois mois renouvelables puis nous aviserons. Car l'idée n'est pas d'impacter la vie de famille ni la qualité et la rentabilité du travail. »

Lire aussiEn Bourgogne, l'atelier Panel passe à la semaine de 4 jours pour alléger la facture énergétique

Un levier pour questionner l'organisation du travail

Risques d'atomisation dans le corps social, synchronisation entre les différents services, remise en question du télétravail, pénibilité, horaires inadaptés à la parentalité,... Les paramètres à prendre en compte sont multiples.

« Dans mon équipe de 25 collaborateurs, j'ai enlevé un jour de télétravail hebdomadaire pour garder le même niveau de présentiel, indique Christian Andreo qui expérimente lui aussi la semaine de quatre jours en 32 heures pour le CDJ. J'ai négocié avec mes collaborateurs un protocole d'accord qui cadre cette expérimentation. En septembre, nous verrons si nous intégrons les modalités à l'accord entreprise. Mais dans tous les cas, cela reste un formidable levier pour questionner l'organisation du travail. »

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 12/06/2024 à 19:27
Signaler
C'est du suicide... Quand nos dirigeants finiront ils par admettre que notre déclassement progressif vers les pays sous développés est lié à nos 35h, durée hebdomadaire inférieure à celle des autres pays ? Alors qu'il est indispensable de revenir à ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.