Fonds d’urgence viticulture : 2 millions d’euros déjà versés dans l’Hérault, mais les vignerons s’interrogent sur l’avenir

Plus de 1.700 viticulteurs héraultais ont demandé à bénéficier du fonds d’urgence mis en place par le gouvernement début février pour les aider à faire face aux difficultés de trésorerie. Une bouffée d’oxygène qu’ils apprécient, même s’ils ont bien conscience qu’il leur faut trouver d’autres solutions pour passer cette crise.
Les viticulteurs qui connaissent des difficultés de trésorerie suite aux aléas climatiques et/ou à la mévente de leur production ont pu solliciter le fonds d'urgence déployé par le gouvernement.
Les viticulteurs qui connaissent des difficultés de trésorerie suite aux aléas climatiques et/ou à la mévente de leur production ont pu solliciter le fonds d'urgence déployé par le gouvernement. (Crédits : CD 34)

Le succès du fonds d'urgence, lancé le 30 janvier 2024 par le gouvernement pour les viticulteurs en difficulté, témoigne de la crise sévère que traverse la viticulture régionale. Cette mesure est destinée aux viticulteurs qui connaissent des difficultés de trésorerie suite aux aléas climatiques et/ou à la mévente de leur production. Doté de 80 millions d'euros au niveau national, ce fonds concerne 27 départements viticoles dont les quatre du Languedoc-Roussillon.

L'Hérault s'est vu attribuer la plus grosse part avec 13 millions d'euros, suivi par l'Aude avec 9,2 millions d'euros, le Gard 8,5 millions d'euros et les Pyrénées-Orientales 6 millions d'euros. Ouvert dès le 12 février dans l'Hérault, le dispositif a été clôturé le 19 mars.

Dans un premier bilan daté du 27 mars, la préfecture indique avoir reçu 1.780 dossiers, dont 607 ont déjà été instruits par la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) 34, parmi lesquels 443 sont éligibles. 337 viticulteurs ont déjà perçu tout ou partie de l'aide pour un montant global de 1,9 millions d'euros.

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« On va pouvoir tenir quelques mois de plus »

Jean-Pascal Pelagatti, vigneron au domaine Les Graviers à Béziers, fait partie des chanceux qui ont déjà perçu cette aide à la trésorerie : « J'ai demandé à bénéficier de ce dispositif car l'an dernier, j'ai perdu 40% de ma récolte du fait de la sécheresse. Sur mes 26 hectares en production, 20 hectares sont irrigués. Sur cette partie, j'accuse une baisse de production de 15 à 20%. Mais dans les vignes non irriguées, j'ai perdu 80% de la récolte. Du 1er janvier au 15 septembre 2023, il n'est tombé que 137 mm de pluie. C'est un climat quasi-désertique... ».

Le vigneron biterrois a touché une aide de 5.000 euros.

« Ce n'est pas ça qui va nous sauver, mais ça fait du bien, on va pouvoir tenir quelques mois de plus », confie-t-il, tout en espérant que cette somme soit complétée par un reliquat, quand l'ensemble des dossiers auront été instruits.

Cinq ans sans salaire

Vigneronne dans le Minervois, Mary Decor, a déposé sa demande d'aide dès le 15 février, soit trois jours après l'ouverture du dispositif. Installée depuis 2019 sur le domaine familial de 17 hectares qu'elle exploite avec sa mère, la jeune vigneronne n'a jamais réussi à se verser un salaire.

« Durant ces cinq premières années, je n'ai eu qu'une seule bonne récolte, les quatre autres ont été impactées soit par le mildiou, soit par le gel ou encore par la sécheresse, raconte la jeune vigneronne. L'an dernier, la sécheresse a amputé ma récolte de 26%. J'ai donc immédiatement demandé cette aide et après un mois d'instruction, j'ai eu confirmation que j'étais bien éligible mais je ne sais toujours pas combien je vais toucher ni à quelle date. Même si je n'obtiens que le minimum de 5.000 euros, ça m'aidera sur le moment. J'ai des factures en retard que je pourrai solder. Mais on ne peut pas vivre d'aides... Je réfléchis à l'arrachage temporaire. L'an prochain, j'ai prévu d'arracher 1 hectare, et je pense que je ne vais pas replanter en vigne. On va essayer de planter des agrumes - orangers, mandariniers, citronniers - dans l'optique de vendre les fruits en direct. C'est une culture qui nécessite peu de main d'œuvre et les arbres commencent à donner deux ans après plantation. Cela pourrait être un bon complément à la vigne. »

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Faut-il s'obstiner à produire du vin qui ne se vend plus ?

Au domaine de Bayle à Villeveyrac, Céline Michelon enchaîne elle aussi les mauvaises récoltes.

« Sur les cinq dernières années, j'ai eu trois mauvaises récoltes, témoigne-t-elle. En 2023, la sécheresse m'a privé de 40% de ma production. Qui plus est, le vin ne se vend plus. L'an dernier, j'ai dû souscrire à la distillation pour écouler la récolte 2022 que je n'arrivais pas à vendre. Ce sont de très bons vins qui sont partis à la chaudière à un prix inférieur de 30% à celui qu'il aurait dû être. Résultat : je suis dans le rouge ! J'ai immédiatement souscrit pour bénéficier de ce fonds d'urgence. Je regarde tous les jours mon compte en banque pour savoir si les fonds ont été versés. 5.000 euros, c'est formidable, même si ce n'est pas ça qui va me sortir de la difficulté. Je vais pouvoir payer quelques factures. Je suis vigneronne depuis vingt ans et je me pose beaucoup de questions. Faut-il s'obstiner à produire du vin qu'on n'arrive plus à vendre ? Il me semble que non, mais que faire ? Réduire temporairement mes surfaces en vigne ? Développer une activité complémentaire ? Agricole ou non ? Je suis en pleine réflexion... Une chose est sûre, il va falloir que j'ai le courage de faire autrement. »

L'heure est à la diversification dans le vignoble languedocien...

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