Crise immobilière : « Nous avons perdu 10% de nos conseillers mais nous voyons arriver les professionnels des agences qui n'ont pas résisté » (O. Colcombet)

ENTRETIEN - Alors que la crise immobilière continue d’affecter les marchés du neuf comme de l’ancien, les acteurs comme les promoteurs ou les agences immobilières subissent une chute d’activité significative. Quid des réseaux de mandataires immobiliers, dont le modèle repose sur le nombre d’agents et le volume d’affaires apportées ? A Montpellier, La Tribune a interrogé Olivier Colcombet, le P-dg du groupe Digit RE qui comprend les réseaux immobiliers Capifrance et OptimHome.
Cécile Chaigneau
Olivier Colcombet, P-dg de Digit RE Group à Montpellier.
Olivier Colcombet, P-dg de Digit RE Group à Montpellier. (Crédits : Digit RE Group)

LA TRIBUNE - La crise immobilière frappe bon nombre d'opérateurs en tous genres. Les différents pôles et marques de votre groupe - les réseaux Capifrance, OptimHome, Refleximmo, Immobilier-Neuf, mais aussi Drimki (estimation en ligne), Coworkimmo (espaces de coworking pour les conseillers des réseaux), Dili (achat express de biens immobiliers) et Digit RE Académie (formation des conseillers) - y ont-ils résisté ?

Olivier COLCOMBET, P-dg de Digit RE Group - Immobilier-Neuf a été intégré dans Capifrance, et Refleximmo dans notre réseau de marketing relationnel* OptimHome. La marque Drimki est devenue ToutVaBiens : il s'agit d'une plateforme pour préparer son parcours immobilier permettant d'estimer, vendre ou acheter un bien. Coworkimmo a muté : nous avons fermé le dernier il y a six mois et aujourd'hui, nous digitalisons les réunions. Nous invitons nos conseillers à ouvrir des centres (qu'ils financent eux-mêmes en investissant ou en louant, NDLR) pour accueillir leurs équipes. Il en existe aujourd'hui une douzaine en France. Quant à Dili, l'objectif était que les biens tournent vite en accélérant le processus de cession. Aujourd'hui, l'activité est au ralenti en raison d'un marché baissier qui fait qu'on se retrouvait avec des biens dont personne ne voulait et qui coûtaient trop cher à porter du fait des taux d'intérêt hauts. Mais je crois à ce modèle, même si on a vu le réseau d'e-buying Homeloop liquidé l'an dernier (pionnier de l'achat immobilier instantané dans un temps record grâce à des solutions innovantes et digitalisées d'expertise, de visite et de signature notariale, placé en liquidation judiciaire en octobre 2022 et racheté par le groupe Benedic Immobilier, NDLR)... La Digit RE Académie existe toujours et continue de former nos mandataires.

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Comment analysez-vous le marché immobilier aujourd'hui ?

Au MIPIM (Marché international des professionnels de l'immobilier, qui s'est tenu à Cannes du 12 au 14 mars, NDLR), l'ambiance était morose... En France, le secteur immobilier a perdu 6% de ses effectifs en moyenne, et de notre côté, nous avons perdu 10% de nos conseillers. Dans l'immobilier neuf, l'augmentation des matériaux ou la RE2020 ont fait augmenté les prix, il y a eu moins de logements lancés, les primo-accédants n'achètent pas donc le marché est bloqué. Le marché des biens de luxe et de prestige est plus impacté mais le bord de mer reste très soutenu et les prix ont continué à monter. Des prix qui, conformément à ce que j'avais prédit, n'ont globalement jamais vraiment décroché...

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Dans ce contexte de morosité, comment réagissent vos réseaux de mandataires Capifrance et OptimHome, qui font le même métier mais avec des modèles différents ?

Globalement, les réseaux de mandataires représentent aujourd'hui 22% de parts de marché dans l'immobilier en France... Mais en effet, Capifrance et OptimHome sont deux approches différentes. Capifrance, qui encourage la performance individuelle, est sur un positionnement d'offre premium pour nos conseillers à qui on apporte un bouquet de services (au prix de 169 euros/mois, 289 euros/mois ou 379 euros/mois, NDLR) et qui sont plutôt des conseiller immobiliers à temps plein, rémunérés par palier : 70%, 75% ou 80% des commissions. Ils couvrent tous les métiers : le viager, l'immobilier neuf, l'investissement locatif, les commerces, etc. Aujourd'hui, le réseau Capifrance compte 2.665 mandataires et nous voyons arriver des professionnels des agences immobilières qui n'ont pas résisté à la crise. On n'a jamais eu autant d'agents qui ont rejoint Capifrance que sur l'année écoulée... Quant à OptimHome, c'est un réseau mid-market, qui encourage la flexibilité - en général, les agents ont un autre travail à côté - et qui récompense le travail de réseau. Nous proposons aux agents des packs de démarrage à 1 euro par jour pour lancer leur activité contre des services. Aujourd'hui, il compte 1.760 mandataires.

Comment la crise s'est-elle traduite en chiffres en 2023 ?

L'année 2023 a été plutôt stable concernant le nombre de mandats et on observe une reprise de 7 à 10% au premier trimestre 2024. Mais le chiffre d'affaires a bel et bien baissé, d'environ 26% par rapport à 2022, pour se monter à 160 millions d'euros. C'est la traduction d'une baisse de 30% du nombre de transactions enregistrées chez nous. La FNAIM évoque plutôt une baisse de 22% au national mais compte tenu des baisses de financement annoncées par la Banque de France, -41%, 22% me paraît en-dessous de la réalité.

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Votre pronostic pour 2024 ?

J'ai toujours dit que les prix ne décrocheraient pas car il y a peu d'offres et que les Français ont plutôt épargné donc ne sont pas incités à brader les prix, et je le maintiens : en 2024, les prix ne devraient pas s'effondrer non plus... Une petite fenêtre intéressante s'ouvre pour les primo-accédants qui peuvent acheter des logements au diagnostic de performance énergétique classé F, D ou G avec des rénovations à prévoir étalées sur quelques années. Et les taux d'intérêt commencent à baisser donc ça envoie un signal et motive les acheteurs. Nous observons une petite reprise sur le premier trimestre 2024, avec un retour des échanges, des acheteurs qui commencent à accepter qu'il n'y aura pas de décrochage des prix et qui ouvrent des dossiers, se renseignent. Et quand ça bouge côté acquéreurs, ça bouge côté vendeurs, notamment ceux qui n'avaient pas besoin d'argent et repoussaient leurs échéances de vente. On attend de voir si cette reprise d'activité se confirme par des signatures de compromis. Le lait frémit mais il n'y a pas de débordement ! Je suis prudent...

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* Marketing de réseau prônant une méthode de vente directe par laquelle des vendeurs indépendants servent de distributeurs de biens ou de services et sont incités à constituer et à gérer leur propre force de vente en recrutant et formant d'autres vendeurs indépendants.

Cécile Chaigneau

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