A Port-la-Nouvelle, Hyd'Occ pose la première pierre de son usine de production d'hydrogène

DOSSIER REINDUSTRIALISATION. Dans l’Aude, le port de Port-la-Nouvelle est le cœur battant de la réindustrialisation du territoire, et sa trajectoire s’écrit sur trois axes : l’éolien offshore en Méditerranée, la production et la distribution d’hydrogène, et le port de commerce. Un vaste plan d’investissement soutient ces ambitions, le chantier de réhabilitation et d’extension du port avance, des projets industriels se dessinent, certains conditionnés aux décisions à venir sur l’éolien offshore. L’un d’eux se concrétise : la construction d’une usine de production d’hydrogène, dont la première pierre est posée ce 29 juin.
Cécile Chaigneau
Le port de Port-la-Nouvelle, en pleine extension, se positionne comme hub logistique de l'éolien offshore flottant et hub de production et d'importation d'hydrogène vert.
Le port de Port-la-Nouvelle, en pleine extension, se positionne comme hub logistique de l'éolien offshore flottant et hub de production et d'importation d'hydrogène vert. (Crédits : DR)

Yann Wickers, le directeur général du port de Port-la-Nouvelle, résume ainsi les ambitions autour de l'infrastructure : « Les axes de réindustrialisation sont ceux de nos ambitions de développement : positionner le port comme hub logistique de l'éolien offshore flottant en Méditerranée, et comme un hub de production et d'importation d'hydrogène vert, sur lequel on voit qu'il y a une accélération... Et nous voulons continuer de renforcer le port comme pôle de vrac liquides - aujourd'hui des hydrocarbures et molécules noires mais avec l'idée d'aller vers les molécules vertes - et de vrac secs ».

L'identité du port jusqu'à présent repose sur une activité commerciale qui le place au 15e rang des ports français et au 3e rang des ports méditerranéens tricolores en termes de tonnages, avec 1,5 à 2 millions de tonnes par an, majoritairement des  hydrocarbures et des vracs secs à l'import et des céréales (essentiellement du blé dur) à l'export.

La Région Occitanie, propriétaire du port, a confié en mai 2021 la concession portuaire à une SEMOP (société d'économie mixte à opération unique, 51% de capitaux privés) qui pilote la réhabilitation de l'infrastructure portuaire.

Mutation et réhabilitation en cours

Pour opérer cette mutation, un chantier d'envergure de quatre ans est en cours, pour lequel la Région mobilise 234 millions d'euros (1ère tranche), aux côtés du Département de l'Aude et de l'Agglomération du Grand Narbonne (30 millions d'euros), et de l'Etat (32 millions d'euros) : construction d'une nouvelle digue, construction d'un terminal éolien qui sera la base arrière des deux fermes-pilotes d'éoliennes en mer flottantes (Eolmed et EFGL, en cours de construction) et de la future ferme commerciale d'éolienne offshore (dont l'appel à projet AO6 devrait délivrer les lauréats en avril 2024), ou encore nouvelle zone d'activité logistique portuaire de 70 ha qui sera livrée en 2025.

« Il n'y a aucun foncier portuaire disponible entre Marseille et Tarragone, sauf ici, vante Yann Wickers. Notre foncier est ouvert aux industriels qui font de l'import-export de matières premières, et qui ont donc besoin de voies ferrées et d'un port adjacent. La nouvelle zone logistique sera dotée dnouveaux aménagements ferroviaires. Quand on est un port de vrac, le ferroviaire est essentiel, car on sait qu'à terme, 70 à 80% de nos trafics sortiront par le train. Nos ambitions sont d'atteindre rapidement 6 millions de tonnes de flux ferroviaires, et 12 millions de tonnes en vitesse de croisière à horizon 2040. »

« Une vision industrialo-portuaire différente »

« Les travaux d'extension se poursuivent et ces infrastructures seront prêtes à l'exploitation en 2026, indique Yann Wickers. L'idée, c'est d'offrir un one-stop-shop (guichet unique, ndlr) aux porteurs de projet d'éolien en mer, comme dans le oil & gas, c'est à dire de remonter le plus en amont possible sur la chaîne de valeur et sur la chaîne logistique en leur permettant de construire, stocker et assembler ici les flotteurs des éoliennes et les éoliennes, mais aussi d'y piloter les opérations de maintenance. Dans l'attente des résultats de l'AO6, nous discutons avec l'ensemble des acteurs de la filière. Tous ont une vision industrialo-portuaire différente mais avec un tronc commun. »

Des projets industriels émergent ainsi sur la chaîne de valeur de l'éolien flottant offshore. Parmi eux, celui du groupe Schlumberger : développer des processus industriels automatisés de fabrication de pièces de flotteurs. La filiale biterroise du groupe travaille au design de lignes de production en vue d'une copie technique et financière à rendre d'ici la fin de l'année, « mais ce projet est en partie soumis aux résultats de l'AO6 et à l'échelle de déploiement sur la façade méditerranéenne », rappelle Yann Wickers.

Autre gros projet industriel : ArchiMed, société de projet créée par l'entreprise lotoise Matière, spécialisée dans la fabrication de flotteurs pour éoliennes en mer, et l'entreprise parisienne Ponticelli Frères, spécialisée dans les services industriels aux entreprises des secteurs du pétrole et du gaz ou de l'énergie. ArchiMed conçoit les flotteurs pour le projet Eolmed et pourrait, à terme, envisager l'installation à Port-la-Nouvelle d'une usine de fabrication de flotteurs. Mais là aussi, le projet dépendra des lauréats de l'AO6 et des choix industriels qui seront faits.

De l'hydrogène pour les poids lourds et les usages portuaires

A ce jour, le projet industriel le plus avancé sur le port est celui de Hyd'Occ et de sa future usine de production d'hydrogène vert, sur une emprise foncière de 5,5 hectares. Producteur indépendant d'électricité renouvelable, le groupe montpelliérain Qair avait annoncé, en juillet 2020, une diversification dans l'hydrogène. Sa filiale Qair Premier Elément avait ainsi répondu, avec la Région Occitanie, à l'appel à projets "Ecosystèmes territoriaux hydrogène" de l'ADEME et le projet de hub à Port-la-Nouvelle, baptisé HYVOO, a été retenu. Il est porté par la société de projet Hyd'Occ, créée par Qair Premier Elément et l'Agence Régionale Energie Climat (AREC) Occitanie (respectivement 65% et 35%). L'objectif : construire une usine de production d'hydrogène vert afin de répondre aux usages en matière de mobilités lourdes (maritime, terrestre, fluvial, ferroviaire) et d'industrie.

« Initialement, il était prévu de déployer cinq stations d'amorçage pour des flottes de véhicules sur des sites industriels du traitement de l'eau mais finalement, ce sont cinq stations d'approvisionnement de poids lourds (à Castelnaudary, Narbonne, Perpignan, Saint-Jean-de-Vedas et Eurocentre au nord de Toulouse, ndlr) qui seront alimentées en hydrogène, dans le cadre du projet Corridor H2 (qui, à l'initiative de la Région, vise à décarboner la mobilité lourde sur un axe nord/sud, ndlr). »

Divers usages portuaires sont aussi prévus : l'hydrogène alimentera ainsi la drague Hydromer pour l'entretien du port mais pourra également servir des opportunités de transport multimodal sur le port, ainsi que les besoins en hydrogène des industriels installés sur la zone portuaire.

Hyd'Occ va investir 60 millions d'euros dans la construction de l'usine. Stéphane Arnoux reste discret sur le financement, indiquant simplement avoir à ce jour « plusieurs guichets de financement, dont la Région, l'Ademe, France Relance, la BEI et l'Europe, avec environ 30% de subventions publiques et avances remboursables, soit 19 millions d'euros ». Accompagné par la Région via son satellite l'AREC, le projet industriel s'inscrit notamment dans le plan hydrogène vert de la collectivité, doté de 150 millions d'euros. L'usine emploiera une vingtaine de salariés à son démarrage, entre 40 et 50 en vitesse de croisière.

Première pierre le 29 juin

Hyd'Occ organise la pose de la première pierre le 29 juin, avec un an de décalage sur le calendrier initial, et la mise en service de la production est prévue pour fin 2024. Evolutive, la nouvelle usine aura une capacité initiale de production de 3.000 tonnes d'hydrogène par an et pourrait progressivement monter à 6.000 tonnes.

De l'hydrogène vert produit sur la base d'une technologie d'électrolyse basse température et d'une électricité « issue d'énergies renouvelables ». Mais les électrolyseurs ayant besoin d'une forte puissance et d'une source constante, l'usine sera raccordée au réseau public RTE « sur lequel seront raccordées les futures éoliennes pilotes du projet Eolmed (au large de Gruissan, soit une puissance de 30 MW, ndlr), précise Stéphane Arnoux. Par ailleurs, des fermes solaires installées sur le port seront directement connectées sur l'usine. Globalement, cela représentera une puissance de 70 MW d'énergies renouvelables raccordés sur le poste RTE de Port-la-Nouvelle. Nous faisons aussi du corporate PPA (Power Purchase Agreement, ndlr) en investissant dans une ferme solaire éolienne à distance pour alimenter le site. Mais nous serons secourus par le réseau en cas de besoin, le tout étant géré par pilotage intelligent ».

Le rapport sur l'enquête publique unique portant sur l'autorisation environnementale ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement) et la Déclaration d'Utilité Publique (DUP) du raccordement rappelle que « même s'il s'agit du réseau électrique commun à tous les utilisateurs de Port-la-Nouvelle, l'origine renouvelable de l'électricité sera garantie par l'achat direct du volume d'électricité nécessaire à des producteurs d'énergie photovoltaïque ou éolienne, en attendant le raccordement de fermes photovoltaïques en projet et/ou la production locale des éoliennes flottantes d'Eolmed ».

Quant à la question de la ressource en eau nécessaire à l'électrolyse, elle est à l'étude : « Au départ, nous utiliserons l'eau du réseau mais nous étudions l'hypothèse que l'eau de la station d'épuration de Port-la-Nouvelle puisse servir comme source principale, avec l'idée également de valoriser la chaleur produite par l'électrolyseur pour alimenter un réseau de chaleur à Port-la-Nouvelle, indique Stéphane Arnoux. Nous travaillons aussi sur le dessalement de l'eau de mer, et on est en train de trouver un système innovant qui ne consommerait pas trop d'énergie ».

Importer de l'hydrogène

Outre la production d'hydrogène, le port de Port-la-Nouvelle vise aussi les importations d'hydrogène.

« Nous construisons un nouveau terminal de vrac liquides et nous regardons les besoins en terme de foncier et de process pour être en capacité de se positionner comme hub d'importation d'hydrogène quand les besoins industriels seront tels que la France devra en importer, explique Yann Wickers. L'hydrogène arriverait par la mer, et aujourd'hui, on étudie sous quelle forme, d'où, quels processus industriels pour le transformer et ensuite le transporter. L'extension portuaire sera prête à l'exploitation en 2026, donc si les besoins accélèrent, nous serons en capacité d'y répondre. »

Dossier réindustrialisation

Retrouver l'ensemble du dossier ici (réservé aux abonnés).

Cécile Chaigneau

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