Scoring, gestion de l’eau : comment la filière cosmétique se met au vert

INTERVIEW - Ce 11 juin a lieu à Montpellier un événement organisé par le Cosmetopôle Occitanie sur la gestion de l’eau dans l’industrie cosmétique. Ingrédient crucial dans l’élaboration et la production des produits cosmétiques, l’eau est un sujet central pour les entreprises dans le contexte de raréfaction de sa ressource. Jean-Marc Giroux, président du réseau national Cosmed, répond à La Tribune en amont de ces rencontres.
Cécile Chaigneau
Jean-Marc Giroux, président du réseau national Cosmed.
Jean-Marc Giroux, président du réseau national Cosmed. (Crédits : Cosmed)

Cosmed est le réseau français de la filière cosmétique, organisé en cinq Cosmétopôles en Occitanie, PACA, Auvergne-Rhône-Alpes, Paris et Bretagne Grand Ouest. En Occitanie (4e région en France sur le secteur), la filière régionale comprend 215 entreprises, dont 97 (45%) sont adhérentes chez Cosmed, pour un total de 2.700 emplois. Le 11 juin, Cosmed invite les entreprises régionales à une rencontre, à Montpellier, pour échanger entre industriels, experts et institutionnels régionaux sur la gestion de l'eau, paramètre majeur de cette industrie. Une quarantaine d'entreprises sont attendues, parmi lesquelles les Laboratoires Pierre Fabre, Apimab, Berdoues Parfums et cosmétiques, les Thermes de Balaruc-les-Bains, ou le Laboratoire Ducastel.

LA TRIBUNE - L'industrie cosmétique est fortement dépendante de l'eau, exerçant un impact sur la ressource. Où l'eau intervient-elle dans les process ? En quoi est-elle un élément crucial dans l'élaboration et la production des produits cosmétiques ?

Jean-Marc GIROUX, président du réseau national Cosmed - Dans l'industrie cosmétique, il existe deux types d'eau. Tout d'abord, l'eau constituante des produits : elle constitue souvent l'ingrédient principal, représentant entre 60% et 95% de nombreuses crèmes, lotions, gels douche et shampooing. Par ailleurs, le rôle de l'eau est primordial pour garantir les normes sanitaires tout au long du processus de production : les produits cosmétiques sont souvent des émulsions, qui comprennent donc des matières grasses, des produits hydrophiles, etc., et quand on fait les mélanges en cuves, il faut ensuite nettoyer. Cette industrie est donc en effet consommatrice d'eau mais ce n'est pas un sujet nouveau.

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Où en est la prise de conscience de la filière sur ce sujet environnemental ?

La filière est engagée dans la cosmétique durable depuis les années 1970 : les premiers grands congrès internationaux évoquaient déjà ce sujet et elle a été reconnue par une ONG comme la plus avancée dans la prise en compte de l'intérêt de son environnement. Même si au départ, il ne s'agissait pas encore forcément de conscience environnementale mais surtout de raison économique... Concernant les économies en eau, on peut dire que l'innovation sur les process date d'il y a environ douze ans. Cosmed propose des formations depuis dix ans pour les entreprises sur ces sujets.

Quelles sont les innovations qui émergent pour mieux gérer l'eau dans les process industriels ?

C'est d'autant plus important de répondre à ces problématiques qu'aujourd'hui, il faut restaurer l'environnement et pas seulement le préserver, donc on voit beaucoup d'entreprises qui font de nouvelles usines adossées à des bassins végétalisés pour que l'eau se régénère par purification naturelle, pour récupérer des eaux pluviales via un environnement végétal et que l'eau retourne à la terre. Mais il y a encore des marges de progrès : l'eau de pluie récoltée peut aussi passer dans un circuit spécifique pour en faire l'eau de lavage des sols par exemple, et on commence à y réfléchir dans la construction des nouvelles usines. On peut avoir plusieurs qualités de l'eau dans la cosmétique donc on peut aussi imaginer plusieurs circuits, ce qui limiterait l'impact sur la ressource... Dans le secteur, la sous-traitance s'est beaucoup développée et c'est une bonne chose car il est coûteux d'avoir une usine vertueuse, et il vaut mieux pouvoir recourir à des sous-traitants dont les pratiques sont bonnes.

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Par ailleurs, la question de limiter le volume d'eau dans les produits est-elle sur la table ?

La deuxième façon d'agir, pour la cosmétique, c'est en effet d'agir sur l'eau dans les formules des produits. Les marchés de ce qu'on appelle la cosmétique blanche, notamment toutes les crèmes visage, ont besoin d'eau, mais les marques font un travail sur les formules de shampoings par exemple, pour qu'ils moussent moins et que le consommateur utilise moins d'eau pour se rincer les cheveux. Les bains étant très consommateurs d'eau, les bains moussants devraient disparaître... On n'observe pas d'envol fulgurant de la cosmétique solide ou en poudre, même s'il y a de gros changements chez les consommateurs, il y a encore de l'évangélisation à faire, mais ça démarre. En matière de formulation, on arrive désormais à produire d'excellentes textures avec peu d'ingrédients, or aujourd'hui, plus la formule est sobre, plus elle semble vertueuse au consommateur.

Que dit la réglementation sur les questions environnementales ?

L'Europe a voulu mettre un terme aux revendications environnementales excessives et elle a donc appelé les industriels à avoir un référentiel valable pour tout le monde, une sorte de Nutriscore de la cosmétique... Il existe notamment l'EcoBeautyScore, un système commun d'évaluation et de notation de l'impact environnemental des produits cosmétiques mais il a été initié par les grands groupes type L'Oréal et il est peu accessibles aux TPE et PME. Le GII (Green Impact Index, outil d'affichage des cotations des produits, graduées de A à E et évaluant plus de 50 critères, il intègre, au-delà de l'impact carbone, les enjeux sociétaux ainsi que de biodiversité et de naturalité, pour aller vers des produits plus durables, NDLR) a été initié par les Laboratoires Pierre Fabre en Occitanie (sous l'égide de l'AFNOR, NDLR). Cette notation devra être labellisée par l'Europe, et il est probable qu'à terme, ces deux systèmes de notation se rapprocheront, avec des critères utilisables par tout le monde. Progressivement, les entreprises s'emparent de la notation GII mais cette démarche est un très gros investissement en temps. Et l'entreprise qui décide d'y entrer doit afficher son score même s'il n'est pas encore au top, signifiant son parcours d'amélioration.

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Si les sujets environnementaux sont entrés dans les préoccupations des entreprises, quelle est l'ambition de cette journée du 11 juin à Montpellier ?

On passe encore aujourd'hui notre temps à expliquer les enjeux. Le chef d'entreprise a le nez dans le guidon et n'a pas toujours le recul nécessaire pour savoir ce qui lui sera imposé dans les cinq ou dix prochaines années. Cosmed fait cette analyse du futur pour eux, et sur l'eau par exemple, nous insistons sur le fait qu'il y a peut-être une réflexion globale à avoir en re-questionnant sa production, sa distribution, le recyclage, etc. Nous réunissons donc les entreprises de la cosmétiques avec les offreurs de solutions environnementales... Avec ces sujets, aujourd'hui, tout le monde est obligé de se parler, depuis les agriculteurs qui cultivent les matières premières et doivent avoir les pratiques les plus propres possibles, jusqu'aux industriels. Ça n'est pas simple mais ça rentre.

Comment se porte la filière cosmétique globalement ?

En France, il n'y a pas de crise sur le haut de gamme, ni sur les entrées de gamme vers lesquelles les gens se tournent pour des raisons de pouvoir d'achat. Ce qui souffre, c'est le segment de milieu de gamme car en plus, il est très concurrentiel. Mais la cosmétique reste une filière résiliente qui recrute...

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Cécile Chaigneau

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