Quelles sont les conditions d’un tourisme rémunérateur et durable en Occitanie ?

Le Connect Live Tourisme de La Tribune s’est tenu depuis le Pont du Gard, ce vendredi 18 juin. « Comment l'Occitanie peut-elle être le fer de lance du tourisme de demain ? ». Tel était le thème de cette rencontre entre des acteurs professionnels de la région. L’occasion de revenir sur les enjeux d’un secteur qui pèse 15,9 milliards d'euros de retombées économiques en Occitanie et 100.000 emplois, constituant donc un levier incontournable de la relance économique, mais aussi sur sa nécessaire mutation vers des pratiques plus durables.
Parmi les intervenants sur la table ronde, Jean Pinard, Sébastien Arnaux et Jean-Guy Amat.
Parmi les intervenants sur la table ronde, Jean Pinard, Sébastien Arnaux et Jean-Guy Amat. (Crédits : DR)

Le tourisme, un levier de la relance économique en Occitanie ?

Jean Pinard, directeur du Comité régional du tourisme et des loisirs d'Occitanie : « La région a perdu un quart de sa fréquentation en 2020, notamment de la clientèle étrangère. Mais la clientèle française était en revanche sur-représentée (+ 28%), même si elle s'est concentrée dans les résidences secondaires et non dans les hébergements marchands. Pour cette année, on espère une très bonne arrière-saison qui se conjuguera à de très bonnes perspectives pour cet été 2021. L'Occitanie est aussi la première région thermale, et c'est la filière qui a le plus perdu en 2020 (50% de chiffre d'affaires). L'évolution du thermalisme passera par une ouverture au bien-être et à une clientèle de proximité. »

Jean-Guy Amat, vice-président de la Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air : « L'Occitanie a la plus grande capacité d'accueil pour l'hôtellerie de plein air, avec 600.000 lits sur l'ensemble du territoire. En 2020, l'intérieur des terres a mieux résisté que le littoral, mais au total, le chiffre d'affaires a baissé de 25% sur l'année. Cet été, il manquera à nouveau les Néerlandais et les Allemands. Pourtant, du 15 juillet jusqu'à fin août, il devrait y avoir beaucoup de monde, s'il n'y a pas d'éléments perturbateurs car ces réservations bénéficient de conditions d'annulation souples. »

Sébastien Arnaux, directeur général EPCC du Pont du Gard : « Le Pont du Gard, c'était un million de visiteurs en 2019, dont 30% d'étrangers, et une perte de chiffre d'affaires de 54% en 2020... Notre site a été aménagé pour le protéger. Mais il s'est un peu déconnecté de son territoire car il fonctionne de manière autonome. Aujourd'hui, nous avons la volonté de nous ré-ancrer dans le territoire, pour parler au monde entier. »

Jean Micoud, directeur général de Haute-Garonne Tourisme : « La Haute-Garonne avant la crise, c'était 1 milliard d'euros de recettes, six millions de visiteurs et 15.000 emplois. A l'été 2020, la consommation de gîtes avait repris avec même une hausse de 5%, mais on s'est heurté à une offre limitée car des propriétaires de gîtes n'ont pas voulu ouvrir à cause des mesures sanitaires. Sur le tourisme de montagne, la consommation a, bien entendu, était freinée par la fermeture des remontées mécaniques. Cela relance la problématique inévitable de la transition de ces stations de montagne, qui doivent se tourner vers un tourisme des quatre saisons. La question est comment les accompagner ? Et comment encourager les professionnels à proposer des activités toute l'année. »

Une mutation vers un tourisme plus durable ?

Jean Micoud, directeur général de Haute-Garonne Tourisme : « Il faut un cercle vertueux entre les acteurs, les clients et les habitants. Et les voyageurs doivent s'engager à respecter l'environnement qu'ils visitent. L'été dernier, avec la sur-fréquentation de certains sites, il y a eu des nuisances. Le tourisme ne doit pas détruire ce qui le fait vivre. Pour nous, cela passe aussi déjà par une charte sur le territoire et l'accompagnement des acteurs. Sur notre département les sites préservés sont déjà traversés par des axes structurants - randonnées ou vélo - qui permettent aux acteurs de s'organiser. Et cela permet aussi aux voyageurs de profiter d'un patrimoine culturel à un prix attractif. »

Jean Pinard, directeur du Comité régional du tourisme et des loisirs d'Occitanie : « J'entends la sur-fréquentation, mais le bilan carbone d'un voyage en avion reste toujours plus élevé. Pourtant il faut réguler. Des pistes sont à étudier sur les vacances scolaires, les stations de ski avaient bien obtenu le découpage en zones pour étaler la saison, mais on concentre toujours les vacances sur moins de deux mois. Autre point, les transports. Des TGV desservent les stations de ski pendant l'hiver, on pourrait dupliquer le modèle sur des stations balnéaires. Donc je trouve qu'il y a une forme de malhonnêteté intellectuelle sur le sujet du tourisme durable. 77 % des externalités qui pèsent sur l'économie touristique sont du transport d'après l'Ademe. Ce serait sûrement plus facile avec un étalement des vacances scolaires. »

Sébastien Arnaux, directeur général EPCC du Pont du Gard : « C'est vrai que la fréquentation se concentre sur juillet et août. Cette densité demande la possibilité d'étendre les animations dans la journée et dans l'année. Au-delà de cette question, nous nous demandons aussi aujourd'hui quelles sont les valeurs du monument que nous présentons. La visite doit être un moment d'interrogation sur l'histoire, la relation à l'autre ou à la planète. C'est aussi un endroit où on peut valoriser le terroir local. »

Jean-Guy Amat, vice-président de la Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air : « Je reviens aussi sur le calendrier scolaire, qui n'a pas su évoluer et qui favorise la sur-fréquentation. Dans notre fédération, nous sommes directement liés à l'environnement, avec des destinations près des grands centres urbains et un retour à des complexes plus écologiques. Pour renforcer la solidité économique des structures, nous testons sur le biterrois un système de Pass, qui permet aux campeurs qui viennent hors saison de bénéficier de coupons pour des activités à l'extérieur. En échange, les prix des emplacements ne sont pas baissés. Par ces petites initiatives, on essaie de construire la destination de demain. »

Un tourisme plus expérientiel et plus local ?

Jean Micoud, directeur général de Haute-Garonne Tourisme : « Le monde rural est en attente de partage de son mode de vie, de ses marchés et de ses produits. Une activité comme l'écoute du brame du cerf a, par exemple, rencontré du succès ! Il ne faut pas avoir peur de proposer des activités qui sortent de l'ordinaire. La crise du Covid-19 a accéléré cette appétence. »

Vincent Fonvieille, président d'ATR (Agir pour un tourisme responsable) : « Notre regroupement de voyagistes (France et étranger) veut répondre à un label reprenant les principes du tourisme durable et vert. Nous proposons de mettre en oeuvre un plan de compensation carbone, mais avant, il faut savoir ce que nous émettons. Nous demandons donc à nos entreprises de faire un bilan carbone et de mettre en place un plan de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. C'est très important. La prochaine étape est 2025, avec la compensation de 100% des émissions de nos clients. Ces derniers demandent d'ailleurs de plus en plus d'engagement de la part des professionnels... Mais il ne faut pas diaboliser les voyages au long cours. Le tourisme fait vivre une personne sur dix dans le monde. Nous devons continuer à voyager mais différemment, moins souvent, et sur des périodes plus longues. Certaines zones souffrent d'ailleurs d'un manque de tourisme. La question de la fréquentation dépend d'ailleurs d'une répartition dans le temps et l'espace. »

Jean Pinard, directeur du Comité régional du tourisme et des loisirs d'Occitanie : « Les partenaires occitans se sont mobilisés sur l'appel à projets lancé dans le cadre du Fonds Tourisme durable (doté de 50 millions d'euros dans le cadre du plan de relance, NDLR), pour soutenir le développement d'offres de slow tourisme. Sur la région, nous avons un département précurseur sur cette question, le Gers, et je crois qu'il pourrait être retenu dans cet appel à projet. »

Jean-Guy Amat, vice-président de la Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air : « On partage l'objectif de gagner en qualité et d'étaler la saison pour offrir plus d'emplois et d'espaces. Mais aujourd'hui, le littoral languedocien concentre l'offre située majoritairement en zone inondable, et les professionnels n'ont pas de vision de long terme pour pouvoir investir et améliorer leur offre d'hébergement. Il faut faire évoluer la réglementation pour autoriser des hébergements innovants sur pilotis ou sur flotteurs par exemple. Si on ne fait pas cet effort, les professionnels feront de la piètre qualité. »

Retrouvez l'intégralité des échanges ici.

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