Municipales : la campagne folle et baroque de Montpellier

Dans la 7e ville de France, la campagne des municipales est qualifiée d’un peu folle. Partis à 14, les candidats ne sont plus que trois au 2nd tour : le maire sortant Philippe Saurel (DVG), le socialiste Michaël Delafosse et le capitaine d’industrie Mohed Altrad, qui a noué une curieuse alliance politique. Durant la campagne, on parle solidarité, attractivité, santé, commerces, urbanisme ou mobilités. On y parle aussi beaucoup d’esprit (ou non) de coopération entre collectivités locales.
Cécile Chaigneau
Qui pour prendre la tête de la ville de Montpellier la surdouée, comme la surnommait le socialiste Georges Frêche ? Le suspense est entier.
Qui pour prendre la tête de la ville de "Montpellier la surdouée", comme la surnommait le socialiste Georges Frêche ? Le suspense est entier. (Crédits : Ville de Montpellier)

A Montpellier, pas moins de 14 listes se sont affrontées le 15 mars dernier pour aboutir à une triangulaire, le maire sortant Philippe Saurel étant au coude à coude (19,1 %) avec le candidat Michaël Delafosse (PS-PCF, 16,6 %), et le capitaine d'industrie milliardaire Mohed Altrad (13,3 %). Pour le 2nd tour, la campagne s'est à nouveau emballée dans la 7e ville de France, pas avare de rebondissements.

Le maire sortant est resté fidèle à sa ligne de conduite hors parti et continue en solo, avec une liste « divers gauche, écologiste et citoyenne ». Le socialiste Michaël Delafosse, professeur de collège et conseiller départemental, s'est naturellement allié avec Coralie Mantion, la candidate EELV "officielle" (divisés, les écologistes ont présenté trois listes au 1e tour). Mais ne s'est pas entendu avec le trio Clothilde Ollier (dissidente EELV), Alenka Doulain (collectif NousSommes, soutenu par LFI) et Rémi Gaillard (humoriste youtubeur et défenseur de la cause animale), par « manque de logique de projets pour la ville et absence totale de sincérité d'engagement ».

Cohérence politique floue

C'est finalement l'homme d'affaires franco-syrien Mohed Altrad (sans étiquette) qui a formé in extremis une liste d'union pour le moins baroque en offrant à ce trio 24 places (sur 65). Une alliance que beaucoup imaginent fondée sur une cause commune enragée : faire tomber le maire en place...  Mathématiquement, ce serait possible, avec près de 40 % des voix sur le papier. Mais cet attelage à la cohérence politique floue pourrait aussi détourner une bonne partie de l'électorat. Les anciens alliés EELV ou LFI ont ainsi dénoncé « trahison » et « mensonges ».

Comment des profils aussi différents pourront-ils gouverner ensemble ? Mohed Altrad s'affiche comme « le patron » et recourt volontiers au vocabulaire de l'entreprise, promettant un « management collégial interactif ». Mais quoi d'autre ? Le programme sera présenté le 12 juin*. Invité le 10 juin par La Tribune à un débat avec les deux autres candidats, Mohed Altrad s'est finalement rétracté, annonçant qu'il ne participerait à aucun débat...

« Une métropole belliqueuse »

Chez le candidat socialiste, le programme, teinté de vert dès le départ (il veut « un green new deal volontariste »), reste inchangé. Dans toutes ses propositions, s'inscrit en filigrane un fil rouge très présent : une large coopération entre les collectivités locales (Région ou Conseil départemental notamment) comme condition sine qua none de l'essor de la ville et de la métropole. Michaël Delafosse vise ainsi directement le climat de conflit entretenu selon lui par le maire en place : « Montpellier est une métropole belliqueuse ! Les rivalités de clocher sont d'un autre âge. Pour que Montpellier ne soit pas oublié, il ne faut pas être fâché avec tout le monde, il faut rassembler ».

« Je n'ai pas envie que la gouvernance de Montpellier se fasse depuis le Conseil régional à Toulouse », tacle Philippe Saurel en réponse, pointant l'amitié politique qui lie son adversaire à la présidente PS de la Région Occitanie, Carole Delga.

A Montpellier, les enjeux économiques s'expriment dans le domaine de la santé, sur le soutien au commerce de centre-ville, le développement urbanistique, l'attractivité, les mobilités et les ambitions écologiques. Mais aussi sur le devenir de gros programmes d'aménagement urbain.

Michaël Delafosse et Philippe Saurel prônent chacun la création d'une agence de développement économique en partenariat avec la Région - « pilotée par une personnalité forte de la société civile, avec une gouvernance apaisée » pour le premier, « une structure qui rassemble avec une gouvernance neutre » pour le second. Mais aussi sur la santé.

« Le dispositif Montpellier Capital Santé (dans le cadre du Pacte État-Métropole, signé en janvier 2017, NDLR) nécessite aujourd'hui une structure et la venue d'une personnalité, et doit être orienté vers la médecine du futur », préconise Philippe Saurel.

Son adversaire, lui, souhaite créer (avec le soutien de la Région et du Département, toujours) Montpellier Med Vallée, un pôle européen majeur en matière de santé, d'environnement, d'alimentation et de bien-être.

Ajourner Ode à la Mer ?

En revanche, un projet divise (et de longue date) : celui d'Ode à la Mer, vaste opération de requalification urbaine et commerciale. Inquiets, les commerçants de centre-ville dénoncent la prolifération des mètres carrés commerciaux en périphérie. Le maire en place assure que « Ode à la Mer n'est pas qu'un centre commercial. Je me suis engagé à stopper les m2 commerciaux mais il faut poursuivre le repositionnement des commerces en zones inondables. Le rééquilibrage passera par des projets d'envergure, comme la réhabilitation du Polygone (centre commercial de la ville centre, NDLR) ».

« Le projet Ode à la mer déstabilisera l'armature commerciale de la ville, plaide Michaël Delafosse. Il faut l'ajourner et relocaliser les enseignes sur la ville centre afin de rééquilibrer Montpellier. Notre priorité ne peut plus être l'extension de la ville. »

Sur les questions de mobilités, Michaël Delafosse promet la gratuité des transports en commun pour les habitants de la métropole, une place accrue aux mobilités douces et des réponses sur les dessertes de l'aire urbaine. Le maire actuel, lui, valorise son action autour du vélo avec « 22 km de pistes cyclables faites avant le confinement, 15 km temporaires ajoutés durant la crise, et dans les cartons, 80 M€ d'investissements sur dix ans sur les pistes cyclables ».

« Parce que je n'ai pas fait campagne »

Philippe Saurel (élu en tant que dissident socialiste en 2014) n'a pas bénéficié de l'habituelle prime au sortant, « parce que je n'ai pas fait campagne (il sortait d'une importante opération du genou en janvier, NDLR) et que j'ai appelé à ne pas aller voter ! », répond-il. Plus précisément, il avait été parmi les premiers à s'insurger contre la tenue du premier tour alors que l'épidémie coronavirus gagnait du terrain.

La gestion de la crise lui permettra-t-elle de récupérer ce retard ? L'édile n'a en tout cas pas ménagé sa peine. Présent sur tous les fronts (soutien aux commerces, exonération de droits de terrasse, subventions aux associations, report de taxe de séjour, etc., des plans de soutien évalués à 70 M€), il assurait être « dans la crise sanitaire jusqu'au cou ». Il semblerait qu'aujourd'hui, sa campagne ait bel et bien démarré.

Mais les analystes s'interrogent sur la réalité de ses réserves de voix... Et quid des abstentionnistes du 1er tour (65,4 %) ? Les élections ne sont jamais une science exacte. Dans cette campagne montpelliéraine, le suspense est garanti. Tout pourrait bien se jouer sur un fil.

* MAJ 12 juin 2020, 19 h : Le candidat Mohed Altrad présentait son programme de sa liste le 12 juin. Il s'organise autour de trois piliers : le lancement d'un Fonds public de relance économique (1 Md € financés à parts égales par l'Europe, l'Etat français, la Métropole et l'économie-secteur bancaire), la création d'un bouclier sanitaire (100 M€ financé par un emprunt de la métropole) « pour investir dans les infrastructures de santé et dans la santé de proximité et la prévention », et l'instauration d'un soutien municipal d'urgence (35 M€ pris sur le budget de fonctionnement de la ville) « pour lutter contre la pauvreté et en appui au secteur culturel et associatif ». Le fonds public, qui s'appuiera sur une société d'économie mixte, interviendra en soutien des secteurs et filières prioritaires (commerçants, bâtiment, viticulture, santé, silver économie, tourisme, économie numérique, transition écologique). Quels changements ont été concédés depuis l'alliance conclue le 2 juin ? Pas de réponse à cette question, mais son directeur de campagne Serge Guiseppin reconnaît « 70 % de points communs dans le programme, 30 % pas forcément partagés »...

Cécile Chaigneau

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Commentaires 3
à écrit le 13/06/2020 à 11:39
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La candidature de Mohad Altrad est sans doute la plus décevante. C'est au pied du mur qu'on voit le (franc)maçon. Depuis le début, l'"Oriental" pateauge dans la semoule. Poussés un peu contre sa volonté pas ses "petits copains" du Cercle Mozart et au...

à écrit le 12/06/2020 à 10:52
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IL est vrai que le cas de Montpellier est atypique, avec le maire de Grenoble un peu quand même hein. Des élections vivantes ! L'humain possède quand mêmes des ressources incroyables même si propriété oligarchique, les élections ingurgitent et broien...

le 13/06/2020 à 11:41
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A se montrer tout simplement simples, inventives, efficaces et honnêtes!!!

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