Pourquoi La Grande Motte revoit à la baisse son ambitieux projet de réaménagement Ville-Port

Cœur névralgique du tourisme languedocien, La Grande Motte, ville née de la Mission Racine et créée ex-nihilo à la fin des années 1960, se doit d’évoluer pour s’adapter aux besoins du tourisme et des activités nautiques qui s’y sont développées, tout en s’adaptant au changement climatique. Son vaste projet de réaménagement urbain, baptisé Ville-Port, subit les foudres de l’inflation et d’une époque où les financements publics sont à la peine. Alors que l’enveloppe avait doublé, le maire (LR) Stephan Rossignol annonce diviser par deux le coût du projet, ce qui le contraint à revoir ses ambitions à la baisse… Explications.
Cécile Chaigneau
Pour des raisons de financement, La Grande Motte (Hérault), ville hautement touristique, doit revoir à la baisse son projet de réaménagement urbain.
Pour des raisons de financement, La Grande Motte (Hérault), ville hautement touristique, doit revoir à la baisse son projet de réaménagement urbain. (Crédits : Ville de La Grande Motte)

Le projet d'extension du port de La Grande Motte (Hérault) est dans les cartons depuis plusieurs dizaines d'années. Il avait pris un tour concret en 2017 avec un nouveau concours d'architecte, finalement remporté en 2018 par François Leclercq. Il vient de connaître un revers sévère.

« Le projet Ville-Port ne boit pas la tasse mais il est revu à la baisse, confirme le maire (LR) de La Grande Motte, Stephan Rossignol, le 23 octobre lors d'un déjeuner de presse. Car la condition sine qua none de la réalisation de ce projet, c'est de ne pas mettre les finances de la Ville en péril ! »

La Grande Motte est née de la Mission Racine, créée en 1963 sous l'impulsion du Général de Gaulle pour créer des stations balnéaires ex-nihilo sur le littoral languedocien. La station est alors imaginée et créée par l'architecte Jean Balladur et son port est inauguré en 1967. Cinquante-six ans plus tard, la ville accueille, durant l'été, quelque 100.000 touristes chaque jour, imposant à la collectivité de s'adapter... La vaste opération d'aménagement urbain, baptisée Ville-Port, avait initialement été chiffrée à 62 millions d'euros mais sous le coup de l'augmentation des matériaux, de l'énergie ou encore des taux d'intérêt, l'enveloppe est montée à 120 millions d'euros. Son financement n'est aujourd'hui plus tenable et les financeurs reculent.

La Ville a donc voté en conseil municipal une révision et une réorientation de ses ambitions qui divisent le budget alloué quasiment par deux, le faisant ainsi revenir à son enveloppe initiale, mais avec beaucoup moins de réalisations...

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Prévisionnel explosé

« La structure du financement prévoyait qu'un tiers était financé par l'Etat et la Région Occitanie dans le cadre du Plan Littoral 21, un tiers par la vente de foncier pour réaliser 450 logements, et un dernier tiers par la Ville et le port via un emprunt et de l'autofinancement, explique Stephan Rossignol. Mais dans le contexte d'aujourd'hui, l'Etat et la Région sont, comme toutes les collectivités, confrontés à des difficultés de financement et disposent de moins de moyens pour les gros projets. Or tout a augmenté : par exemple, les sanitaires publiques estimées à 350.000 euros étaient a minima à 600.000 euros, et surtout, le déplacement de la digue ouest et le creusement de deux nouveaux bassins (d'une capacité de 420 anneaux, NDLR) faisaient exploser le prévisionnel. La part de la Ville allait exploser avec la réduction de la participation de l'Etat et de la Région. Ce n'était plus tenable, malgré notre bonne santé financière... »

L'élu a donc dû réorienter ses objectifs, redéployant le projet sur le périmètre déjà artificialisé, et évoque maintenant un projet moins gourmand et plus vertueux du point de vue environnement.

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Passer de trois à une seule halle nautique

« Aujourd'hui, je suis conscient que le contexte environnemental  déclenche des réactions vives des populations concernées et nous savions que nous allions être confrontés à de multiples recours, confie-t-il. Mais nous avons maintenu le cœur du projet. Le creusement de deux nouveaux bassins pour la création de 420 anneaux est abandonné (le Conseil national de protection de la nature avait d'ailleurs rendu un avis négatif sur cette partie du projet, NDLR) et nous allons procéder à un réaménagement de la zone portuaire ouest, avec quelques anneaux supplémentaires mais pour de plus grands bateaux. Nous allons réaménager l'aire de carénage. Trois halles nautiques étaient prévues, qui auraient impacté la plage : nous n'en faisons plus qu'une seule, de 9 mètres de haut, où s'installeront les entreprises nautiques, à l'exception de Grand Large Yachting qui sera installé dans la partie la plus à l'ouest, dans un bâtiment qu'on construit. Et là où étaient les entreprises, nous maintenons la construction du quartier baptisé la Colline, avec 250 logements - au lieu des 450 prévus - dont 120 seront des logements sociaux et de l'accession abordable. La promenade de 1,5 km, baptisée Ballade (en référence à l'architecte Jean Balladur, NDLR), est maintenue. »

De 120 millions d'euros, le projet est redescendu à 68 millions d'euros, avec une structure de financement qui devrait conserver la même répartition qu'initialement. Un comité de financeurs, incluant la Banque des Territoires, devrait être créé en janvier 2024.

La Ville reprend la procédure de concertation. Les travaux pourraient démarrer en 2025 sur la zone portuaire, en 2028 pour les logements.

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Créer un cœur de ville

En parallèle, la ville poursuit son projet « cœur de ville ». Car, comme le souligne Stephan Rossignol, « la station balnéaire, qui ne devait être, à ses origines, qu'une station touristique, présente une particularité : elle ne dispose pas vraiment d'un cœur de ville ».

« L'objectif de cette opération, c'est de créer une nouvelle vie d'habitats et commerces, sur l'emplacement de l'ancien théâtre de verdure, fermé en 2014 pour des raisons de sécurité, et du conservatoire de musique qui sera installé dans l'ancienne Cave d'Haute Plage, détaille-t-il. Ce cœur de ville se matérialisera par un immeuble d'une cinquantaine de logements, avec un parking souterrain, un étage dédié aux services publics - les services sociaux de l'agglomération et de la ville - et des halles marchandes en rez-de-chaussée avec de la restauration et une vingtaine d'étals. Nous venons de lancer la consultation auprès de dix promoteurs régionaux via un appel à manifestation d'intérêt. Ils doivent s'associer à un architecte bien sûr - avec l'idée de rester dans l'identité grand-mottoise de Balladur - mais aussi à un porteur de halles marchandes. Ils nous feront leurs propositions au début 2024 et nous présenterons le lauréat choisi en avril-mai 2024. La Ville vendra le terrain au promoteur, entre 4 ou 5 millions d'euros, et financera l'étage des services publics, soit environ 2 millions d'euros. »

Le projet ne se fera pas de suite car il faudra d'abord délocaliser le conservatoire de musique sur la Cave d'Haute plage, un espace de 3.200 m2 : « On ne peut pas aménager le rez-de-chaussée en raison du risque d'inondation, le projet sera donc déployé sur la partie haute pour l'école de musique et un auditorium, pour un peu plus de 3 millions d'euros ». Après avoir rasé le conservatoire actuel et démonté le théâtre de verdure, les travaux pourraient démarrer en 2026.

Eaux usées, thalassothermie, résidences secondaires...

Une saison estivale de bonne tenue - Le maire de La Grande Motte, Stephan Rossignol, se refuse à donner des chiffres avant de les avoir présentés officiellement, le 14 novembre prochain, aux professionnels du tourisme, mais il trace d'ores et déjà les grandes lignes du bilan de la saison estivale : « Après des mois de février, mars et avril qui ont connu des fréquentations record et après un mois de juillet moyen, comme partout, nous avons enregistré un très bon mois d'août et un excellent mois de septembre. A fin septembre, sur le stationnement payant dont les recettes ont augmenté de 20%, et la taxe de séjour, nous avons déjà dépassé les chiffres de l'année 2022. Aujourd'hui, la saison, ce sont les quatre saisons ! ».

Sécurité - L'élu, qui revendique quelque 107 caméras de surveillance dans sa ville, exprime une inquiétude pour l'été 2024, dans le contexte des Jeux Olympiques qui se dérouleront du 26 juillet au 11 août à Paris : « On nous a déjà annoncé que les renforts de CRS qui font de la surveillance à La Grande Motte ne seront pas là l'été prochain, de même que les renforts de gendarmerie. C'est une inquiétude pour tous les maires du littoral, qui ont alerté le gouvernement. Nos polices municipales devront être davantage présentes et nous travaillons déjà sur le sujet avec la brigade de gendarmerie locale. D'autant qu'on ne sait pas à quel niveau seront les alertes attentats que l'on connaît aujourd'hui ».

Environnement - La Ville de La Grande Motte vient de doter ses 6.800 points d'éclairage de LED, « ce qui va nous permettre de faire 80% d'économie d'énergie... On n'éteint pas mais nous pouvons réguler l'intensité de l'éclairage et quelques quartiers non éclairés sont équipés de détecteurs de piétons ».

Réutilisation des eaux usées - Depuis septembre, la Ville arrose la moitié de son golf avec des eaux usées traitées en station d'épuration et retraitées aux UV (par l'entreprise héraultaise Bio-UV). Un projet porté par l'agglomération du Pays de l'Or (7 millions d'euros au total financé par l'agglomération et la ville, et 1,6 millions d'euros de subventions de l'Agence de l'eau) lancé il y a cinq ans, un délai bien trop long pour le maire de ville littorale : « Il nous a fallu cinq ans pour obtenir les autorisations, surtout de l'Agence Régionale de Santé ! Mais nous n'avons le droit d'arroser que la moitié du golf - soit 250.000 m3 d'eau économisés - en raison de la présence d'habitations autour, et j'aimerais bien maintenant pouvoir également utiliser les eaux usées traitées pour arroser les platebandes, pour l'aire de carénage du port ou pour la voirie... La France est très en retard ! ».

Thalassothermie - La Ville de La Grande Motte lance cette semaine les travaux du chantier de thalassothermie qui consiste à chauffer et climatiser 1.800 logements autour du port, la mairie, les écoles, le palais des congrès, le centre culturel, le casino et le centre de thalassothérapie. Le principe, qui est construit et exploité par Dalkia (filiale d'EDF) : récupérer les calories de l'eau de mer et les transformer pour chauffer l'hiver et refroidir l'été bâtiments et logements. « Ce dispositif permettra aux occupants des logements de faire 8 à 10% d'économie et de leur garantir des prix stables... Pour la Ville, l'économie n'a pas été chiffrée mais ce sera conséquent ». La première phase sera opérationnelle à l'automne 2024, la seconde à l'automne 2025. L'ensemble se chiffre à 13,5 millions d'euros, largement subventionnés par l'Ademe et la Région Occitanie (8,5 millions d'euros).

Taxe d'habitation des résidences secondaires - En 2023, les communes et intercommunalités qui font face à des tensions immobilières peuvent voter une majoration, comprise entre 5% et 60%, de la part de la cotisation de la taxe d'habitation qui leur revient. C'est le cas de La Grande Motte : « Aucune commune éligible ne va se priver de cette augmentation, alors que nous n'avons plus, maintenant, que la taxe foncière, dont La Grande Motte n'a pas changé le taux depuis 2014. Nous avons choisi d'augmenter notre part, 13,25%, de 40%. Ce qui représentera 1,6 million d'euros de recettes et on espère que ça incitera les propriétaires de ces "lits froids" à remettre ces logements sur le marché de la vente ou de la location ».

Cécile Chaigneau

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