Comment l’éolienne à deux têtes de Valeco va faire œuvre de pédagogie et de recherche à Sète

Le prototype à échelle 1/10e d’une éolienne flottante à deux têtes, baptisée Nezzy2, vient d’être offerte par le producteur d’énergies renouvelables Valeco à l’Université de Montpellier. Assemblée sur le port de Port-la-Nouvelle, l’éolienne à vocation pédagogique va être transportée jusqu’au port de Sète pour servir à la formation, à la recherche et à l’innovation dans le domaine des énergies marines renouvelables.
Cécile Chaigneau
Le prototype (à l'échelle 1/10e) de l'éolienne flottante innovante à deux têtes Nezzy2, conçu par Valeco-EnBW et assemblé à Port-la-Nouvelle, est destiné à un projet pédagogique et de R&D avec l'Université de Montpellier.
Le prototype (à l'échelle 1/10e) de l'éolienne flottante innovante à deux têtes Nezzy2, conçu par Valeco-EnBW et assemblé à Port-la-Nouvelle, est destiné à un projet pédagogique et de R&D avec l'Université de Montpellier. (Crédits : Valeco-EnBW)

Le 12 avril, le producteur d'énergies renouvelables montpelliérain Valeco, racheté par l'Allemand EnBW en 2019, inaugurait le projet NEZZY2, première éolienne flottante assemblée en Occitanie, à Port-la-Nouvelle (Aude), plus exactement le prototype à l'échelle 1/10e de l'éolienne. Ce modèle d'éolienne flottante innovante à deux têtes est destiné à un projet pédagogique et de R&D avec l'Université de Montpellier.

Pour le producteur d'énergies renouvelables montpelliérain, jusqu'alors plutôt positionné sur l'éolien terrestre et les centrales solaires au sol, l'éolien en mer n'était pas une cible affichée, mais la stratégie de l'énergéticien allemand EnBW* l'a fait changer de braquet et Valeco affiche désormais des ambitions affirmées sur l'éolien offshore. Il s'est positionné sur les deux appels d'offres français en cours pour des parcs d'éolien en mer flottants : au sein du consortium Moulins du Mervent (avec Shell et Eolien en Mer Participations, filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations) sur l'AO5 en Bretagne Sud (250 MW), et seul sur l'AO6 en Méditerranée (deux parcs de 250 MW chacun) avec le projet Les Moulins du Leonis. « Nous répondrons à l'AO9, ainsi qu'à l'AO10 dont on ne connaît pas encore les zones », précise aujourd'hui Pauline Bertrand, responsable du développement offshore de Valeco.

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En matière d'éolien en mer, la France compte aujourd'hui 8 GW installés ou en projet et prévoit de lancer un appel d'offres en 2025 en vue de produire 10 GW supplémentaires en 2035, l'ambition affichée du gouvernement étant d'atteindre les 45 GW en 2050.

18 mètres de haut

« Cette éolienne à deux têtes NEZZY2, qui fait quand même 18 mètres de haut, est le fruit de la R&D de EnBW, détaille Pauline Bertrand pour La Tribune. Elle a été installée en Mer Baltique pour démontrer qu'on peut doubler la puissance d'une éolienne avec une même surface d'emprise et tester sa résistance dans diverses conditions climatiques et de mer. Les tests se sont biens passés et le prototype est maintenant offert aux étudiants, dans le cadre du projet académique TOMA'OCC initié par l'agence Ad'Occ (agence de développement économique de La Région Occitanie, NDLR) et l'Université de Montpellier, pour les sensibiliser aux enjeux de l'éolien flottant et travailler sur le prototype en Méditerranée. »

Conscient de l'importance de la formation des futurs professionnels de l'éolien offshore, Valeco prépare aussi, par cette démarche, son avenir et ses futurs besoins en compétences.

« Les étudiants vont pouvoir étudier le monitoring, l'architecture et les composants de l'éolienne, la connectique, réfléchir à ce que ça représente en terme d'innovation... NEZZY2, c'est une plateforme pédagogique pour travaux pratiques », détaille Pauline Bertrand.

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« Nezzy2, c'est un bac à sable ! »

C'est bien l'avis de Philippe Combette, vice-président de l'Université de Montpellier, en charge des partenariats et de l'innovation : « Nezzy2, c'est un bac à sable ! ». La plateforme servira en effet à la formation, à la recherche et à l'innovation dans le domaine des énergies marines renouvelables.

« Il y a un peu plus d'un an, nous avons été contactés par la Région Occitanie pour engager les forces académiques dans le domaines des énergies marines renouvelables et l'idée est venue de mettre en place un démonstrateur technologique pour les étudiants de bac -3 à bac +8 afin de les acculturer à ces nouvelles formes d'énergies, qui seront l'avenir de l'Occitanie, explique Philippe Combette. Dans le cadre de l'AO6, nous avons vu passer beaucoup de candidats industriels car la Région a eu l'idée de les inciter à se rapprocher du secteur académique pour développer des consortiums "formation et recherche". C'est ainsi qu'EnbW est venu proposer la donation du prototype Nezzy2, avec l'idée d'en faire un démonstrateur pédagogique. »

Sont concernés par cette plateforme pédagogique les étudiants des formations aux énergies renouvelables des BUT (bachelor universitaire de technologie) à Béziers, Montpellier et Nîmes, de la faculté des sciences de Montpellier, des écoles d'ingénieurs comme Polytech, du lycée Dhuoda de Nîmes (qui propose un BTS Maintenance des systèmes éoliens), mais aussi les thésards et doctorants.

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Tester des technologies

Le prototype d'éolienne, qui s'offre ainsi une seconde vie, va être remorqué jusqu'au port de Sète (Hérault) où il sera mis en service pour être testé d'abord sur le port avant d'être mis à l'eau d'ici deux ans.

« Le prototype d'éolienne sera connecté au projet porté par SolarinBlue (unités solaires flottantes installées en pleine mer, NDLR), ce qui fait un double site pilote mêlant photovoltaïque flottant, éolienne et connectique, des domaines qui se rapprochent des besoins en compétences des industriels, détaille Philippe Combette. Nous allons travailler sur les verrous à lever avec les entreprises et les laboratoires de recherche, notamment l'Observatoire de Banyuls. Des entreprises sont déjà venues nous voir pour tester des technologies sur les éoliennes, par exemple pour le monitoring ou pour la qualification des câbles dynamiques... Par ailleurs, des connexions sont déjà envisagées avec l'université de technologie de Delft aux Pays-Bas, qui est très pointue sur les sciences de l'ingénieur et très intéressée pour monter un partenariat sur des masters. Et au laboratoire IES (Institut d'électronique et des systèmes de Montpellier, dont Philippe Combette est aussi le directeur - NDLR), j'ai reçu des chefs d'entreprises néerlandais intéressés pour venir tester ici leur technologie sur l'éolien flottant. »

Réduire l'emprise sur l'environnement marin

En décembre 2023, depuis le salon Energaïa à Montpellier, Pauline Bertrand évoquait les gros enjeux à encadrer, dans les appels d'offres, le contenu industriel local face à la concurrence chinoise. Pauline Bertrand, qui souligne que Valeco est devenu concessionnaire et exploitant du site Mistral, premier site d'essais autorisé en Méditerranée dédié à l'éolien flottant et basé à 5 km au large de Port-Saint-Louis-du-Rhône (Bouches-du-Rhône), rappelle que les candidats aux appels d'offres ne sont pas tenus de s'engager sur une technologie spécifique. Côté flotteurs, Valeco revendique d'ailleurs « une approche agnostique ». Côté éolienne flottante, l'entreprise travaille donc sur l'éolienne à deux têtes comme une hypothèse.

« Nous travaillons maintenant sur le prototype à l'échelle 1 avec deux éoliennes de 8 MW pour voir comment il fonctionne sur le volet maintenance, et ensuite le tester en conditions réelles, indique Pauline Bertrand. À terme, on peut imaginer mettre deux turbines de 15 MW sur un même flotteur, ce qui réduirait encore l'emprise d'un parc sur l'environnement marin. »

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* Le groupe EnBW détient un parc éolien offshore posé de 48 MW (Baltic 1) et un deuxième parc (Baltic 2) de 288 MW en mer Baltique. Il a remporté, en 2017, l'appel à projet du parc éolien offshore He Dreiht en mer du Nord (960 MW, 64 éoliennes) qui devrait être mis en service fin 2025. En 2019, il a mis en service les parcs d'Hohe See et Albatros en mer du Nord en Allemagne (640 MW). Et en 2021 et 2022, EnBW a remporté, avec BP, deux projets de 6 GW au large de l'Ecosse.

Cécile Chaigneau

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