Agrivoltaïsme : « Notre ambition 2030 est d’équiper plus de 1.000 hectares » (Sun’Agri)

INTERVIEW - Sun’Agri est l’un des fers de lance du secteur de l’agrivoltaïsme. Alors que le décret sur l’agrivoltaïsme a été publié en avril dernier, ouvrant une nouvelle page pour les développeurs d’énergies renouvelables, l’entreprise affiche une feuille de route ambitieuse malgré les incertitudes liées à la conjoncture politique. Les détails avec Cécile Magherini, directrice générale déléguée.
Cécile Chaigneau
Le développeur spécialisé dans l'agrivoltaïsme Sun'Agri annonce trente projets en exploitation ou construction, sur le pourtour méditerranéen et dans la vallée du Rhône.
Le développeur spécialisé dans l'agrivoltaïsme Sun'Agri annonce trente projets en exploitation ou construction, sur le pourtour méditerranéen et dans la vallée du Rhône. (Crédits : Sun'Agri)

LA TRIBUNE - C'est quoi aujourd'hui Sun'Agri, précurseur sur l'agrivoltaïsme ?

Cécile MAGHERINI, directrice générale déléguée de Sun'Agri - Sun'Agri, filiale de Sun'R, a été créée en 2019 par Antoine Nogier, inventeur du concept d'agrivoltaïsme avec Christian Duprat à l'INRA, une innovation technique mais aussi une proposition de valeur pour l'agriculteur. Aujourd'hui, l'entreprise est implantée à Paris, à Lyon, à Montpellier et à Perpignan, soit un peu moins de 50 personnes au total.

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Le décret sur l'agrivoltaïsme a été publié en avril dernier mais les professionnels de la filière attendent maintenant les décrets associés... Quel point majeur reste à définir ?

L'agrivoltaïsme est un outil sur-mesure en fonction des territoires, donc ce qui comptait le plus, c'était la loi APER et l'article 54, avec notamment l'élément le plus important : l'obligation de ne pas dégrader la production agricole de plus de 10%. Mais le sujet du partage de la valeur n'a pas été traité. Or c'est un point très complexe, et notre conviction, c'est que l'agrivoltaïsme est avant tout un outil agricole et non de la transition énergétique. On aide l'agriculteur à mieux vivre de son métier en le protégeant des aléas climatiques, en améliorant ses rendements et en diminuant la consommation en eau. Le partage de la valeur, c'est aussi la question de la pérennité du projet agricole et nous voulons que la valeur soit mise dans le projet agricole, sur le partage de la lumière et que l'agriculteur devienne actionnaire et partie prenante du projet.

Comment travaillez-vous avec les agriculteurs, les chambres d'agricultures ?

Les projets agrivoltaïques sont toujours des projets longs : entre la prise de décision et la sortie du projet, il peut se passer trois ans et demi. Soit les agriculteurs expriment des besoins, soit nous les prospectons, notamment sur les salons comme le Sitevi à Montpellier. Nous avons aussi treize partenariats avec des énergéticiens comme RWE Renouvelables, Boralex, Engie, etc. pour des projets sur de la vigne et en arboriculture.

Où en êtes-vous en termes de développement de projets, expérimentaux ou commerciaux ?

Notre ligne directrice, c'est le service rendu à l'agriculture pour s'adapter au changement climatique, donc nous travaillons là où le projet agrivoltaïque a un impact le plus fort, en l'occurrence en Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, PACA et Auvergne-Rhône-Alpes. Nos segments de marché phares sont la vigne et l'arboriculture - poires, pêches, pommes, abricots, cerises - et nous avons lancé une offre en élevage de bovins et ovins pour qu'ils restent le plus longtemps en pâture dans les prairies permanentes (non semées, NDLR)... Aujourd'hui, nous avons trente projets en exploitation ou construction, sur le pourtour méditerranéen et dans la vallée du Rhône. Certains sont expérimentaux et pas forcément chez un agriculteur, ce sont des programmes de pilotage pour étudier le comportement des plantes sous les panneaux photovoltaïques. Par exemple, le premier était à Lavalette à Montpellier sur du maïs. Nous avons également des dispositifs plus grands, un à cinq hectares, chez des agriculteurs à l'occasion de replantation. Le premier a été celui de Tressere sur des vignes dans les Pyrénées-Orientales. En Occitanie, l'agrivoltaïsme intéresse beaucoup les vignerons car cela joue sur la qualité du vin. En termes de projets commerciaux, les permis de construire ont été traités comme des dispositifs nécessaires à l'exploitation agricole.

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Portez-vous des projets collectifs ?

Pas encore mais nous allons y travailler.

Redoutez-vous un ralentissement du développement des énergies renouvelables du fait de la crise politique actuelle ?

Aujourd'hui, avec une trentaine de projets en exploitation ou construction, nous continuons de développer notre activité. Quoi qu'il arrive, le changement climatique est là, il impacte le monde agricole et l'agrivoltaïsme reste une solution pertinente. Et nous ne travaillons pas qu'en France, même si elle est précurseur du point de vue réglementaire. L'Italie a décidé cette année de mettre un cadre réglementaire et un plan de soutien de 1 milliard d'euros sur l'agrivoltaïsme. Je suis confiante.

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Quelles sont vos ambitions ?

Nous sommes sortis de la phase d'expérimentation, nous savons désormais ce qui marche ou pas. Aujourd'hui, on compte une soixantaine d'hectares équipés ou qui le seront dans l'année, et nous avons 300 hectares en développement. Notre ambition 2030 est d'équiper plus de 1.000 hectares en France mais aussi en Italie et en Israël... Nous allons recruter des forces commerciales, des développeurs et des ingénieurs agronomes, notamment pour suivre les projets en exploitation. Nous avons plus que doubler nos effectifs en deux ans et nous allons également les doubler d'ici 2030.

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Le financeur participatif Enerfip dans les starting-blocks

L'entreprise montpelliéraine Enerfip, spécialisée dans le financement participatif des énergies renouvelables, affûte déjà ses armes pour financer les projets agrivoltaïsme. Julien Hostache, président et cofondateur de l'entreprise, est prêt : « L'agrivoltaïsme est un sujet plein de potentiel. On a besoin de déployer les ENR mais il faut aussi considérer les enjeux agricoles qui sont face au changement climatique et qui peuvent être adressés grâce à l'agrivoltaïsme. Nous n'avons pas encore de projets dans le pipe, nous sommes dans des échanges sur des projets potentiels. Mais nous avions financé le projet de Solveo Energies et Yannick Jauzion sur de la culture de ginseng, une plante qui pousse dans des zones ombragées, dans la banlieue de Toulouse, il y a trois ou quatre ans. Cela ne s'appelait pas encore agrivoltaïsme ! ».

« On ne financera pas tout et n'importe quoi, ajoute-t-il. On étoffe nos critères d'analyse et d'audit, chaque dossier étant étudié sous les aspects techniques, réglementaires et financiers mais aussi en termes d'impact écologique. »

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Cécile Chaigneau

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