Pourquoi les Grands Domaines du Littoral investissent massivement dans les vignes non greffées

Propriété du groupe Vranken-Pommery, les Grands Domaines du Littoral à Aigues-Mortes (Gard) opèrent un retour aux origines en cultivant quelques vignes franches de pied, c’est-à-dire non greffées. Ce positionnement identitaire, qui s’inscrit dans une vision de protection du patrimoine génétique, vise également à permettre à l’entreprise viticole de poursuivre sa pyramide qualitative avec une nouvelle segmentation.
Les vignes du Domaine de Jarras, propriété des Grands Domaines du Littoral.
Les vignes du Domaine de Jarras, propriété des Grands Domaines du Littoral. (Crédits : Fred Laures)

Premier vignoble d'Europe en propriétés (1.750 hectares de vignoble en Camargue et presqu'autant d'espaces naturels), les Grands Domaines du Littoral (250 salariés, 27 millions d'euros de chiffre d'affaires), filiale du groupe Vrankin-Pommery Monopole, produisent chaque année 3 millions de bouteilles à travers deux marques principales : Pink Flamingo et Daladel.

Depuis octobre dernier, leurs vins de sable sont officiellement enregistrés en AOP, une reconnaissance internationale.

« Cette AOP, qui valorise nos savoir-faire, va dynamiser notre terroir et nos vins, se réjouit Julien Fort, directeur général de Grands Domaines du Littoral. Cela va changer les cartes de la grande distribution européenne. Notre potentiel est énorme et nous sommes complètement capables de nous adapter aux demandes du monde du vin. Nous allons ainsi structurer nos marchés et segmenter notre vignoble. »

L'entreprise mise notamment sur le développement de ses « sparkling wines » (effervescents), secteur en pleine croissance.

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« Toute la génétique de la Camargue »

Mais depuis l'arrivée, en 2005, de Paul-François Vranken à la tête du groupe éponyme, les Grands Domaines du Littoral expérimentent un retour aux sources en renouant avec des vignes franches de pied, c'est-à-dire non greffées.

«  Notre vignoble était autrefois 100% en francs de pied, rappelle Julien Fort. Lorsque l'épidémie phylloxérique a détruit la quasi totalité du vignoble français, elle a au contraire fait la renommée de nos propriétés car l'insecte ne pouvait faire de galeries dans le sable et n'avait donc pas la capacité de dégrader les racines de nos vignes. Lors de la replantation, les vignobles français ont été greffés avec un porte-greffe américain (toujours d'actualité, NDLR) mais notre domaine n'a pris ce virage qu'après la Seconde Guerre mondiale, le porte-greffe américain ayant comme intérêt d'amener de la vigueur dans la pousse. Pour autant, une trentaine d'hectares de vignes francs de pied ont été conservés précieusement : ces vignes représentent toute la génétique de la Camargue. »

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Des plants plus résistants et qualitatifs

Pour protéger cette génétique et « par devoir de mémoire », un conservatoire et des pépinières ont été créés à partir de ces vignes historiques. Les Grands Domaines du Littoral travaillent d'ailleurs en collaboration avec des pépiniéristes mais ont également développé leurs propres plants.

« Depuis quatre ans, nous replantons entre 3 et 10 hectares de vignes franches de pied chaque année, indique le directeur général. Cultiver ces vignes est complexe, délicat et nous avons développé tout un axe R&D en nous entourant de spécialistes en écophysiologie et génétique afin de déterminer le cépage adéquat, le contexte hydrique, etc., de manière à obtenir des plants plus résistants et qualitatifs. Une équipe d'une trentaine de personnes est dédiée à ce vignoble mais nous prenons notre temps, d'autant que nous sommes sur un modèle peu reproductible. Un dossier est d'ailleurs en cours pour un classement au patrimoine mondial de l'Unesco. »

Objectif : 500.000 bouteilles par an

Travail manuel exigeant, pressurage lent, doux... Faire prospérer une vigne en franc de pied a un coût. Rien qu'en plantation, la facture monte à près de deux millions d'euros, et l'entreprise gardoise évoque un investissement global de plusieurs millions d'euros. A la clé, des vins élégants, complexes, produits à partir d'un cépage autochtone, le grenache, sur la parcelle Favet 9-10 donnant son nom à la cuvée. 30.000 bouteilles sont commercialisées chaque année, sur une valorisation autour d'une quinzaine d'euros (contre 7 et 9 euros pour les cuvées Pink Flamingo et Daladel).

« Notre objectif est de poursuivre ce travail sur la pyramide qualitative en la fortifiant par les francs de pied sur trois couleurs, confie Julien Fort. D'ici cinq ans, nous misons sur une production de 500.000 bouteilles. »

Avec une dizaine de filiales dans le monde et des marchés réceptifs à ce type de produit (cavistes, restaurants gastronomiques), les Grands Domaines du Littoral entendent s'offrir une segmentation supplémentaire.

« C'est très stimulant d'écrire une nouvelle page d'histoire, de partager notre vision et d'aller encore plus loin dans la qualité et le style », se réjouit le directeur général des Grands Domaines du Littoral.

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